MEDECINE
RAISONNE'E
D E
M. FR- HOFFMANN,
Premier Médecin du Roi
de Prude, &c.
Trduiu t*r M. Jac Q ues-Jean Bruh.eR,
Dofteur en Medectne,
m e
PARIS,
Br i as s on. Libraire, raë Sait!
lues, à la Science & à 1 AngeGar ien«
M. D C C. X L 11.
jljtc jippTobaton, & ïrmltgt iu K«<-
L A
PATHOLOGIE
O U
PHILOSOPHIE
DU CORPS HUMAIN
CONSIDERE’ COMME MALADE,
CEST-A-DIRE,
L'explication des caufes des maladies , déduite ,
fuivant la méthode des Géomètres , d’ohferva-
tions exactes , & de principes certains , puifes
dans la Phjfique , Méchanique , é*
E T
Les véritables fonderons de la Pathologie , & 1»
maniéré de préferver le corps des maladies
de toute ejptce.
PREFACE
DU TRADUCTEUR.
E ne puis , fans man¬
quer aux devoirs d’une
jufte reeonnoiiïance ,
donner au Public la fuite de
la Medecine Raifonnée , fans
le remercier de l’accueil qu’il a
fait aux deux premiers Tomes,
Il eft bien flatteur pour moi
de voir l’horofcope que j’en
a vois tirejuftifie par l’événe¬
ment, êc pour l’Auteur, d’être
applaudi par une Nation auflî
éclairée que la nôtre, &àqui
Tome III. a
ij PRE F AC E.
Ion peut, foit difant lui dé¬
plaire , reprocher plutôt trop
de féverité 3 que trop d'indul¬
gence pour ce qui ne vient pas
d’un de Tes enfans.
On me dira peut-être que
je ne rifquois pas beaucoup à
tirer cet horofcope > aflhré que
j etois du fuccès par celui que
le fyftême de Medecine de
M. Frédéric Hoffmann a eu
dans toute l'Europe.
Je pourrois répondre que
l’experience nous apprend que
des Ouvrages qui ont eu un
cours prodigieux dans le tems,
ôc le païs^de leur naifïance 3
font tombes dans un difcredic
égal à leur fortune - que dau¬
bes ont échoué dans un pais *
PREFACE . i}
après avoir été élevé jufqu aux
deux dans d’autres ; enfin que
comme je n’étois pas sûr du
jugement de ma Nation, il eft
glorieux pour moi de l’avoir
prévenu. Mais mon amour
propre trouvera mieux fon
compte dans une conféquence
qui fuitnecefTairementde cette
obje&ion, c’eft que l’Ouvrage
de M. Hoffmann n’a rien per-
<iu de fon mérité pour être
paffé par nos mains. Ceft à.
quoi le Traducteur doit bor¬
ner toute fa gloire. Il a bien
entendu fon Auteur 3 puifqu’il
le fait bien entendre. Il n’a
donc pas trop préfumé de -fes
forces.
J’ai avancé avec confiance
iv PREFACE.
dans ma Préface des deux pre¬
miers Tomes 3 qu’il feroit très-
avantageux aux Médecins que
tous les hommes eufîent une
bonne teinture de l’Art qu’ils
profeffent ; d’où je concluois
qu’il falloir le mettre à la por¬
tée de tout le monde. Les rai-
fonnemens 3 & autorités 3 fur
lefquels je me fuis appuié n’ont
point étéuniverfellement goû¬
tés. Peut-être changera - t’on
d’avis quand on faura l’effet
qu’a produit la Medecine Rai-
fonnée.
Elle efl devenue Pétude } êc
le délaflement de gens de mé¬
rite , d’une profefhon 3 non-
feulement étrangère à la Mé¬
decine , mais même à la Litte-
' PR E'FACE. v
rature. Ils ont appris a refpec-
ter, 8c aimer, des vérités d’un
aufli grand ufage que celles à
qai nous Tommes voués ; 6c ce
refpedfc, 8c cet amour , Te font
étendus jufquauxorganes par
lefquelles elles ont palTé juC*
qu’à eux. Il y a plus : à force
de méditations ils en décou¬
vrent tous les jours de nouvel¬
les j qui leur étoient échappées,
ou qui font des conféquences
néce flaires des premières que
cet Ouvrage leur a mis Tous les
ïeux.
Mais ce qui me flatte le plus,
ceft le jugement qu’en ont
porté des Géomètres. Qui dit
un Géomètre , dit, comme
tout le monde le fait, une per-
VJ PRE F JC E.
fonne tellement habituée avec
vérité 3 qu’il ne daigne jetter
lesieux que fur l’évidence, ou
h démonftration. Or voici ce
<|ue m’écrivit au fujet de la
Medecine Raifonnée, un de
mes amis, qu’un goût domi¬
nant pour les Mathématiques
rend moins indulgent qu’un
autre pour tout ce qui eft obf-
cur 3 ou incertain. Je regarde
les Medecins avec refpecl , depuis
que vous m’avés fait préfent de la
Médecine Raifonnée. Je n'ai point
encore achevé de la lire , parce
qu il y a une infinité de termes que
je n entens pas. J aïfixé mon étude
en Medecine a deuxThéoremes par
jour 3 à caufe du tems quai me faut
pour chercher ces termes dans le
PREFACE. vij
Dictionnaire. Je ne fais grâce a
aucun \ moiennant cela Je trounje
que tout efl bien prouvé j & moi 3
LeEleur Géomètre Je fuis content t
& fatisfait .de mon étude.
Tels font les termes dont
s’eil fervi inon ami. Mais ce
titre ne doit point rendre fon
jugement fufped. Il ne porte
fur rien qui m’appartienne en
propre ; ôc d’ailleurs il eftbien
perfua.dé quejene lui ferais pas
moins attaché quand il penfe-
roit fur la Medecine dune ma»
niere auffi peu favorable que
beaucoup de gens de mérité.
Je vois toujours avec plaifîr j
par la cdnverfion de mon ami,
queJa leur n’eft point défef-
perée. Je reviens à fa Lettre.
a iiij
rilj PRE F JC E.
Que cët Extraie dcfiineroié
lieu a un beau Commentaire -
iî je n eerivois pas poiif cëiix
a qui il fer oit fuperlu t Mais
on me permettra d’en ttetm#
feulé conféquence , c’ëft que
1 aveuglement 5 & les teS&
bresj rie font pas le feùl gsi*
£age des Médecins j êc çflé. les
Matbemàtiques ne dédaignent
pas de teconnokiQ k Me-
àecine pour une de léüfs êl
les. Or avec ee paiffafii fe*
cours j Quelles attaques neft,
elle point en état dé repoüfe
fer ! Quels coups n’eft. elle
point en état de parer !
Si les deux premiers Tomes
de k Médecine Râifcnnea
ont produit à la Medëetn® ün
P RE F JC Ê. îx
avantage auflï confiderable
que n’a-t on pas droit d’atten¬
dre de la fuite ? J’ofe le dire ,
ceux que je donne aujourd’hui
font encore fuperieurs aux pre¬
miers j & je ne balancerois pas
à leur donner la préférence fur
tous les Ouvrages de principes
qui ontparu jufqu a nos jours*
s’ils ne le cedoient y du moins
à mon goût ; à ceux qui doi¬
vent les fuivre.
Je rend rois compte au Pu¬
blic des raifons qui m ont em¬
pêché de faire paroitre plutôt
ceux-ci^ fi elles étaient inté-
reffantes pour d’autres que pour
moi. Il eft cependant bon
qu il fâche que ce delai a pro-
X PREFACE.
curé deux avantages à l’Ou¬
vrage *, le premier d'avoir été
relu avec plus de foin ; le fé¬
cond * de l’avoir été fur la
nouvelle édition que M. Hoff¬
mann a fait faire de toutes fes
Oeuvres. Ces trois volumes
étoient entièrement prêts à
donner à l’Imprimeur,, lorf-
qu’un voyage trop long-tems
prolongé , fufpendit l*impref-
fîon 5 & donna letemsà l’Edi¬
tion latine de Geneve , de
paraître. Mon Libraire in¬
formé que cette édition avoir
été revue par l’Auteur , fouhai-
ta que je lui confrontaffe ma
tradu&ion 3 &: je trouvai fes
vues fi raifonnables que je n’ai
PREFACE. xj
pu refufer de my prêter, mal¬
gré 1 ennui de cette opération,
qui a été a autant plus infruc-
tueufe pour le Public, & def-
agréable pour moi, que Y Au¬
teur; n’a rien changéni rien
augmenté à fa Pathologie. Je
n y ai cependant aucun règret,
parce quelle s’eff faite dans la
vûe d’un plus grand avantage
pour les Le&eurs , & que ce
fera toujours l’objet que je me
propoferai en travaillant.
Il me refte à parler de ce
qui compofe les trois Tomes
que je lui | préfente aujour¬
d’hui.
On y trouvera en tête le
Xij PRE’ F ACE.
portrai ce l’Auteur 3 confor¬
mément à Tes intentions.
Mais comme on n’eft pas
moins curieux des actions des
grands hommes, que de com
îxoître leurs traits 4 fai crû
qu’on me fauroit gré d’y
joindre l’hiftoire de fa vie
telle que M. Schulze l’a mife
à la tête de la colledion
des Ouvrages "de M, Hoff¬
mann. Je laifle au Ledeur les
réflexions fur ce morceau d’hif-
toire. Je me contente de le
prévenir 5 que le Chrétien 3 le
Citoien 3 ôc le Médecin y
trouveront de quoi faire leur
profite
PRE F JC E. xiij
A cette pièce intéreflante
j’ai'cru devoir joindre une Di f-
fertation qui fert de Préface à
la collégien dont je viens de
parler , & dont le fujet mérité
une attention particulière. Elle
traite des qualités requifes pour
être bon Médecin. Jamais cir-
confhnces n’ont été plus fa¬
vorables pour faire paroitre un
Ouvrage de cette nature. Tout
le monde eft Médecin, & tout
le monde efc crédule. On ver¬
ra à combien peu d’honnêtes
gens ce titre convient, & quel
prodigieux nombre de duppes
on peut compter dans le
monde.
La fon^ion de ces deux
Ouvrages au Traité de la Par
xiv PREFACE.
thologie forme trois volumes
raifonnables , qui font termi¬
nés par une Table des Marie-
res très-ample?, & que j’ai corn-
pofée avec toute l'exactitude
dont je fuis capable. On peut
compter qui! ny a rien d’in-
- tereifant dans les trois volu¬
mes qui n’y foit rappelle au
mot auquel il fe rapporte le
plus naturellement.
Il n'a point tenu à moi de
rendre cette fuite encore plus
jntérefîance , & plus inftruc-
tive. Je comptois y ajouter une
Diirertatîon 1 , ou Lettre , où
M. Hoffmann, ainfî quil me
lavoir promis, devoir dire fou
fentiment fur la maniéré dont
je conçois que fe fait la circu-
F R. E FA C E, xv
don de la bile, & que fai ex¬
pliquée dans la Préface des
deux premiers Tomes. Ne re¬
cevant point de fes nouvelles,
je lui ai écrit il y a huit mois
pour le faire fouvenir de fa
parole. Je lui demandai en
même - tems des éclairciffe.,
mens fur quelques articles; de
fa vie , ou la différence dès
pais pourvoit m’avoir fait pren-
dre à gauche en tràduifant. Ma
Lettre lui eft Purement parve¬
nue , & cependant elle eft ref-
ïée fans réponfe , auffi-bien
que deux autres que je lui a!
écrites depuis.
Si M. Hoffmann n ? a rien
trouvé dans tout cela qui fot
digne de fon attention ^ du
svj FKFFJÇE.
moins ne dev oit-il pas juger
4$ même de ce que je lui mam
dois au fujet de fa liqueur ano-
dîne minérale. Bile fe trouve
à preftat communément dans
nos boutiques* Mais elt-çe Heu
la préparation 4e M. Hoff¬
man ? Pour en juger il n y a
d’autre moien que la compa T
raifon avec celle que l’Auteur
comppfe. Je lui en demaedois
un eflài ; àt je i’attens encore $•
on , 3 pour mieux dire , je nel’atr
sens plus.
.Antre embarras au fujet 4*
ce remede. Divers .Àpotkaires
le préparent. Chacun prétend
avoir le vrai ftçfeç. L’un don¬
ne pour quarante fois, ce que
l’aucrq vend un Bouis, Je i’in-r
formai
PRE' PÀ G Ë. xvïj
formai de ces citcon (lances.
Elles nont pas fait plus d’im-
preffion : cependant à qui le
Public donnera - t’il fa con¬
fiance ?
Si M. Hoffmann n’étoit pas
annoncé -dans fa vie comme
extrêmement défintereffé 3 je
pourrais conje&urer que fon
filence eftcaufë par la volonté
où il eft de tte point répondre
à un article de ma Lettre. J y
copiais la cômpofitioft de fa
fameufe liqueur anodine d a-
près une Lettre d’un célébré
Médecin Allemand , écrite I
un Médecin François de ma
connoifTaroe y êc jeïoi deman-
dois fon fentiment fur cette
préparation. Il falloir sexpli-
Tome III. b
xvlij PREFACE.
quer, & peut être étoit-il diffi¬
cile de dire vrai fans trahir un
fecret que M. Hoffmann a
fans doute rêfolu de laiffer
toujours dans 1 obfcurité. Du
moins le Médecin Allemand
affure- t’il bien pofitivement,
que la préparation qu’il envoie
eft la véritable. Je la mettrai à
la fin de cette Préface en fa¬
veur de ceux qui en voudront
faire leffai. Mais ce motifdé-
mentiroit trop évidemment
T Auteur de la vie de M. Hoff¬
mann , pour que j ofe lui im¬
puter fon fiîence.
Dire auffi qu’il ignore ou
meprife les loix d’une poli-
teffe générale pour toutes les
Nations 3 ce feroit avancer le
PREFACE, xlx
Paradoxe le plus étrange.
Il me relie donc à fuppofer
quil eft malade depuis le téms
que je lui ai écrit, ou qu’il a
terminé une carrière , qui eft
communément beaucoup plus
courte que la fienne. Mais fi
fon filence n eft pas l’effet de
l’une de ces caufes 5 & qu’il
Toit préjudiciable au Public ,
je lui îaiffe le foin de fe juftb
fier auprès de lui.
XX PREFACE,
Préparation
De U Liqueur anodine rainer ale de
Mettes dans une cucurbite
de verre tmk parties d efprlt
de vin très-reâifie; vedes-y peu
à peu une partie d’huilê de vi¬
triol , remuant la ctkurbite
chaque fois que vôûs fërés
une nouvelle addition de cette
huile, afin de rendre le mé¬
lange plus exadt. La cucurbite
s échauffera peu à peu 3 êc la
chaleur deviendra très-grande
quand toute î%uile fera mê¬
lée. Apres l’effervefcence fi¬
nie, couvres la cucurbite d’un
chapiteau aveugle, & la IaifTés
PREFACE. xif
en QÎgeâion pendant vingt-
quatre heures dans un lieupeU
chaud 5 puis diftillês au feu de
fable très-doux j après avoir
changé de chapiteau, Sc adapté
un grand ballon au bec du der¬
nier. Quand l’opération fera
finie, & les vaifièaux refroi¬
dis , verfés le produit fur une
quantité arbitraire de terre fo-
laire de Hefle, ou de cendrés
gràveîlées 5 diftillês de nou¬
veau avec les mêmes précau¬
tions j & vous aurés la liqueur
anodine minérale de M. Hoff¬
mann dans toute fa perfec¬
tion*
xxïj P K EJ F A C E.
On trouvera, dans un des Po~
lûmes qui fuivront ceux - ci les
marques aufquelles on connoit que
cette liqueur efi bien préparée.
MEMOIRES
Pour fervir à la Vie de Monsieur
Frédéric Hoffmann 9
CmfeiUn d’Etat du Roi de rr«tfe, & fi»
Premier Profeflem en Meiecme dan IV
me,filé de Hall, Comte du Palais de
[Emferen, , Do,en de IVnmrfttede
mû. Membre de CAcademie de, C«-
mnudelaNatme dotAudrnte Ut-
vénale de Petersbourg , de la Société
totale de Londres , & de l Academie
Pot ale des Sciences de Berlin î
Compoféspar M. Jean - Henri fehuhe ,
Doffeur en Médecine , & Profefeur pu¬
blic de Blnlofopbie , & de Medectne a
Hall.
’Univerfité établie en 1694* a
Iw Hall en Saxe, fous les aulçi-
cos àc Frédéric 1 . Roi dePruffe 3
&: Electeur de Brandebourg , qu*
l’a bien voulu honorer de ion nom.
ttiv M E*'M GIRES
cft devenue fifloriflinte ,8c fi cé¬
lébré dans tout le monde favant ÿ
que,bien que peu éloignée du tems
de fa fondation , non - feulement
éle l’emporte fur toutes les Socié¬
tés Littéraires qui fe trouvent dans
les Etats dont le Roiaume de Prude
eft compofë , quoique beaucoup
plus anciennes , mais qu’elle ne
cède en rien a aucune des Univer-
fités de fon voifinage, foit par la
réputation , & le mérité de fes
Profedeurs , luit pour la qualité,
& la quantité de ceux qui vien¬
nent s y inftruire. Si l’on recherche
la cauie de cès fuccès heureux, de
fi conformes aux vues de laugufte
Fondateur, on né Verra du coté des
hommes qu’une attention exacte
nés le commencement à ne rem¬
plir les Chaires que de Sujets qui
le font déjà rendus célébrés, & qui
lont dans un âge cru il rede allez
de forces pour remplir avec eXac-
- tmèe les devoirs que ce choix leur
impofe a
Me'mOIRE-S. XXV
impofe , bien qu’ils aient facrifié
une bonne partie de leur vie à re¬
quérir les connoiflances qui leur
ont mérité la place dont ils font
honorés, il n’y a donc rien de
merveilleux. v que, tant de perfon-
nes choilles en tous genres réu¬
nifiant leurs efforts ,/& toutes lés
forces de leur efprit pour rendre
cette Univerfité célébré , il n’y ait
aucune des Sciences divines , &
humaines , fur laquelle on n’ait
j etté un- nouveau j our 5 ce quiâ-caü-
fé l’admication d’un grand nombre
de fiijets, fait naître chez beau¬
coup d’entre eux la noble émula¬
tion de les fùivre de près;
) Un de ceux qui aient fait le plus
d’honneur à cette Univerfité par
l’étendue , & la variété de fes uti-
les- connoifîànces , ;par l’éclat des
dignités & des. ralens, le mérite
de. fes Ouvrages Je bonheur de
fg. Pratique ,;eit ie:célébré M.-Fré-
c
xxvj M e’m o i h e s
lais de l’Empereur, Confeiller d’E¬
tat, & Privé du Roi de Prude, &
fou Médecin Confultant, Premier
Profefïeur de Philofophie , & de
Medecine dans cette Univerfité ,
Doïen de ceux qui y profefïent,
Membre de l’Académie Impériale
des Curieux de la Nature, de celle
de Peterfbourg , de la Société
Roiale de Londres, & -de - l’Aca¬
démie Roiale des Sciences de Ber¬
lin , mon Protecteur, & mon Maî¬
tre , dont les bontés me mettent
hors d’état de donner des mar¬
ques convenables de reconnoiflan-
ce. J’entreprens d’écrire fa vie avec
d autant plus de confiance , que
j ai eu le bonheur de le fréquenter
pendant long-tems, que je fuisinf-
triiiit de tout ce qui le touche , 6c
qu d m a fait la grâce de me com¬
muniquer les Mémoires exacts qu’il
a compofés fur tout ce qui lui eft
arrive de remarquable. Avec ces
iccours, qc ces avantages qui rue
Mémoires, xxvîj
font particuliers , & dont j’ai fait
le meilleur ufage qu’il m’a été pof-
lîble, il me paraît que je fuis plus
propre qu’aucun autre à réuffir
dans l’Ouvrage que j’entreprens ,
& que la foiblefle de mes talens ,
& la fmplicité de mon ftile , ne
diminueront point fon mérité aa
jugement de l’équitable Pofterité.
Quand je jette les ïeux fur la
Famille de M. Hoffmann , & fur
fes Ancêtres , il me femble voir
la Famille des Afclepiades. {a) Car
à remonter de deux fiécJes , fes
Aïeux-font , ou Médecins , ou
Pharmaciens j pour commencer
par le côté maternel, nous trou¬
vons d'abord le refpectable Wcî-
fangus Holzwirth, fort! d’une Fa¬
mille diftinguée de notre païs, oit
(a) On appelle ainfi les Defceadans d’Efcu-
lapè, qui ont eu la tépuration d’avoir confervé
la Medeciae dans leur famille fans interruption
depuis Efculape jufqu’à Hippocrate, qui s’en di-
foit le dix-huitiéme defcendagt. Voyez le Clerc, .
Hijl. de la Médecine .
Cij
xxviij M e’ m oü e s,
elle a rempli les places les plus ho¬
norables , qui cultivoit la Pharma¬
cie à "Witteberg , dans le même
cems que Valerius Cordus y'êxpli-
quoit Diofcoride avec tant de fuc-
cès , èc d’honneur. La fcience de
Cordus fit tant d’impreffion fur
l’efprit d’Holzwth, qu’il le fui vit
de Witteberg jufqu’à Rome , &
qu’il n’en fut féparé que par la
mort prématurée de ce célébré Pro-
felïèur , arrivée en l’année 1554»
Holzv'irth , heritier de la paffion
qu’a voit Ion Maître Cordus pour
l’Hiftoire Naturelle , après avoir
pâlie deux ans à Rome, fut tenté
de parcourir plus de païs, & de re^-
cherchcr dans leurs terres natales
les ■) médicamens lîmples quelles
produifent j il s’embarqua donc à
Venife , & paffa à Jerufalem, De
retour dé fou voyage de long cours -
en la- même année ' 5 54 il cpou la v
dans [î c C berinê K< : pcr }
Me’moire s. xxix
lier de P Archevêché de Magde-
bourg , dont il eut une fille nom¬
mée Elifabeth.
Elifabeth Holzwirth fe maria en
1579. à Laurent Hoffmann , né
dans la célébré Métropole de l’E¬
vêché de Bamberg, êc qui avoir
appris la Pharmacie à Leipfick*
Ce Laurent Hoffmann eft le Bi-
fayeul de celui de qui j’écris la vie,
& la fouche commune de tous les
Hoffmann de la Ville de Hall ,
qui font parens de notre Frédéric.
Entre lesenfansde Laurent Hoff*
niann , deux de fies filsr méritent
fur-tout une diftinccion honora¬
ble - y ils s'appelloient Laurent, 6 c
André. Le premier fut Premier
Médecin de Jean - Georges, Elec¬
teur de Saxe 5 il s’efl fait parmi les
Médecins Allemands un nom qui
ne mourra jamais. Ceft lui qui a
porté dans la Famille des Hoff¬
mann la noblefïè dont l’Empereur
Ferdinand IL Pa honorée II a auffi
c iij
xxx Me’moires
kifTé des preuves authentiques des
connoifünces qu’il avoit acquifes.
, a fortune d’André ne fut pas fi
brillante. Il f e confaçra à la Phar¬
macie dans cette Ville, où de fon
manage avec Gertrude Seyfert ,
fille de Frédéric Seyfert, Echevin
de la Ville de Hall, il eut un fils
nomme Frédéric Hoffmann, qui
lut pere du nôtre.
C eft ici le lieu de parler, avec
tous les éloges qu’il mérite , de
Ealtnaf&r Brunner , l’un des plus
célébrés Médecins de fon tems
& qm a rendu des fervices effen-
tiels a 1 ? Famille des Hoffmann.
Il etoit ne a Hall, où fon pere
nomme Laurent Brunner , qui
avoir reçu le jour à Brigs , Ville
de Sileùe , & autrefois fiége d’un
, uché , s croit venu établir &
eto,ç Confeilkr. Balthafar Bmn-
ncr ctoit très-eftimé de JeanCraton
oe Kraftheim, fucceffivement Pre
mier Médecin de trois Empereurs,
Mémoire s. xxxj
chez qui il avoit demeuré pendant
quelque tems , & avoit été traité
comme s’il eut été Ton fils. Il n’é-
toit pas moins cher à Georges-
Laurent , Premier Médecin des
Electeurs , Marquis de Brande¬
bourg , qui lui avoit donné là
Elle en mariage. Maisaiant perdu
de bonne heure fomépoule, il
avoit pris en fécondés noces Elifa-
beth Holzwirth , veuve de Lau¬
rent Hoffmann , qui avoit plu-
fieurs enfans , pour l’éducation
defquels il fe donna tant de foins,
que , loin de fentir qu’ils étoient
tombes entre les mains d’un beau-
pere, ils n’avoient pas- droit d’en
>attendre davantage du pere le plus
afïèétionné. Brunner maria une
Elle unique qu’il avoit de fon pre¬
mier mariage à Laurent Hoffmann
fon beau-fils , qu’il avoit fait inf-
•struire dans toutes les fciences con-
venaoles a un enfant de famille ,
qu’il avoit initié aux myfteres
: xxxij Me’moi re s.
de; la Médecine , & qu’il a voit an-
puié de tout fqn crédit. C’eft ce
que la reconnoiflahce met dans la
‘ bouche de Laurent Hoffmann ;
" comme' ori le voit dans la Préface
qu’il a mife à la ; tête des'Confulta-
‘ rions de fon beau-pere , lorfqii’on
les impri ma chez nous en 1 61 8.
Qn peutî juger du mérite de cêt
-Ouvrage par la nouvelle édition
qulena fait faire dépuis peu en Hol¬
lande le célébré-M. Herman Boer-
liaavc.
Nous pafîbns à Frédéric Hoff-
. marin, fils d André, hé à Hall en
1^26. lequel après avoir pris une
teinture ftiffifante des Belles-Let»
très y s appliqua à la Medecine a
Jene , & à Witteberg. 11 fit de fi
-grands progrès dans cette fcience,
& l’exerça avec tant de fuccès, que
le Prince Augufte, Duc de Saxe ,
& Directeur de l’Archevêché de
Magdebourg, lui fit l’honneur de
le choifir pour fon premier Mede-
M e’ moires, xxxiif
cim Il s’eft aufïi fait dans la Répu¬
blique des Lettres un nom qui ne
mourra jamais , privilège que lui
ont juftement mérité plufieurs Ou¬
vrages, & notamment fa Méthode
de traiter les maladies , & fa Clef
de Schroder. Frédéric Hoffmann
avoit époufé Anne-Marie Knorri^
d’une Famille ancienne, & diftin-
guée , fille de Frédéric Knorri ,
Gentilhomme de. naifîance , &
‘ Confeiller , parente de fort près
' au célébré Médecin, & Chimifte r
Matthieu Unzer , qui eut auflî
pour gendre Pilluflre André Niet~
ner , Premier Médecin du Prince
Duc de Saxe , & Directeur de
l’Archevêché de Magdebourg. Fré¬
déric Hoffmann eut plufieurs en-
fans de fou mariage , entre autres,
celui dont nous écrivons la vie ,
lecjuel eft né en 1670 , le 19 de
Février 5 -& qui non-feulement a
paffé de beaucoup par l’étendue de
fes connoiffances, & de fes talens *
xxxiv Mémoires,
& par l’éclat de les dignités-, 6c de
Tes honneurs, mais même par la
longueur de fa vie, tous ceux qui
font fortis des mêmes pere, 6c me-
re j que dis-je ? tous fes Ayeux , à
quelque degré de gloire qu’ils foient
parvenus.
Les premières années de la vie
de M. Frédéric Hoffmann furent
emploiées à i’inftruire des devoirs
de fa Religion , 6c des élémens
des Belles-Lettres, en fe propor¬
tionnant aux développemens fuc-
ceffifs de fes fentimens, 6c defon
efprit. Ses parens, outre leurs foins,
ne négligèrent aucun des fecours
qui pouvoient conduire leur fils à
la perfection, 6c pour cet effet ils
affocierent à leurs utiles travaux
ceux qu’ils crurent les plus capa¬
bles de les féconder. Ces exercices
domeftiques le conduifirent jufqu’à
treize ans. Alors on l’envoia au
College public de cette Ville, que
le nombre des Étudians, 6c l’ha-
Me’mo IRIS, XXXV
bileté des Maîtres rendoit très-
floriflant. Il y avoit entre autres
Profeflèurs deux hommes excel-
lens pour l’attention, & l’adrefle
toute particulière à graver dans
l’efprit des enfans , les principes
qui mettent en état de tirer parti
des Sciences plus élevées. C’étoit
Meilleurs Pretorius, & Drechller.
L’attention continuelle de ces Maî¬
tres , & du Dilciple pendant qua¬
tre années mirent le jeune Hoff¬
mann en état de parler, &: d’écrire
avec pureté , & élégance , &; au
fait non-feulementde toutesles par¬
ties de la Philofophie, mais meme
d’une bonne partie des Mathéma¬
tiques. Je me fouviens de lui avoir
entendu fouvent répéter à fes dif
ciples , & plus fouvent encore à
fes enfans, & à ceux pour qui il
avoit une bienveillance particu¬
lière , que rien rie lui avoit été
plus utile que de s’être appliqué
de bonne heure à l’Arithmétique,
xxxv j Mémoires.
àc aux Mathématiques 5 6 c que
c’eft la pratique de ces fciences qui
lui a comme naturalifé le delïr des:
idées claires, 6 c développées , 6 c
qui lui a donné la méthode de
démontrer , ou de déduire des vé¬
rités obfctires , '& inconnues , de
principes clairs , & .certains , de
maniéré que Toit en s’inftruifânt
foit en inllruifant les autres , il
nembrafibit jamais de parti , ou
n’en propofoit point aux autres y
. que celui où il trou voit la clarté,
6 c. la certitude. Il avoir foin à ce
propos de rappellerla Lettre d’Hip¬
pocrate à fon fils Theffalus , ou
l’on trouve le détail des avantages
que procurent ces fciences pendant
tout le cours de la vie , 6 c l’on en
recommande notamment Lufage à
ceux qui veulent s’appliquer à la
Médecine. Telle étroit en effet la
difpofition de l’efpritde M. Hofi>
mann , qu’il fè plaifoit principale¬
ment a l’étude des Sciences qui
M E 1 M O I R. E S, xxxvij
font appuiées fur des principes cer¬
tains , 6c liés par un certain or¬
dre , Se qu’il n’a voit pas de goût
pour tout ce qui demande beau¬
coup de force , 6c de vivacité , de
mémoire, ôc d’imagination, com¬
me la Poëfie , la Mufique, l'Elo¬
quence , bu une connoifiance éten¬
due des Plantes. Ce n’eft pas ce¬
pendant qu’il n’eftimât ces feienccs
comme elles le méritent 5 mais le
cas qu’il en fefoit ne le détourna
pas dès fa tendre jeuneflè de Inap¬
plication aux études plus férieu-
les , qui demandent du jugement,
& de la réflexion 5 ôc c’efi: fur ces
traces qu’il a marché tonte fa vie.
L’inclination bienfelante de M.
HofFmann pere , qui ne lui per-
mettoit pas de fe relu fer à rien de
ce qui pouvoir être utile aux au¬
tres', ne laiflbit point à fon fils le
tems de fe livrer au repos , 6c à
l’oihveté. Car fa maifion éroit tou,
jeyrs remplie ckqeurïes Médecins ,.
xxxviij Me’moî S.E s,
qu’il inftruifoit dans toutes les par»
ties de la Médecine. Le fils ne né-
gligeoit point cet avantage , & il
ne s’abfentoit guere des démonf-
trations anatomiques , ou chimi¬
ques que le pere fefoit, Auffi en
recevoit-il les avantages que re-
cueilloient les enfans des anciens
Afciepiades , lefquels } fe trouvant
continuellement avec leurs peres
toutes les fois qu’ils fefoient quel¬
que opération de l’Art , ou des
exercices qui y eonduifent , profî-
toient prefque fans s’en apperce-
voir& le gravoient fi profondé¬
ment dans 1’efprit ce qu’ils a voient
vû, entendu , ou travaillé de leurs
propres mains, qu’il étoit auffi dif¬
ficile qu’iî-s oubliaient les élémens
de la lecture, que ceux des fcien-
ces qu’ils avoient , pour ainfi dire,
fucés avec le lait.
Il femble que le défaire arrivé
en 1675. à la maifon de M. Hoff-
mann auroit dû retarder les heu?
M E* M p 1RES. XXXIX
feux , & rapides progrès de celui
dont nous fefons î’hiftoire. Dieu
voulut qu’une maladie épidémique
qui fefpit beaucoup dé ravages dans
lé commencement du Printems de
cette année enlevât en trois jours
le pere, la mere, & la fille aînée. Je
ne puis me difpenfer de rapporter
en cet endroit ce que j’ai fouvent
entendu dire à cette ocçafion à M,
Hoffmann, avec autant de plaifir,
qued édification. Il avoit coutume
d’entretenir fouvent fes enfans, &
les amis de cœur } des événemens
qu’il regardoit autrefois comme des
adverfîtés, bien que ce Ment des
moiens très-efficaces que Dieu lui
fournifïbit pour s’affurer un bon¬
heur véritable , & de tirer parti
d J une faine Philofophie, & des lu¬
mières fécondes de notre feinte
Religion, pour apprendre à met¬
tre a profit les malheurs que Dieu
nous envoie : or tontes les'fois
qu’il parloit du défaire de fa fa-
xl Me 5 moires.
mille, c’étoir toujours pour bénît
la divine Providence > qui n’avoit
permis ces trilles événemens que
pour fon avantage , & celui des
fieras. Ces parens refpe&ables
avaient été enlevés à leur famille
dans un âge critique , oii les en-
fans ont le plus de befoin des con-"
feils, des avis, & des fecours pour
Paifance de la vie, qu’ils ont droit -
d’attendre de la tendrelïe , & de la
vigilance paternelle. Ils étoient
morts avec une fortune allez bor¬
née, à qui le feu avoir fait une
brèche alfez confidérable. Ce fu r
rent ces mêmes circonllances qui
firent prendre aux orphelins le re¬
ligieux parti de mettre plus que
amais leur confiance en. Dieu, de
ui adrelfer des prières plus fervent
tes,, de s’attacher plus parfaitement^
â la pratique des vertus, & à des %
profefïions honorables, & de liibf-
tituer au fafte qu’ont beaucoup de \
peine a éviter ceux à qui la fortune 1
M e’MO'I R E' Sv xlj;
rit fans ceftè, une vraie modeftic,
de un louable delir de fe rendre
utiles à la focieté , vertus dont la
pratique fit qu’avec un bien mé¬
diocre y de le fecours de Dieu, il
ne fc trouva perfonne dans cette
famille qui n’eut amplement de
quoi fe foutenir avec honneur. Le:
haut degré de feienee, où M.HofF-
mann eft parvenu, eft une preuve
fans réplique que les études auf*
quelles il s’appiiquoit n 2 eii : ont
point fouffert ; ce qui devoir affe
naturellement arriver. Car aiant
reçu de bonne heure de fon pere le 1
goût de la Medecine, il y. avait
tout lieu de craindre qu’il ne fe li¬
vrât trop tôt à ce qui eft propre à
eette fcience , de que l’agrément:
qu’il y trouveroit ne le fit fe porter
plus nonchalament, ou du moinffi
avec moins d’ardeur vers les ob¬
jets néceflaîres ponr parvenir ans
feiences relevées 5 : de donner un tel
ordre àies idées , qu’il ne fe faftk
xîij M e’m dires,
r>as de confufionqu’on puifïè
les communiquer de même aux au¬
tres.
M, Hoffmann refia au College
de Hall jjufqu a la fin de l’année
1678 , qu’aiant fait preuve de fa
capacité dans une Thefe fur le
Monde , où préfîdoit M. Preto-
rius, & par un Difcours public,
il prit un congé folemnel , & fe
retira près de fes protecteurs, & de
des amis , pour les confiulter fur le
genre d’étude auquel il s'applique¬
rait , de fur l’Univerfité où il iroit
étudier. L’inclination pour la Mé¬
decine , qui étoit comme hérédi¬
taire dans fa famille , l’a voit tou¬
jours porté vers cette profefîion j
Sc comme le célébré George W ol-
fiangus Wedeîius , qui enfeignoit
dans l’Univerfité de Jene, étoit un
des plus eftimés de fon tems , ce
fut auffi de lui que tout le monde
conseillaà M. Hoffmann d’aller
prendre des leçons.
Me’MO-IB, ES. xliij
Comme il étoitperfuadé depuis
long-tems que rien n’eft plus né-
ceffaire à une perfonne qui fe def-
tine à la Medecine quela.çonnoiff-
fance des Mathématiques, & de la
Philofophie naturelle, il ne négli¬
gea rien pour l’acquérir le plus par¬
faitement qu’il pût , afin de faire
d’autant plus de progrès dans la
Medecine, Il trouva à Jene tous les
fecours qu’il pouvoit foühaiter ,
& qu’on a voit lieu d’attendre des
inftruétions des célébrés Erhard
Weigelius, cetArchimede de l’U-
niverfité de Jene , Ôc Jean-André
Schmid , qui devint en fuite Abbé
de Marievaîl 5 & Théologien.
d'Helmftad , a qui M. Hoffmann
a toujours publié qu’il avoit de
grandes obligations. Quant à la
Medecine, c’étoit furtout à Wede-
lius qu’il s’attachoit , fans préju¬
dice des lectures réfléchies, & mé¬
ditées des meilleurs Auteurs, dont
il efpéroit tirer de grands avanta-
xîiv Mémoires.
ges, 11 fît une Thefe fous la préfî r
dence dé ce Docteur en i 6 jy }
dont le Sujet étoit le Dijfelvant de
Vejlomac. ■■ i
Après 1 avoir pafieunan àjene^
& prouvé fa capacité à tous ceux
qui couroient la même carrière que
lui, plu fieu rs de les amis le priè¬
rent de permettre qu’ils fuflènt les
témoins des travaux chimiques auf-
quels il s’appliquoit affiduement..
Il accepta le parti, tarit pour leur
faire pîaifir , que pour le fortifier
de plus en plus en enseignant, &
s’apperçut, fenfiblement que ce
cou rs d’opérations chimiques lui
avoir Fait beaucoup de bien , èc à
Ceux qu’il enfeignoit. Et comme
il avoir trop d’envie de profiter au
moien de la Chimie des avantages
qu’un Médecin peut tirer de fa
fcience , pont être en état de ? ré¬
primer uit defir fi violent, il prit
au commencement de l’année 16 80
le parti d’aller fe perfectionner fous
Me’moires. .xlv
Ckfpar Cramer, Profeflèur très-cé-
lebre en cette partie dans l’Uni ver-
fité d’Erford, & il Te comporta de
maniéré avec lui, qu’il s’acquit fou
amitié. Ikira de grands avantages
des leçons publiques de Chimie
que fefoit ce Profeflèur, &c auf-
quelles il étoit très-affidu j mais fes
conférences, àc fes conventions
. particulières avec ce Doéteur lui
firent beaucoup plus de bien. Dans
cette retraite il travailloit princi-
. paiement fuivant les idées de Van-
Helmont,qui étoient pour lors do¬
minantes dans les Ecoles de Méde¬
cine, & qu’il ne tarda point à aban¬
donner quand il fut plus au fait de
la Phyfique 5 il travailloit, dis-je, à
fa Diflertation ,fur le délire qui fait
attenter à fa vie , qu’il fit lire au cé¬
lébré W edelius, & qu’il fournit à fa
cenfure à la fin de la même année,
pour être foutenue publiquement
fous fa préfîdence , s’il la jugeoit
digne de voir le jour.
Tome IIL *
xlvj M E’M' 0 ï 3t É S,
Cet Ouvrage plût fi fort à W&.
delius.qu’il ne fit aucune difficulté
de dire au jeune Auteur que des
eiïàis fi heureux méritaient une
plus digne récompenfe. Et, pour
ne le pas laiUèr dans l’embarras de
deviner fa penféc, il lui confeilla
nettement de le mettre au nombre
de deux qui demandoient le Bon¬
net de Docteur en Medecine -,
qu’on devoir bien-rot leur donnera
Quelquedéférencequ’eutM.HofF-
manu pour fon ancien Maître, il
crut ne devoir rien faire fans l’a¬
vis , èc le confentement, des per»
fbnnes qui lui tenoient lieu de
pere. Wedelius étoit trop honnête
homme pour trouver à dire à cette
délicatefîè, & fe fît un plaifir de
délivrer à M. Hoffmann en qua¬
lité de Doïen de la Faculté de Me^
decine, place qu’il remplifîoit pour
lors , une atteftation des plus ho¬
norable , pour qu’il pût l’envoier
à fes protecteurs 5 &àfa famille.
M É 3 M O ï R £ S MviJ
On fe douce bien qu’il ne fe trou¬
va point d’oppofition à une de¬
mande autorifée par une perforine
fi refpecfable. M. Hoffmann fubit
donc les examens prefçrits par les
ftatuts , cl aiant été reçu d’une
Voix unanime le dernier jour de
janvier de l’année 16S1 , il fou-
tint , à la fatisfaccion de tous ceux
qui l’entendirent , fa Thefey^r k
délire qui fait attenter à ft vie ; èC
le cinq Février fuivant ,■ n’aiant
pas encore atteint le commence¬
ment de fa vingt ô£ unième année.,
il reçut les or.nemens do&oraux;
de la main de fon ancien Maître ,,
le célébré fWedelius , cérémonie
précédée de l’éloge du Candidat
prononcé par le même,
11 y a beaucoup de perfonne$
qui, fatisfaites du témoignage ren¬
du publiquement à leur capacité
par i’aggregation à une Faculté cé¬
lébré,fe fondent moins alorsd’aug-
menter les connoifîànees qu’ils ont
Tôwellh
XÎ Vlij M E* M O I R. E S
acquifes , ou de fe les inculquer
profondément, que d'en tirer parti
pour fe faire un établiffement avan¬
tageux j mais les penfées dè M,
Hofïmann éoient bien différen¬
tes. A peine étoit-il Doéteur, qu’il
brûla du défit, defir qu’on ne fini»
roit trop louer, de faire connoître
à tout le monde combien il étoit
propre à enfeigner, ôc à remplir
une Chaire. Il fit Peffid de fies for¬
ces le mois de Mai fuivant, & le ht
avec tant de fuccès, que fa Thefe
fur le Cmnahrs d’'antimoine , 1 a pre¬
mière à laquelle il ait préfidé "fut
courue de tout le monde, qui ne
pouvoir fe lafler d’admirer la pro¬
fondeur des connoifïànces chimi¬
ques qu’il y avoit prodiguées.Auffi
fut-elle réimprimée m- 1 i à Ley-
den en 1685, P ar ^ es foins du cé¬
lébré Paul Herman , & w -8 à
Francfort fur le Mein en 1689.
La réputation que cette Thefe
acquit à M. Hoffmann lui attira
la
Mémoires. xlix
la confiance d’un fi grand nombre
d’Etudians, également charmés de
là dextérité , & de fon habileté ,
foie qu’il fit des leçons de Chimie,
ou qu’elles euilent pour objet les
autres parties de la Medecine, que
les Docteurs chargés par état d’en-
ïeigner publiquement ces difFerens
Traités, ne purent fedefFendre du
poifon de la jaloufie. Mais M. HoiF
manu n’avoit pas defîein de leur
porter long-tems ombrage. Après
avoir facrifié un an , & quelque
peu de plus , au defiir de fe rendre
utile aux Etu-dians qui fe trou-
voient à Jene , il partit de cette
Ville , mais non làns y avoir donné
en public de nouvelles marques de
ia capacité. C’eft ce qu’il fit dans
une féconde Thefe fur une maladie
eonvulfive , caufée par la vue d'un
fpecïre.
Des raifons importantes à notre
jeune Docteur , autres que la ja¬
loufie de fes Confrères , l’obli-
Tme IJL e
1 Me’moikes.
gerent à s’éloigner de Jene pour
quelque tems. L’illuftre M. Joa-
chin-Martin Unverfaerth , Con¬
seiller du Séréniffîme Electeur de
Brandebourg, & Chancelier de la
Principauté de Minden, allié, &
très-attaché à M. Hoffmann ,1e
preffoit depuis long-tems de le ve¬
nir ; voir., Ce voyage n’étoit pas
moins néceflàire au rétabîiffement
d’une Santé que le travail rendoit
affez incertaine. Car il Se troiivoit
dans le même cas , oh Sont tous
ceux qui approfondirent avec trop
d’attachement , & d’application
les myfteres de la nature. Les veil¬
les , ôe le travail continuel avoient
ruiné Ses forces. 11 Se fentoit une
difpofition prochaine à la maladie
hypochondriaque , & de trilles
avant-coureurs le menaçoient d’u¬
ne phthilie du poumon. Mais il
étoit à peine arrivé a Minden ,
qu’il vit avec étonnement Ses for¬
ces notablement rétablies , fans
Me’mO I Ij
doute par rapport aux agrémens du
voiage. Ceux qu’il trouva dans la
maifon de fon refpectable allié, &
dans celle de fa fœur , où tout ré-
pondoit à fcs dcfirs, lui firent pren¬
dre le parti d’y faire un féjour beau¬
coup plus long qu’il ne fe l’étoit
propole j & n’aiant point tardé à
s’appercevoir combien fa demeure
dans la mai fon d’une perfonne auffi
difti-nguée lui facilitait l’accès des
perfonnes de confîderation dans la
province , & l’acquifition de leur
amitié 5 èc Dieu aiant permis qu’il
rétablit la fanté de plufieurs d’en-
tre elles qui s’étaient mifes entre
Tes mains , attaquées, de maladies
très-dangereufes ; engagé d’ailleurs
a y relier par les bons traitemens
qu il recevoir , &; par les prières
dedçs allies, èc par les raifons de
fanté dont nous venons de rendre
compte 5 il préfera la bienveillance
des perfonnes les plus qualifiées de
la Principauté de Minden , èc la
lij M e’ m@ir.es,
douceur que procure une bonne
fanté 5 à la jaloufie', & à la fatigue
qui ne pouvoient le fuir à Jene. Je
me fouviens dè lui avoir fou vent
entendu dire qu’il en étoit parti
dans une très-mauvaife fituation ,
èc qu’il n’a commencé à bien con-
noitre les avantages des voyages,
& d’une vie plus active , qu après
s’être arraché à la vie fédentaire;
Aüili depuis ce tems jufqu’à'celui
de la vieillelle, il a toujours évité
de s’aiïèoir autant qu’il lui a été
poffible. Quand il réflechiiïoit, c’é-
toiten fe promenant, & e’étoit en
fe promenant qu’il dictoit ee qu’il
vouloir mettre par écrit. Gar il
avoit toujours auprès de lui plu-
Jieurs perfonnes à qui il diéfcoit de
vive voix , ou fefoit tranfenré ce
qu’il avoir relu , & corrigé. En
luivant ce régime , il fefoit' deux
biens à la fois ; car il s’en fefoit à
foi-même, en confervant fa fanté j
aux autres 3 qui, étant fans celle
Mémoires. liij
auprès de lui , acquéraient , fans
s’en appercevoir, une quantité de
connoiffances très-utiles , & né-
ceflaires à ceux qui veulent fe dé¬
vouer à l’exercice de la Medecine.
M. Hoffmann paffa gracieufè-
ment deux années à Minden, fans
fonger à ^quitter. cette ville. Il fut
alors tenté, de voiager dans les Pais
Etrangers. Ce fut par la Hollande
qu’il commença. Il n’y a pas dans
les Provinces-Unies de ville conff-
derable, 6c fondante , qu’il n’ait
vue j ni dans chaque: ville perforine
qui ait eu quelque réputation qu’il
n’ait vifité. Il fut fur tout parfaite¬
ment bien reçu de M. Paul Her¬
mann , Botanifte très-célebre , &
Profeffeur à Leyden, qui, étant né
à Hall, fe ht un plaiffr non-feule¬
ment de loger chez lui fan conci-
toien, mais de lui rendre tous les
ferviees dont il étoit capable. Aiant
parcouru toute la Hollande , il
s’embarqua pour l’Angleterre, au
liv Mémoires.
mois de Juillet , & paffa quelques
mois, tant à Londres qu a Oxfort■
à examiner avec attention tout ce
qui fc préfentoit de. curieux v &
d’utile en matière de Phyfique
d’Anatomie , de Chimie , ou de
Méchanique , & il tira de grands
avantages des: ^converfations fré¬
quentes qu’il eut avec les per-
formages les plus diflingués dans
ces Sciences. Il ëtoit furtôut en re¬
lation très-étroite avec Püluffre
Robert Boyle, qui fefoit adez con¬
centre l’eftime qu’il avoit pour
M. Hoffmann par les longues con¬
férences for les matières de Chi¬
mie , & de Phyfique aufquelles il
l’engageoit très-fou vent de lui mê¬
me. Il lia auffi particulièrement
connoiffmce avec Meilleurs Slarc,
Greilêc plufîeurs autres Mé¬
decins du premier ordre. Il partit
enfin vers le mois de Novembre ,
& , .fort content de fon voiage, re¬
vint à Mi nden,oii il reprit fes exer-
M E’M O I K E S. ' Iv
cices de pratique médicinale.
La place de Médecin de là Gar-
nifon de cette Ville étant devenue
vacante en l’année 1685 , M. de
Zieten, Officier de confidération,
qui en étoit Commandant, la lui
fit donner , & outre une penfion
honnête qui y étoit attachée, M.
Hoffmann eut l’agrément de fe
faire des. amis, tant du Comman¬
dant , que des Capitaines , &: au¬
tres Officiers , qui lui donnèrent
des marques de leur eftime dans
toutes les occàfions qui le présen¬
tèrent. La fortune ne fe contenta
pas de ces premières faveurs ; elle
les augmenta à mefure qu’il tra-
vailloit à perfectionner fes cormoif-
fances. En effet le Prince Frederic-
Guillaume, Eleéteur de Brande¬
bourg , de glorieuffe mémoire, le
nomma en 1686, Phyficien Pro¬
vincial de la Principauté de Min-
den , & joignit à cette dignité le
titre honorable de Médecin Aulff
e iiij
îvj Mémoires.
que. Les perfonnes les plus di£
tinguées de cette Province , & du
Comté de Ravenfperg lui firent des
pendons pour fe l’attacher pins par¬
ticulièrement , & à leurs familles.
Et comme r il n’épargnoit ni f es
avis , ni fes confeils, ni fes foins,
pour fe rendre utile, & conferver
îafànte , & la vie de tous ceux à
qui il vouloir du bien, ( & à qui
n’en vouloit-il pas ? ; fans exiger'
jamais un denier de ceux qui l’a-
voient emploie , il s’efl également
acquis la réputation d’homme ha¬
bile dans fa Profeffion, èc définte-
reffe j fans que fa fortuneen fouf-
fnt. Audi s’eft-il fî bien trouvé' de
cette maniéré d’agir, & de penfer,
qu’il ne s’en eft jamais départi.
Tout rëuffifïbit à fouhaits à M.
Hoffmann dans la Principauté de
Minden. Mais d’autres avantages
l’attendoient encore. Sur la fin de
la même année les Etats de la
Principauté d’Halberftad lui firent
Me’moikes. lvîj
Phonneur de l’appeller pour rem¬
plir la place de Médecin de cette
Province, vacante par la mort du
Titulaire. Le parti qu’on lui fefoit
étoit avantageux ; car,outre les ap-
pointemens honnêtes attachés à
cette place , plusieurs des perfon-
nés les plus qualifiées, tant de la
-Ville que de la Province , lui fe-
foient des penlions. Audi ne fît-il
aucune difficulté d’accepter leurs
offres. Mais il demanda quelque
tems avant de Te rendre à Halber-
-ftad, & profita delà complaifànce
que les États eurent de le lui ac¬
corder , pour faire un nouveau
voiage dans le Brabant, & la Hol¬
lande , dans la Compagnie de
M. de Unverfaerth, fon allié. De
retour au commencement du Prin-
tems de l’année ié§8 , il fe rendit
à Haiberftad , où il fut accueilli
par tout le monde de la maniéré
la plus fiatteufe. Il y fit fouvent
preuve de fà capacité en préfence
Iviij Mémoires.
de pcrfonnes de toutes conditions,
de s’y fit fi univerfellement aimer
que-tout le monde fut obligé d’a¬
vouer qu’il n’étoit point inferieur
à l’idée qu’on s’étoit formée de lui.
li en donna une autre dans le mê¬
me tems qui ne fe borna point aux
limites de la Principauté d’Halber- "
ftad. Je parle de fon Traiiéfur l'w-
fujjtfance de l'acide , dr du ‘vifqueux,
pour rendre rai fon de toutes les ma¬
ladies , qu’il fit imprimer alors. Il y
réfute avec tant de folidité le fyf-
tême de Corneille BonteKoé, Pre¬
mier Médecin de Brandebourg, de
Profefleur de Medecine dans l’Uni-
verfité de Francfort, fur les caufes
des maladies, de la maniéré de les
guérir, & le renverfe fi puifïàm-
ment par une infinité de preuves
tirees tant d’une théorie que d’une
pratique raifonnée, que , malgré
1 attrait victorieux de la nouveau¬
té, il tomba dans un diferédit par¬
fait de fut abandonné prefque de
Me'mo ire s. Iix
tout le monde. Je ne marrêterai
point à donner à cet Ouvrage les'
éloges qu’il mérite. 11 me- fnffit de
remarquer que les Sa vans, ■& judi¬
cieux Auteurs du Journal des Sa-
vans deLeipficK en ont parlé d’une
maniéré convenable au mois de
Juillet de l’année 1689.
Il paroifloit alors à Hornburg,
dans la Principauté d’Halberftad,
une fource abondante d’eaux mé¬
dicinales, dans un endroit où quel¬
ques perfonnes fe fouvenoient d’en
avoir vû fourdre une pareille ; qui
s’étoit enfuite perdue. M. Hoff¬
mann ne négligea'rien pour en dé¬
couvrir les propriétés , la natu¬
re , & les vertus, & en rendre l’u-
làge fàlutaire à une infinité de ma¬
lades , qui s’y étoient raflèmblés en
tres-peu detems ; à quoi fesfoins*
èc fos confèils ne contribuèrent pas:
peu. Le principal avantage qu’il
retira de ce travail, fut d’augmen¬
ter eonflüërablement fon habileté
îx M E* M O I I E $.
dans l’art de guérir, à force de voir
des malades , de remonter à la
fource de leurs maux , de remar¬
quer , & de mettre fur je papier
l’effet des remedes, & le fiiccès de
fes traitemens , enfin de fe faire-
connôître de plus en plus, & de
fe rendre recommandable à beau¬
coup de perfonnes, qui trouvèrent
dans la fagefle de fes confeils des,
reflources qu’ils a voient inutile¬
ment cherchées ailleurs. On voit
encore un petit Traité fur ces eaux
que notre M, Hoffmann fît impri¬
mer dans ce tems en Langue vul¬
gaire.
Il fongea aufïî pour lors à fe ma¬
rier , èc entama cette négociation
fous des aufpices fî heureux, qu’il
n’y a peut-être aucun événement
de fa vie , qui prouve mieux les
bontés de la Providence pour lui,
&c combien fon falut lui efi cher SC
précieux , que le bonheur qui fui-
vit cette alliance. Conduit par les
Me’moires. Ixj
lumières infaillibles d’une Divi¬
nité bienfefante , il s’attacha vers
la fin de l’année' 1689. à Jeanne-
Dorothée Herftelle , fille auflî ai¬
mable pour l’extcrieur , qu’ornée
d’une pieté folide, d’une rare pru¬
dence , relevée de l’attrait de la
douceur. Elle étoit fille unique
d’André Herftelle, pcrfonnage d’u¬
ne probité au-deftus du fôupçon ,
lavant, & extrêmement habile dans
la Pharmacie , & devenu à ce titre
Pharmacien de Claufthal , & de
Zellerfelden. Avec ces heurèufes
difpofitions, on né s’étonnera pas
que cette femme ait été un mo¬
dèle des vertus conjugales, tk. de
tendrefte pour fon mari, pendant
quarante - huit ans qu’il a plu à
Dieu dé la lui confier ver. Car il l’a
rappèllée à lui en 1737. Mais nous
aurons dans la fiuite occâfton de
parier plus au long de cet événe¬
ment.
~ Ce fut à peu près dans ce tems
ixij :M e’m oires -
qu’on réalifa le projet formé beau,
coup plutôt d’établir une Univer-
£té dans la ville de Hall 5 & le feu!
embarras qui roftat, étoit de trou¬
ver , & défaire venir dans cette
-Ville des pcrfonncs célébrés en,tous
genres ,& en état de répondre aux
defleins, & aux efpéranccs de l’au-
gufte Fondateur de cette IJniver-
iité. Il y a voit : dé j a quelques per-
formes d’un mérite diftingué , &
dont k. réputation bien établie ,
foit en fait des fciences relevées,
ou des Belles-Lettres/, mettoicnt
en crédit ce nouveau Parnafie,
•Déjà les amateurs des Sciences s’y
rendoient non; par troupes, mais
par bataillons ,, & ce nombre d’E-
îudians renfermoit plufienrs jeunes
gens fortis des familles les plusdif-
îingiiées i ;& comme la vigueur du
germe annonce l’excellence, & la
grandeur future de l’arbre , &: le
bon état des premiers fruits , l’a¬
bondance de la moüTon^ ces pre-
M E’.M O I R E S. Ixîij
miers commencemens nous répon-
doient dePétat brillant,■ oùeftac¬
tuellement cette Uni verfité. Ce'fut
dans ces circonftances que Frédé¬
ric I. Roi de Prufle, èc Electeur
de Brandebourg, fit à M. Frédéric
Hoffmann l’honneur de le nom¬
mer Premier Profcffeur de Méde¬
cine , ôc d’Hiftoire naturelle. Il
entra en poffeffion de fa Chaire au
mois de Mars de la même année,
&-fît l’ouverture de fa glorieufe
carrière par unDifcours, dont le
but eft de prouver Pexiftence de
Dieu contre les Athées , par Part
admirable emploie dans la conf-
truction du corps humain. M.
Hoffmann le fit imprimer peu de
tems après , & le dédia au très-
ilîuftre Daniel Ludoîphe de Danc-
Kelmann, Provifeur, & Direéteur
de 1 Uni verfité. Ce Difcours a fait
tant de plaifir aux Sa vans , qu’ib
y a déjà long- tems que plufieurs
d entre eux ont mis fans balancer
îxiv Me’ moires,
M. Hoffmann au nombre des Mé¬
decins Théologiens , & lui ont
donné un des premiers rangs en¬
tre ceux qui ont écrit avec fuccès
contre l’Atheïfme.
Le principal objet qui fixa l’at¬
tention de A 4 . Hoffmann dès qu’il
fut en place , fut d’examiner foi-
gneufement tout ce qui pou voit
avoir rapport à l’exercice de fes
fondions. C’eft pourquoi il rédi¬
gea les ftatuts de la Faculté de Mé¬
decine , qu’il fit revêtir de l’auto¬
rité de l’augujfe Fondateur de l’U-
niverfité. Ce fut auffi lui qui in¬
venta le Sceau dont la même Fa¬
culté fe fert encore aujourd’hui.
Puis il fongea à fe donner un Col¬
lègue , & comme le célébré Geor¬
ge Erneft Stahl, qui étoit alors Mé¬
decin du Prince de Saxe-Weimar,
avoit renouvellé par lettres l’an¬
cienne liaifon qu’il y avoit eu au¬
trefois à Jene entre M. Hoffmann,
dc lui , êc lui avoit fait connoître
qu’il
Me’moiies. Ixv
qu’il obtiendrait avec grand plaifîr
une Chaire dans la nouvelle Uni-
verfité, M. Hoffmann en parla au
Roi d’une maniéré très-avantageu-
fe > & on ne lui refufa pas la fa-
tisfadion d’avoir pour Collègue
une perfonne à laquelle il s’intereff
foie, h fort.
Les attentions de M. Hoffmann
pour l’avantage de la Faculté de
Médecine ne le divertirent point
de ce qu’il devoit à fes Ecoliers.
Pour les mettre plus .parfaitement
au fait de toutes les parties de la
Medecine, il ne fe borna point aux
Leçons publiques ; il leur en fît de
particulières chez lui. La première
connoiflance qu’il demàndoit, tant
pour pratiquer , que pour enfei-
gnerla Medecine-pétoit diavpir ap¬
pris par l’infpedion des fu jets:la
ftrudure de toutes les parties du
corps qu’elle fe propofe de guérir ;
pour fe mettre au fait des eau fes
qui préfidenc aux adions^ou fone-
Tome III. £
Ixvj M e-m o i r é é.
rions des corps vivans , il. vouloir
qu’on acquit la connoifïance des
loix étemelles des mou vèmens,: 8c
des forces naturelles des chofes qui
agiffent nécelîairement fur nous ,
comme l’air , les eaux, lesalimens,
&C les médicamens, voulant toute¬
fois qu’elles fuflènt prouvées , <k,
connues par des expériences de
Miyrique:, de. Chimie, & de Me-
decine-Pratique. Et s’étant trouvé
chargé d’enfeigner l’Anatomie en
même-tems que la Medecine-Pra-
tiqué , il eut de fréquentes occa¬
sions de faire: connoître combien
elle eftavantageufe aux Praticiens •
auffi n’a t’il jamais quitté ces par¬
ties de la Medecine, 8 c les a - t’il
toujours enfeignées an grandavan-
ragede l’Univerlité. Car il y avoir
long-teins qu’il, avoit renoncé à.
cette efpéce de" dogmes qui n’ont
d’autre appui que l’autorité des
Anciens, ou de pures fuppolîtions,
q«i demandent pour en faire fértiif
M E* M Ô ï II É S. Ixvîj
ces dogmes , une fuite embaraf-
fânte de raifonnemens enveloppés y
& beaucoup de babil. !
Et comme les choies qui don¬
nent la fanté, & la vie, font auflî
bien fu jettes à des loix certaines ?
de néceflaires, que celles qui pro~
duifent les maladies , ou les gué-
rident, comme font les chofes ex¬
térieures , qu’on appelle non natu¬
relle dans les Ecoles 5 M. HoîE
mann n a jamais pu goûter la ma¬
niéré de penfer de ceux , qui, fans
avoir aucun égard à ces caufes
ou ne fefant que les effleurer y fé
font imaginés qu’il faut avoir en
Médecine principalement atten¬
tion à un principe vital qui penfe f
& a de l’intelligence y 8 c dont la
lagefïe , ou les fautes produifent
tous les changemens qu’on remar¬
que dans le corps. Il avoit au con¬
traire foin de répéter fou vent y 8 c
très-férieuiement , que : fl l’action
de famé fur le corps eft puiiiante ?
ixviij Me’moires.
& icnfible, c’eflt plutôt pour le dé¬
ranger, &. l’expolër à diverfes ma¬
ladies , que pour le rétablir. Et en.
effet c’eft ce que les paffions met¬
tent en évidence. Cependant quel¬
que bien , ou quelque mal qu’il ar¬
rive au corps à l’occafion des mou-
vemens de l’ame, il ne vient que
de l'alteration du corps même, ôc
tout le pouvoir du Médecin fe bor¬
ne à opérer fur le corps , en çon :
duifant , modérant , ou calmant
entièrement les mouvemens qui
s’y excitent. M. Hoffmann avoit
furtout en recommandation cette
partie de la Médecine , qui expli¬
que la nature de l’air, des vents,
des pais, des eaux, des alimens, &
des differentes, maniérés de vivre,
& qui fait connoître combien ils
oqt de force.pour entretenir la fau¬
té , & détourner les attaques des
maladies * & comment leur mau-
vaife difpofition, ou leur mauvais
produit cet état de défprdre
Me’mo I R ES. lxix
du corps , cette fcience enfin qui
déduit de ces mêmes connoiflàn-
çes les moïens de recouvrer, 8c de
çonferver la fanté.
Il étoit intimement perfuadé, 8c
il tâchoit de perfuader à fes Audi¬
teurs , qu’il ne falloir s’attendre à
un effet certain , 8c déterminé de
quelque médicament que ce foit 9
comme étant doué d’une propriété
invariable , 8c abfoluë, mais que
ces effets dépendent de la difpofi-
tion des fujets qui en font ufage *
lefqueis obéïfïànt, réfïftant au re-
mede , ou réagiflànt contre lui y
reçoivent une impreffion convena¬
ble à l’état, ou au rétablifîèment du
malade. Il appelloit cette efpece de
çonnoiflànce dans le Médecin rai-
fon , ou, pour mieux dire, juge¬
ment, & la regardoit comme la di¬
rectrice de toute la Medecine j 8c
avec raifon 5 puifque c’eft par elle
qu’on découvre les caufes de tout
ce qu’on voit 3 ou qu’on a vû ar-,
Ixx M e’ moir.es
river, où dont les autres ont con-
fervé le fou venir , qu'on con¬
çoit aifément pourquoi certain re-
mede, ou ..pour parler plus généra- •
lement, certain fecours déterminé,
a produit des effets admirables dans
certains cas , & de très-mauvais j
ou même point du tout , dans
d’antres.
Il inculquoit aux malades, ou à
ceux qui commençoient à le deve¬
nir , qu’ils étoient la première catifd
de toutes les maladies ,, ou du moins
de leur plus grande partie j & par
conféquent qu’ils étoient prefque
les martres de parvenir à un âge
avancé au milieu dés douceurs d’u¬
ne fanté confiante , ou de s’expo^
fer fans celle aux maladies, 6 c en¬
fin de hâter leur propre fin , en
fêlant des fautes continuelles con¬
tre le régime * 6 c ceft par de fem-
blabîes avis, 6 c très-peu dé remè¬
des, & de remedes choifis , qu’il a
réuffi à remettre 3 du moins dans
Me’moi&ei Ixxp
im meilleur état, des perfcnnes
épuifées , & qui s’épuifoient dé
plus en plus par lufage continuel
des remedes j & cette voie, quand
ils ont voulu être dociles r leur a
été infiniment plus, avantageufé
que l’uiàge fans fin d’un fatras de
diiFerens médicamens ne lenravoit
été précédemment,
: Il etlaifé de concevoir que rien
n’étoit plus propre à faire promp¬
tement fortir de l’enfance là naif-
fante Univerfité de Hall, que de
choifir pou r enfeigaer la Phylique
une perfonne qui rappelloit au rai-
fondement la Médecine comme
tout le relie de la nature. Car la
Phyfique , cette fcience fi propre
à procurer au genre humain une
infinité d’avantages n’étoit point
dans la bouche de M. Hoffmann
ü n pompeux verbiage > ou une
froide répétition des rêveries des
tems paflés -, mais fes principes
étoient établis fur des expériences
îxxij Mémoires,
également claires & agréables, Sc
qui fefoient, pour ainfi dire, tom¬
ber la vérité lous les fens. L’éclat
de cette Ecole juftifie parfaitement
ce que nous difons à, l’avantage du
maître. On comptait parmi ceux
qui venoient y prendre des leçons,
dix Comtes des Familles les plus
diftinguées, fix Barons /une' gran¬
de quantité de Gentilshommes ,
êc un nombre confiderable d’Etu-
dians de famille honnête. Je n’ai
point jugé à propos de palier fous
îllence l’ardeur étonnante qu’on
témoigna pour s’inftruire dans une
Univerlité qui ne fefoit que de
naître, Sc dont l’établiUement n’é-
toit point encore revêtu de toutes
les formalités , parce que ce con¬
cours prodigieux eft un prélâgc
heureux de la gloire future de cette
Univerlité, 8 c une preuve démonl-
trative de la confiance que s’étoit
attirée le maître qui y enfeignoit.
Car aiant traitéenfeize confèrent
Mémoires, lxxüj
ces cette partie de la Philofophie ,
les efforts continuels que l’envie
fefoit faire à plusieurs perfonnes
pour diminuer la réputation que
s’acqueroit Mc- Hoffmann, n’em-
pêcherent point qu’il n’eut tou¬
jours un auditoire des plus nom¬
breux , & dès plus diftingués , &
même qu’il ne s’y trouvât des per¬
fonnes déjà revêtues de Chargés
publiques , & honorables, dont
l’affiduité fefoit allez connoître
combien ils fefoient de cas de
cette maniéré folide d’enfeigner ,
& fervoit de réponfe r cCréponfe
fans réplique, aux diféours affec¬
tés que l'envie fuggeroit aux en¬
nemis de M. Hoffmann.
: Le Séréniffime Electeur Frédé¬
ric III. aiant fait la dédicace de
l’Univerfité le premier jour de Juil¬
let , & voulu .quelle portât fon
nom , le lendemain en fa préfence,
celle de la Cour , de l’Univerfité ,
&c des perfonnes les plus diftin-
Towellh g
Ixxiv Al e’/m o i e s.
guées delà Ville, M. Hoffmann
donna le Bonnet de Do&cur en
Médecine à dix Candidats. Cette
folcmnité étant finie , & l’Eîec-
tear ne pouvant demeurer plus
long-tems à Hall, ordonna avant
de partir aux Chefs de l’Univerfité
de délibérer entre eux fur ce auon
pourrait faire pour fon avantage j
& de lui en préfenter Je mémoire
pour le revêtir de 1’autorité fouve-
raine. On n’eut garde de fe refu¬
ser à une obéïfïànce auffi datteufe,
& M. Hoffmann fut député avec
Samuel Stryck , Jurifconfulte cè~
lebre, & Concilier intime de l'E¬
lecteur pour fe rendre à la Cour,
oc rendre compte de leurs délibé¬
rations a leur refpectable, &; gé¬
néreux Fondateur. Ces Députés
s acquittèrent fi heureufement de
leur négociation qn’au grand
avantage de cette Compagnie, èc
à leur grande gloire , ils obtinrent
pouf RUniverfité. les privilèges les
plus diflingués. , .
Me’MOT R ES. IxxV
Âa commencement de la troi¬
sième année , depuis l’établifïè-
ment juridique de l’Univerfité', le
Rectorat , que M. Stryck laiffeit
vacant , fut dévolu à M. Hoff¬
mann 5 &. Pon peut dire avec vé¬
rité qu’il n’y a peut-être perfonne
de ceux qui ont travaillé à fe ren¬
dre utiles pour toujours à cette
Compagnie, qui tait fait avec plus
de fuccès qu’il le fit pendant la pre¬
mière année qu’il remplit la" di¬
gnité de Recteur. En effet, c’eft
par fes foins que les perfonnés dif-
tinguées qui font à la tête du Du¬
ché de Magdebourg -, ont fondé
vingt-quatre places pour un pareil
nombre d’Etadians , qui y trou¬
vent de quoi fe foutenir honora¬
blement , à quoi fuffit la fomme de
mille écus qu’ils ont affectée à cette
utile fondation. Le fuccès qu’eut
M. Hoffmann dans cette négocia¬
tion , l’engagea à faire de: pareilles
tentatives auprèsde differentes Pro-
giî
Ixxvj M e’MOÏ RES,
vinces qui compofent I’EIeétorat
de Brandebourg ; & Tés démarches
auprès des Etats de la Principauté
d’Halberitad , ne furent point in-
fruchueufcs. Car les amis qu’il se-
toit faits dans cette illuftre Compa¬
gnie , foit par fes compîaifances ,
foit parle bonheur qu’il avoit eu
de les guérir heureufemént , &
promptement, lui accordèrent ai-
lément la grâce qu’il leur deman-
doit d’afiigner un fond à perpé¬
tuité fur les revenus des Etats ,
pour l’entretien de douze Etu-
dians. Ils lui accordèrent donc une
fomme de. cinq cens écus , fuffi-
fante , comme on l’a remarqué
plus haut, pour leur fournir une
fubiiftance honorable. Mais l’Ou¬
vrage auroit paru imparfait à M.
Hoffmann, s’il n’a voit pris les pré¬
cautions néceffaires pour que ces
établilTemens tournaient, autant
qu’il étoit poffible , au profit de
Mémoires. lxxvij
qui ils étoient faits. Il affujettit
donc à de fages réglemens , non-
feulement fes Elevés, mais ceux
qui ne dépendoient que d’eux-
mêmes dans lUniverfifé , les
rendit publics, après qu’ils eurent
été munis de l’autorité des illuftres
Protecteurs , & Mécènes de cette
Jeunefle ftudieufe 5 & comme ils
dui firent l’honneur de lui donner
l’infpection fur ces jeunes Etu-
dians , & de le charger de tenir
la main à leur execution , c’eft un
des devoirs que M. Hoffmann
remplit ayec le plus d’exactitude.
Une des plus interefïàntes opé¬
rations de Ion Rectorat , fut de
folliciter auprès du Séréniffime
Electeur , qui lui accorda cette
grâce, un fond de cinq cens écus,
à prendre fur les revenus du Mo-
naflere d’Hillerfeben , fitué fur
le bord Septentrional du Duché
de Magdebourg , entre la nouvelle
Ville d’Haldenfleben, ôc Volmir-
Ixxviij Mémoires.
ftad , pour l’établiflèment d’une
Chaire d’Eloquence. Lldée de M.
Hoffmann éroit qu’on fit choix de
jeunes,gens qui enflent de fefprit,
& d’heureufes dirpofitions , à qui
l’on donneroit chaque année une
femme de quatre cens écus , afin
qu excités par cette penfion ils s’ap¬
pliquaient avec plus de foin à l’é¬
tude des Belles-Lettres, & devint
lent par la fuite des fu jets capables
de remplir les Chaires qui vien-
droient à vaquer. On nomma à
cette Chaire > avec le refpecfabîe
Théologien Joachim-Jufte Brei-
thaupt , Prévôt du Monaftere
dHillerfeben , & le plus ancien
ITofçflèur de l’Ecriture-Sainte, un
homme dont la réputation s’eft
répandue dans tout le monde, je
veux, dire, Chriftophe Cellarius >
Profefleur public d’Eloquence ,
d’Antiquité , & d’Hiftoire , à
qui 1 on affigna pour ce travail cent
éçus d’appointement.
Mx’lM G IX E S. lxxix
Outre ce brillant Rectorat, M.
Hoffmann remplit encore trois
fois la même place qui lui fut dé'
yolnë à tour de rôle , ôc fou tint
chaque fois la. réputation d’inte-
grité, que le premier lui âvoit ac-
quife. Ce fut dans les années 1705,
1718 , ce 1728. On peut même
dire qu’il fut encore Rccbeiir J an¬
née 172 9 , pendant laquelle le cé¬
lébré J u rifconfulte? * Nicolas- Jero¬
me Gn ndli ngius , qui remplifloit
cette place , fut attaqué pendant
Æziong-tems df une. maladie très-
grave.^ dont il mourût-avant la fin
du premier femefire. - M. Hoff¬
mann fut donc obligé de le foula-
ger dans fes fonctions , & de con¬
tinuer julqu a la fin de l’année.
Il eff, je crois , palpable, après
ce que nous venons de dire des
fervices que M. Hoffmann a ren¬
dus à l’U ni ver fité de Hall, quelle
a tout lieu de fe louer de lui. Mais
een’eft pas dans fon feimfeulement
g
Ixxx M e’ moi r e s.
qu’il s’eft fait un capital d’en fou-‘
tenir l’honneur ; il n’a rien négligé
pour le faire également quand il a
été obligé de le faire au dehors.
G’eft ce qui lui eft arrivé non-feu¬
lement iorfqu il fut député pour
folliciter l’obtention, & l’augmen¬
tation des privilèges de l Univer-
fiféf, coinmé nous l’avons dit en
fon .terris > mais lorfqu’ü fut en¬
voie une; féconde fois à Berlin 5
pour affilier en la même qualité aux
magnifiques obfeques qui fe firent
pour la Reine en 170 5, & lorfqu’ii
ilît envoie à Francfort fur l’Oder,
pour faire fon compliment à l’U¬
ni verfité qui célebroit la même an¬
née fes Fêtes féculaires.
La réputation de M. Hoffmann *
en qualité de Profefienr , n’eut pas
befpin d’uri nombre d’années pour
s étaplir. On peut; joindre des preu-
ves non fufpectes a celle que nous
avons tirée plus haut de la multi-
& de la daftinction de fes
Me’moir é s. Ixxxj
Ecoliers. Car l’illuflrePrefidentde
l’Académie des Curieux de la Na¬
ture , le célébré Lucas SchræKius,
l’excita de fou propre mouvement
à entrer dans fa Compagnie, & fit
voir par le furnom de Démocrite
qu’il lui donna , le cas qu’il fefoit
de fa dextérité dans les recherches
anatomiques , phyfiques , & chi¬
miques. L’illuftre Leibnitz le mit
auffi.à la tête de ceux qui dévoient
compofer la Société Roiale des
Sciences , qui fut établie à- Berlin.
au commencement de ce fiéçle. Ce
grand homme l’excita à compofer
des Obfervations barometrico-me-
teorologiques, qui nefe bornaflènt
pas à des remarques, féches & fleri-
les fur les variations de l’air, mais
qui eufTent leur application à l*u-
fage de la fan té, ô£ compofées de
maniéré qu’on en pût déduire les
eaufès des conftkutions épidémi¬
ques. Il y a dans les Ouvrages de
M. Hoffmann un échantillon de
Ixxxij M E 5 M O I R E S.
fon travail, qui comprend toute
l’année 17,00 , & qui eft précédé
de cnrieufes méditations phyuques
fur les caiifes des vents , leurs for¬
ces, & leurs opérations , tant fur
les corps des hommes, que fur les
baromètres. En 1719. il fut reçu
dans la Société Roiale de Londres,
à qui il dédia par la fuite fes Obr
férvations Phyfico - Chymiquesi
M. BlumenftroiL, Premier Mede-,
dn de la Czarine , fidele, & vrai
difciple de M. Hoffmann , le fit
A gg re g er à laSocieté Impériale des
Sciences de Peterfbourg , cette
Société aiant été renouvellée en
*73 5 î fous la protection du très-
illuftre Miniftre, & Chambellan ,
M. de KorfF, on lui envoia le pre¬
mier Juin fes Lettres d’Académi¬
cien Honoraire, en qualité de Me*
deçin Phyficien , en même-tems
qu on reçut en la, même qualité le
célébré Médecin Anglois M. Sloa-,
ne, dans la même Compagnie.
Me’moikes. Ixxxiij
Si je voulais faire ie dépouille¬
ment des Regiftres Journaux de
H. Hoffmann , je ferois en état de
fournir une lifte des plus amples des
Malades qui ont honoré ee grand
homme de leur confiance. Mais
comme ce détail ne pourrait man¬
quer d’être ennuieux aux Le&eurs ,
je me contenterai de parler des plus
diftingués. L’Eminentiilime Elec¬
teur de Mayence Lothaire Fran¬
çois eft un des premiers qui l’ait
appelle auprès de fa perfbnne pour
lui confier Ùl fanté. Il fe rendit à
la Cour de ce Prince fi refpeéfable
par les vertus en l’année 1701, où
l’Electeur ie retint pendant quel¬
ques tems , pour lui donner celui
d’examiner avec attention fa ma¬
niéré de vivre -, les-forces de fou
corps , & fes difpofidons naturel¬
les , efperant avec raifon que ces
connoifïances le conduiroieht plus
furement à celle des fecoursque de-
mandoit fon état préfent. Et ce
lxxxiv Me’ moires.
n’eft point la feule occafion, ou cet
Electeur a fait voir combien il avoit
de confiance aux lumières , & à
l’habileté de M. Hoffmann. Il
n’en a depuis IaiiTé échapper au¬
cune fans lui en donner des mar¬
ques autentiques. Car non-feule¬
ment il lui a fait fou vent l’honneur
de lui écrire au fujet de fa fânté,
mais il lui fefoit celui de le conful-
ter fur les plus difficiles affaires con-
tentieufes qui a voient relation avec
.la Medeeine. Dans le voiage qu’il
fit à Mayence, les Landgraves de
Helîe-Cafièl, Sc de Hefle-Darm-
ftad , lui firent auffi f honneur de
l’appeller auprès de leurs perfon-
nes, pour le confulter fur l’état de
leurs fautes , & depuis ce tems il a
reçu nombre de lettres de la part du
premier de ces Princes, foit pour
rengager à fe tranfporter à fa Cour,
pour fe mettre fous fa conduite ,
ou fimplement pour avoir fon avis.
Environ dans le même terns
M E’ M O I K E S. lxXXV
la très -puiflante Princefîè Marie
Ameîié lœurde Frédéric I. Roi de
Prude , mariée au Prince Maurice
Guillaume Duc de Saxe-Zeits 5 le
fit venir à Zeits. Cette Princeffë fut
fi contente de lui, qu’elle lui fit
fou vent depuis le même honneur,
èc qu’il a toujours reçu à cette
Cour 1 accueil le plus flatteur, & le
plus honorable.
La réputation de M. Hoffmann
étoitfi bien établie , que plusieurs
Princes du premier rang ne négli¬
gèrent rien pour l’attacher à leur”
pais, & lui firent les propofitions
les plus avantageufes. Le Célébré
Meibomius aiant laiffé une place
-vacante par fa mort dans rUniver-
fitéde Heîmftad, ceux à qui il ap-
partenoit de la remplir, firent tous
leurs efforts pour la lui faire accep¬
ter. La Cour de WolfFembittei fit
aufii de fon mieux pour l’engager à
accepter celle de premier Médecin
vacante par la mort de M. Behren-
îxxxvj Mémoires,
iîUS.C’cft furtout la Cour de Belle-
Çaüel qui emploia tous fes efforts
pour lui faire remplir la même
place. Mais l’amour de la patrie
remporta fur l’éclat de ces hon¬
neurs , & engagea M. Hoffmann
à remercier ceux qui votiloient les
lui conférer. D’ailleurs il trouvoit
que la Cour étoit unefcîavage éga-
lement incommode, & dangereux.
Et de fait il y a beaucoup plus d’a¬
grément pour un Médecin de répu¬
tation d’être appellé auprès des
Grands , & de s’eh retourner lorf-
qu’il a rempli Ion miniffere, que
d’être obligé, en s’attachant à eux >
d’être toujours en guerre avec des
empiriques de toute efpece, èc d'ê¬
tre continuellement en garde con¬
tre l’envie ,1a calomnie, & le faite
des Courtiians, & d’avoir fou vent
de la peine à allier la pratique de la
vertu avec le tumulte de la Cour.
M. Weiiius le jeune , premier
Médecin du Roi de Pruffe, étant
Me’moires. Ixxxvij
mort en 1703 , le très - illuftre
Chambellan , Comte de Wartem-
herg, offrit à M. Hoffmann , an
nom du Roi qui étoit pour lors à
Magdebourg, cette -place éclatan¬
te 5 mais M. Hoffmann, prétex¬
tant la foiblefïe de fa fanté, fuppîia
Sa Majefte de le difpenfèr de fac-
ccpter. Peu de tems après on y
nomma M. Gundelsheimer qui re-
venoit de France, & le Roi fit
1 honnèur a M. Hoffmann de lui
ënvoier un brevet de Confeiiler
& n de premier-Médecin de Sa Ma-
jefté. .
En 1704 quelques-uns des prin¬
cipaux Minières de la Cour de Ber-
Rn aquiM. Hoffmann avoir con-
i e,ie i’wFage des eaux de Carles-
ade en Boheme , Rengagèrent à
faire le yoiage avec eux, pour leur
apprendre la maniéré la plus avan-
tageufe d’en faire ufage. Il fe fervit
de cette occafion pour analyfer plus
exactement la nature, & les vertus
Ixxxviij M ? mo i f. e s.
de cette fource admirable 5 Sc com¬
me le bien; public étoit toujours
fou point de vue., il ne tarda pas à
faire part à la Republique des Let¬
tres des découvertes que des expé¬
riences réitérées lui avoient donné
occafion de faire. Elles firent la
.matière d'une fçavante, & utile
Difiértation fur les eaux de Caries -
Bade qui a été réimprimée nombre
de fois, 6c même traduite en Alle¬
mand , avec .plufieurs autres, ou
notre Auteur fait part au publie
des découvertes qu’il a faites fur
plu (leurs fources minérales. Car il
a fou vent été obligé depuis ce
tems-là d’aller à ces eaux falutaires
de Boheme, à la priere de divers
Princes, ou Malades de confidera-
tion , à qui il avoir fait efperer
qu’ils trouveroient dans leur ufage
le rétabliiîement de leur (ante.
Ces voiages ne contribuèrent.pas
peu à étendre la réputation de M.
Hoffinann. Car il fe trouve tous les
ans
M £*'M OIRE S, Ixxxix
ans aux eaux une quantité prodi-
gieufe.de malades. Or il était natu¬
rel qu’entendant parier de lui avec
éloge, ils fufîent tentés de le con¬
sulter, ils s’en font fi bien trou¬
vés, que non-feulement ils fe met¬
taient fous fa conduite pendant le
terns qu’ils étaient aux eaux, mais
qu’ils lui écrivoient enfuite pour
le eonfulter fur ce qu’ils avoient à
faire pour achever leur guérifon.
Nous ne donnerons pas ici la lifte
de toutes les perfonnes diftinguées
qu’il a conduites dans l’ufage des
eaux, qu’elles prenoient pour con-
ferver, ou rétablir leur fanté 5 mais
ce feroit faire tort à fa réputation,
que de ne pas dire qu’il fut appelîé
en 1710 pour conduire l’augufte
Impératrice pendant quelle pre¬
nait ces eaux , èc qu’il eut l’hon-
neur d’être également confulté par
leurs Majeftés Impériales , lors¬
qu’elles y vinrent en 1731. L’Em¬
pereur prenoit Surtout un piaifir
Tome IIL h
xc Me’moîres.
fingniier à voir faire en public par
M. Hoffmann ies diverfes efpéces
d’expériences qui fervent à décou¬
vrir les principes les élémens
d’où dépend la vertu médicinale
de ces eaux. Nous ne ferons point
ici le faftueux étakgedes marques
diftinguées de bonté dont leurs
Majeftés Impériales honorèrent
M. Hoffmann ni des préfens
dont jls le comblèrent ; nous re¬
marquerons feulement , comme
e’eft la pure vérité , que depuis ce
tems elles n’ont ceffë de parler de
lui avec éloge, èc de parler avan-
tageufement de fon habileté, & de
fes lumières, comme en aiant elles-
mêmes fait l’épreuve.
Les fréquens voiages que M,
Hoffmann fut obligé de faire en
Bohême lui firent découvrir en
1717. une fource empreinte d’un
dèl amer purgatif, je veux dire
celle de Sedlic» La première fois
qu’on en parla en publie fut. dans
M E'M Oïl 1$: xef
une Thefe de Docteur, dont le fu-
jet eft les attentions ^ & les précau¬
tions que demande Puf âge des eaux
minérales chaudes , & froides. ( a }
Mais étant revenu fix ans après à
Caries - Bade, pour aider l’impe-
ratriéë de Tes conlèils , êc aiant eu
feccafîon de s'entretenir des eaux
de Sedlie avec le célébré M. Nico-:
ks Pic de GarcIIi, Premier Méde¬
cin de Sa Majefté Impériale ,, ils
jugèrent tous deux que ces eaux r
& le fel qu'on en tirok étoient uti¬
les , & falutaires ; ce qui rendit l'un
&I autre en peu de teins célébrés
par toute PA lleroagne. -
’ Les eaux de Caries-Bade v Se
celles de Sedlie, ne furent point
fcs fealesqoi s attirèrent Pattention
de M. Hoffmann; Bile- s'étendit
à toutes lès Sources médicinales y
^ s'il eut de la prédileéHon pour
quelques-unes, cefutpoorkseaux
Ohjêrafdiivnès & cœùfetk circa. acMûltt-
hÿ
xcij Me’moïres.
minérales froides, Ç’étoit une opi¬
nion communément reçue en Al¬
lemagne y que la nature des eaux
minérales chaudes eft totalement
differente de celle des eaux miné¬
rales r froides'* ôç que ces dernières
renferment un acide. M. Hoff¬
mann a détruit entièrement ce pré¬
jugé , & fait voir que loin que ces
dernieres contiennent un acide y
elles renferment au contraire une
grande quantité d’alcali , & que
toute la différence qui fc trouve
entre les eaux minérales chaudes y
froides , n’eff: que la chaleur qui
fe trouve dans les unes , '& non
dans les autres. M. Hoffmann eft
donc le premier qui ait enfeigné
qu’on peut marier les unes, & les
autres avec le lait, non-feulement
fans,danger 5 maismême avec beau-
coup de fnccès $ ce qui a voit été de
tous tems regardé comme très-
pernicieux par les Médecins , qui
ignoraient entièrement la nature
Mémoires. xciij
de ces eaux. Il a auffi donné au
jufte, &c au mieux 3 la maniéré donc
chacune de ces fources opéré, celle
de s’en fervir, ■& toutes les précau¬
tions qu’indiquent leur maniéré
d’agir , & les différons états des
corps, dans leurs diverfes difpoff-
tions, à raifon dé l’âge, du tempé¬
rament , & de la maladie. Loin
donc d’avoir laide fous l’empire des
préjugés reçus, & adoptés uûiver-
lellement, ces fecours efficaces que
la divine Providence fait forcir du
fein de la terre pour le falut du
genre humain , loin de les aban¬
donner a l’empirifme , & de ref-
pecter les abus que l’ignorance
avok introduits dans leur applica¬
tion , il a fait tous fes efïbrts pour
la rappeller aux principes de la rai¬
fon. C’êft une obligation que lui
ont en particulier le§.eaux de Sel-/
ter ,& de Lauchffad, fur lefquelles
il a écrit en particulier. Car il eft
le premier qui ait bien découvert
xcîv M e’moire s;
leur puiflante efficacité pour pré¬
venir , & déraciner, les maladies
les plus opiniâtres , comme on le
voit dans les Diflèrtations dont
elles font le fujet > ce qui les a ren¬
dues célébrés non-feulement pan
toute l’Allemagne mais même
dans beaucoup de Païs étrangers i
au grand avantage non-feulement
des malades , dont les efpérances
ne font pas trompées , mais des
Villes auprès defquelles elles cou¬
lent 5 & de leurs habitans, dont la
reconnoiffance ne leur permet pas
de garder le filenee fur le fer vice
que M. Hoffmann leur a rendu.
Un autre avantage qui lui reve-
noit encore de fes fréqnens voiages
aux eaux de Carles-Baae, c’effi'de
iè faire connoitre de plus près an
Roi de Pru'de. Car ce Prince qui
iefoi t lu i même ofage de ces eaux
en 1 année y entendant van¬
ter a beau coup des Seigneurs de fk
Coût l’habileté de M. Hoffmann^
Mémoires. xcr
a'qui ils avoient donné leur con¬
fiance , fut curieux de le voir , &
fi content d’un long entretien qu’il
eut avec lui fur fà fauté, qu’il lui
ordonna de venir fou vent s’en in¬
former à lui-même. M. Hoffmann
s’étant rendu avec pki fi f à des or¬
dres qui fiattoient au moins au¬
tant fon inclination que fon amour
propre, & le Roi aiant fait publi¬
quement connoître la confiance
qifil avoir en lui, & le pkifir.quff
prenoit à fes fa van tes converfa-
tions 5 il fie trouva quelques per¬
sonnes qui donnèrent des marques
non équivoques de l’envie que
cette faveur leur caufoit, s’imagi¬
nant, fans doute , qu’on droit à
leur réputation y ce que le Roi
âjou toit à celle de M. Hoffmann.
Vers les derniers mois de cette
année, ce grand Prince devint d’u¬
ne tres-mauvaife fanté, fans qu’au¬
cun des remedes qu’on lui admi-
niftroit produifit confitament un-
xcxvj M E* M O I R E S,
bon effet. Il fe fou vint de M. Hoff
mann , dont la Séréniffime Du-
cheflè de Saxe , fa fœur , lui avoit
fî fou vent parlé avantageufement,
'& que depuis peu il avoit vu de
près, lorfqu’il prenoit les eaux de
Caries-Bade 5 il l’envoia donc cher¬
cher en pofte , pour prendre foin
de fa fanté avec fes autres Méde¬
cins.
Quelque convaincu que fut M.
Hoffmann de l’incertitude des for¬
tunes de Cour, & des défagremens
qu’entraîne la perte de fa liberté,
ôc du repos de fefprit, & du corps,
dont le facrifîce cft indifpenfable
dans ce païs , il ne lui fut point
pofîible de fe refufer aux ordres ex¬
près du Roi. Il partit donc fur la
fin de l’année, ferepofànt entière¬
ment de l’événement fur la divine
Providence , & flir les bontés de
ce Prince. A peine fut-il arrivé ,
que les chofès changèrent de face ;
auffi le Roi, pour lui marquer fa
fatisfadion,
Mémoires. xcvij
Satisfaction , lui donna-t’il de fou
propre mouvement le titre de Con-
feiller Auiique, &C une place en¬
tre Tes Médecins , avec une pen-
fion considérable. Cependant M.
Hoffmann eut la précaution de de¬
mander au Roi qu’il lui confervât
fa Chaire, aimant beaucou p mieux
fuivre tranquillement les Mufes
que d’être fans celle expofé aux
ouragans de la Cour ; ce que le Roi
lui accorda,
A compter de ce tems, M, Hoff¬
mann pâüa trois ans , & plus à la
Cour ^ ou jamais on ne le trouva
en deffaut, foit quant àTaffiduité,
ou a la capacité. toutes les fois que
le Roi, êc la Reine eurent befoia
de fon miniftere. Et ce n’ëtoit pas
peu de çnofe que de prendre foia
de la fânté du Roi, furtout pen¬
dant les hivers. Car outre qu’elle
étoit habituellement fort incons¬
tante , il étroit fouvent fatigué d’ae~
cidens très-fâcheux 5 ce qui obli-
Tome III, i
xcviij Me’moiris.
gcoit fouvent de paffer la nuit au¬
près de fa perfonne , & même quel¬
quefois fans pouvoir fe dédomma¬
ger le jour de la perte du repos de
là nuit. La Reine de fon côté lui
donnoit beaucoup d’occupation à
caufe des grands accidens aufquels
elle étoit de tems en tems fujette.
Cependant M. Hoffmann fuppor-
toit patiemment ces fatigues, com¬
me fêlant partie defes devoirs, ôc
la tranquillité d’ame que lui don¬
noit la convidion intérieure qu’il
ne manquoit à rien,lui donnoit des
forces , d’autant plutôt qu’il a voit
la fatisfadion de voir combien fes
fervices étoient agréables à leurs
Majcftés.
Mais fon attachement à ces per-
fonnes auguftes , qui lui méritoit
leur bienveillance, & cette atten¬
tion fcrupuleufe à ne s’écarter en
rien des devoirs qu’il leur impo-
fbit, fefoit fur d’autres des impref-
fions bien differentes. Car il lui
Me’moïîies. xcîx
attira d'abord la jaloufie, puis des
haines déclarées, de fes Confrères 9
& notamment de M. André Gun-
delsheiraer, quiavoitété recom¬
mandé à la Cour de Berlin , après
être revenu de fes voiages d’E¬
gypte , & de Grece, où il a voit ac¬
compagné le célébré M. Tourne-
fort, qui y avoir été par l’ordre ? ÔC
aux dépens du Roi de France. Le
fujet de cette haine étoit les con¬
tradictions que M. Gundelsheimer
avoit effuiées de la part de M. Hoff¬
mann , à qui la confcience ne per-
mettoit pas de confentir qu’on fit
fur la Famille Roiale ufage des re¬
mèdes violens que le premier ne
balançoit point à emploier 5 quoi¬
que M. Hoffmann le fit toujours
avec tous les ménagemens pofiî-
bles. On pourroit faire une longue
hiftoire des démêlés qu’il y eut en¬
tre ces deux Médecins. Mais com¬
me ce détail ne pourroit manquer
tfetre fortenniiieuxaii Lecteur, Sç
c Mémoires.
que l’elfentiel de ce qui regarde
çette difpute , ou ce qui peut l’in-
tereflèr, eft expliqué fort au long
dans le premier volume des Con-
fultations de notre,Auteur, nous
aimons mieux palier le tout fous
filcnce , èc nous prenons d’autant
plus volontiers ce parti , que les
adverfaires les plus déterminés de
M. Hoffmann ne font plus aujour¬
d’hui. Rien ne fait plus d’honneur
-à M. Hoffmann que ces difputes.
Elles font une preuve parlante de
fon amour pour la paix. Car on ne
peut pas lui reprocher d’avoir ja^
mais commencé. Il y a plus 5 il a
mieux aimé garder le filence , 6c
laifîèr le Public équitable juge du
différend, que de perdre un tems,
qu’il pou voit emploier plus utiles
ment, à répondre à nombre d’ad-
yerfaires, qui s’élevoient contre lui
avec allez de force, d’éloquence,
& même qui triomphoient de fon
filence. Toutes les démarches de
Me’môire s. cj
H*. Hoffmann , qui picquerent fi
fore fon adverfaire, partoient d’un
.principe dont il ne pou voit s’écar¬
ter fans devenir coupable, c’eft-à-
dire , étoient les fuites néceiïàires
de fon attachement au Roi, & à la
Famille Roiale.
* Le Lecteur judicieux n’aura pas
de peine à concevoir que les défa-
grémens que M. Homnann effuia
à la Cour ne firent qu’augmenter
fon éloignement pour elle , & à
juger du plaifîr qu’il eut à goûter
le repos , ôc la tranquillité de fes
Occupations académiques, loriqu’il
obtint au mois de Juin de l’année
1712. la permiffion de retourner
dans fa cheré patrie. Je né puis à
ce propos m’empêcher de rappor¬
ter ce qu’on lit fur la vie de la
Cour dans la Lettre XL. du Mé¬
decin Jean Papius, adreflee à Ke¬
pler. Vous ne de<vês point , dit-il,
vous étonner delà réfolutîon que fai
prife de m en aller en VruJJ'e , bien
cij Mémoires,
f uilfuijfe paraître quil y ait peu de
fureté a le faire, fai pajfé par dijfe-
rens Etats. J ai goûté la douceur de
la vie académique , & depuis que je
fms ici ( à Anfpac ) fai fait tejfm
de celle de la Cour , cf je défiée he
prefquedé ennui quand je me rappelle
les agrémens du premier état , & que
je le compare avec tous les autres gen¬
res de, vie. Si Ion a en mème-tems
l agrément dé avoir beaucoup de pra¬
tique y pour parler le langage des Me-:
feins 5 on ne doit point porter envie
a la Roiaute. A la Cour , c’efi un efi
claya fie, fafue ux , & ton peut dire
en general de toutes les Cours , que
c efl lefejour qui convienne le moins ^
ou meme le plus contraire a tous les
gens de mérite. ( a )
(a) Non efi quod mirent confilium meum de
migratione in Borujfiam^ locum minus , ut-videri
fotefi , tutum. Expertus egofum hue ufque vi-
tampnmum Academie am, tune hic (Onolsbaicii)
auticam. fiontahefeo prope modüm recordations
vit.s. Academies., tanta ejus eft bonitas ffi cum
estent conferatur, huic fi accédai copiofs pu.-
M E* MO 1RE S. cil)
Lorfque les foins que M. Hoff¬
mann donnoit à la pratique de la
Medecine, ou à former la jeunefïe
qui s’étoit attachée à cette profef-
fion , lui laifloit quelque loifîr, il
le partageoit de maniéré qu’il en
confacroit une partie à revoir les
Ouvrages qu’il avoir autrefois com-
pofés, & à en faire imprimer des
collections , ou à en compofer
d’autres , ôç l’antre à approfondir
la nature au moiën des expérien¬
ces de Chimie. C’eft par cette rai-
fon que dans ce tems on en réim¬
prima quelques volumes en Hol¬
lande , dont chacun contenoit une
dixame de Difièrtations * & qu’on
:fit à Ulm une colleCtion de celles
qui avoient pour objet les eaux mi¬
nérales chaudes , & froides. Gercé
derniere fut bien-tôt fuivie de celle
xeos , ut nos loquimur , facùîtas , regiam fere
■vitam dixero. In ctulis efi Jplendida miferia > itrio
orrinis cmlctrum ratio liber alibus ingénus efi ini-
rmeiffima. Joan. Fapius. Efiifi. XL. ad Refiler,
vit a Aulica. p.jé.
iiiij
civ Me’moires.
de differentes petites Differtations
fur divers flijets qui avoient déjà
été imprimés féparément.
Ces differentes occupations em*
ploierent prefque foixante ans de
la vie de notre Auteur. Ce fut alors
qu’il conçut le deffein de faire un
fyftême de Medecine raifonnée.
X)ieu bénit cet Ouvrage le pre¬
mier volume, qui parut en 1718 V
fut fuivi-à. differentes reprifes de
plufieurs autres , qui coûtèrent à
l’Auteur vingt années de travail,
dontia fin lui afïiire l’immorta-
lite. C’eft avec raifon qu’on repro¬
che de bâtir des fyftêmes, foit de
Medecme , ou de quelque autre
Art que ce foit, dont la bafe eft
un raifonnement qui a befoin d’ê¬
tre appuie, & établi par une lon¬
gue expérience, à ceux qui com¬
mencent un pareil Ouvrage en-
core jeunes, ou qui fur la parole
d autrui, avancent avec confiance
ce qulls n’entendent pas fufSfa-
Me* Moires. et
frient. Pendant que de leurs hypo-
thefes ils déduifent des conféquen-
ces fondées plutôt fur des couve-
nances que fur une fcience certai¬
ne j ôc qu’ils en font fortir la mé¬
thode qu’il faut fuivre dans le trai¬
tement des maladies, il efl infail¬
lible qu’en avançant en âge, 8c de¬
venus plus prudens à force d’expé¬
riences - y ils trouvent bien des cho-
fes à corriger qu’ils jettent dans
des erreurs funeftes aux malades
ceux qui fe font livrés aveuglement
à leurs fentimens. Mais fi l’on n’en-
treprenoit d’écrire -, qu’après s’être
affûté de la vérité par beaucoup
d’expériences , & qu’on s’attachât
à les faire de maniéré que le flam¬
beau de la raiion pût jetter fa lu¬
mière jufques fur les caufes les plus
cachées des événemens , il paroît
qu’on verroit clairement le certain
qu’on doit fuivre, & qu’on retran-
cheroit tout d’un coup cette mul¬
titude infinie d’opinions diffeten-
cvj Me’moios.
tes, ou du moins qu’on en dimi-
nueroit confidérablement le nom*
bre. L’exemple de M. Hoffmann
rend cette vérité fenfible. A force
d’enfeigner, de de pratiquer la Mé¬
decine , de faire une exacte atten¬
tion à tous les phenomenes dont il
a été le témoin , & de les rappeller
à leurs caufes véritables par des ré¬
flexions exaétes , de répétéesil
nous a fait voir combien nous
avons laiffe loin derrière nous les
Anciens , qui ont voulu rendre
raifon de tous les phenomenes mé¬
dicinaux 5 de comme il ne faut que
des ïeux fains , & ouverts pour
connoître la clarté du jour, de que
perfonne n’eft indifferent pour les
charmes de la lumière , ôe l’ufage
qu’on en peut faire , les préceptes
que M. -Hoffmann a donnés fut
toutes les parties de la Médecine
ont paru fî aifés, fi fimples , de fi
clairs, a tous ceux entre les mains
de qui fes Ouvrages font tombés,
Me’moires. cvij
qu’à peine en peut-on trouver dans
notre tems, & même dans les plus
reculés , qui aient été auffi univer¬
sellement applaudis. Car outre
deux ou trois éditions qu’en a don¬
né le Libraire qui a été chargé le
premier de rendre public le Syf-
tême de Medecine de notre Au¬
teur , les Etrangers fe font ernpref-
fés , tant hors des limites de l’Al¬
lemagne , comme à Venife , & à
Balle, que dans les frontières de cet
Empire, comme à Francfort, de
s’approprier cet Ouvrage ; ce qui a
été fait contrô le gré de l’Auteur,
fi l’on en excepte la collection en¬
tière de fe s œuvres qu’il a confenti
que fi lient M rs de Tournes, à qui
même il a fourni des corrections,
& des augmentations confidéra-
bles. Nous avons auffi vu depuis
peu une Traduction Françoife im¬
primée à Paris du premier volume
de cet Ouvrage. Mais nous fom-
mes trop près de lui pour juger
cviij Me’ moires.
fainement du mérite de eet Oiu
vrage. C’eft à k Pofterité la plus
reculée , comme entièrement im¬
partiale:, qu’il appartient de lui
donner fon jufte prix.
Dans le même tems que M. Hoff¬
mann travailloit à fonSyftême de
Medecine, il formoit un autre pro'
jet également utile. Il lui étoit fou-
vent arrivé dans le cours d’un fi
grand nombre d’années , d’être
obligé de répondre au nom de là
Faculté de Medecine à des Mé¬
moires fur des cas qui avoient rap¬
port à la Jurifprodence médici¬
nale,, ou fimplement. à la fanté de
ceux qui confultoient. Il lui en
etoit encore plus Ion vent adrelïé '
en droiture, loit par les malades ,
qui etoient bien aile d’avoir fon
avis y foit par les Médecins qui vou-
loient favoir ce qu’il penfoit de
I état des malades qu’ils traitoient.
II commença donc à rafîèmbler
ces Mémoires 7 6c fes Réponfès ^
Me’MO I RES, tl±
•& à faire imprimer ces collections
fous le titre de Confultations Mé¬
dicinales , à mefure qu’il y en avoit
de quoi faire un volume. Il en a
déjà paru en Langue Vulgairedou¬
ze Tomes , dont chacun contient
cinquante Mémoires, & autant de
Confultations. Il en fit choifir,met¬
tre en latin , & imprimer la partie
la plus intérefïante , & à peine
commença-t’elle à fè répandre ,
quon la contrefit à Amfterdam ■
à Francfort fur le Mein,
Qui eroiroit qu’un homme oc¬
cupé à compofer tant d’Ouvrages,
& à répondre à tant de Mémoires ’
put trouver le tems de faire autre
chofe ? C'efl cependant ce qui eft
arrivé» Car il y a une infinité de
perfonnes dans cette Ville, & mê¬
me dans les pais éloignés, qui font
redevables à fes foins de la fauté
dont elles jouifiènt. Car depuis
qu’il a quitté la Cour de Prude 5 §£
^u’il eft de retour en cette Ville de
ex Me* mo i r e s.
Hall, il n’y a gueres de Princes de
la maifon de Saxe, ou d’Anhalt,
qui n’ait mis à l’épreuve les talens
de M. Hoffmann, & qui ne l’ait
appelle de tems en tems à fa Cour»
Le Prince de Sclwartzbourg l’a
appellé une ou deux fois auprès de
fa perfonne, Sc c’eft à fa bonté que,
fous l’autorité de l’Empereur, il
eft redevable du titre de Comte
Palatin, dont il fut décoré au mois-
de Juillet de l’année 1727. Son
Altefle Séréniffime Landgrave de
Hefïe-Cafîel, le fit venir à fa Cour
pour prendre fes avis. Scie Prince
de Wolfiènbutel le manda pour lui
confier le rétabliflèment de fa fanté.
Je ne finirois pas fi je voûtais faire
l’énumération des Princes, Com¬
tes , 8c autres Seigneurs les plus
difVingués, à qui il a envoié des
confultations, foit pour entretenir
leur fanté , foit pour la rétablir,
ou fi j’entreprenois le dénombre¬
ment de ceux quffe font tranfpor-
Mémoires. cxj
tés ici , de païs même éloignés ,
pour fe faire traiter par lui, &. qui
ont eu tout iieu de fè louer de fes
foins. Je ne parlerai point auffi du
tems que lui a coûté le commerce
de Lettres qu’il a entretenu avec
les plus célébrés Médecins, ôe Phy-
fiçiens de notre fiécle , ôe furtout
avec l’iîîuftre M. Leibnitz , avec
les premiers Médecins de l’Empe-
reur, ôe de plu (leurs Rois, 6c beau¬
coup de ProfefTeurs , tant d’Alle¬
magne-que des Païs Etrangers ,
commerce qui rouloit fur des ma¬
tières de Médecine, Ôe de PhyfL
que. Le tems viendra peut-être
den parler plus au long.
Vers la fin de l’Eté de l’année
*734- M. Hoffmann vint à Berlin
pour voir quelques personnes qui
lui font très cheres -, c’eft-à-dire,
-on gendre, fa fille unique, 6c leur
famille. On reçut alors la trifte
nouvelle de la maladie très-férieu*
le, 6c prefquc défefperée, dont le
exij M E 5 M OIREî,
Roi de Pruffè étoit attaqué dans
don camp fur le Rhin. M. Hoff¬
mann étoit fur le point de repartir
de Berlin pour revenir à Hall,
lorfqne non-feulement les Minif-
très d’Etat lui concilièrent de ne
point s’éloigner , mais la Reine lui
ordonna de demeurer, afin qu’on
l’eut fous fa main , fi l’on avoir be-
foin de fes confeils. Cette précau¬
tion ne fut point inutile. Car le
foir même du retour du Roi à Poft-
dam, on en voia chercher M. Hoff¬
mann en pofte. Une des raifons
qu’eut le Roi pour fe mettre entre
les mains de M. Hoffmann , fut
que le célébré M. Boerhaave, con¬
sulté fur la maladie du Roi , lui
avoir furtout çonfeillé de fe faire
traiter par lui. La maladie de ce
Monarque étoit d’autant plus fé-
ideufe, qu’il y avoit déjà trois ans
qu’elle^ avoit jetté fes premières ra¬
cines , & ^que la négligence les
avçit rendues plus profondes. Ç’é-
M E* MOIRES. CXÜj
t'oit un aflhme hydropique qui don-
noit beaucoup plus de crainte que
d’efperânce 5 ôc l’on étoic d’autant
plus fondé à penfer de la forte, que
tous les habiles gens qui àvoient
été confultés, s’accordoient fur le
prognoftic.
En effet, c’eft par une efpece de
miracle de la bonté de Dieu , que
nous avons eu le bonheur de
voir recouvrer la fanté au pere de
la patrie. La tranquillité, & lafé-
renité d’efprit qu’on remarqua tou¬
jours au milieu des accidens fâ¬
cheux qui fatiguoient Sa Majeflé,
& fa docilité à écouter les avis
qu’on lui donnoit, & à les fuivre,
ne contribuèrent pas peu à aider
les favorables difpofitions du Ciel,
Car le Roi ne s’écarta jamais le
plus légèrement du régime qui lui
avoit été prefcrit, ■& ne fit pas la
moindre difficulté de.prendre tous
les remedes qu’on lui prefcrivoit.
Après cinq mois de foins em-
Tomç I1L K
cxlv Mémoires.
ploies au rétabliflement de la fanté
du Roi par M. Hoffmann , aidé
principalement des lumières* des fa-
vans & célébrés Meilleurs Horch ,
& Eller, qui avoient été appellés
auprès de fa perfonne pour con¬
courir un même but, Dieu voulut
bien accorder aux vœux ardens
d une infinité de perfonnes, ce qu'il
refufoit depuis fi long-terrffà leurs
Humbles prières. Non - feulement
le Roi fe trouvoit entièrement
quitte de toutes douleurs, &c au¬
tres, accidens , mais il avoit fi bien
repris les forces , qu’il pouvoir pa-
en public , 3 c vacquer aux
affaires de l’Etat avec la même ai-
fance qu’il fefoit avant fa maladie.
Il arriva pou r lors en Prufîè ce
qu on vit autrefois dans l’armée
d Alexandre, îorfqne la dextérité,
& les foins de Philippe, fon Me-
d^cin , mirent tout d’un coup ce
Prince en état de reparaître. On ne
f.avoit qui regarder du Roi, ou de
M E 5 M O ï K E Ê. cxv
Philippe. De même en Prufïè on
ne favoit ce qu’on devoit admirer
le plus du rétablifïement du Roi,
ou de l’habileté de M. Hoffmann,
6 c il n’y eut perfonne qui ne regar¬
dât comme une obligation qui lui
Fut perfonnelle , le recouvrement
de la fanté de ce Prince.
Il feroit étrange que le Roi eut
fenti moins vivement que fes fii-
jets les obligations qu’il a voit à
M. HofFmann. Âuffi n’omit-il rien
de ce qui pouvoir contribuer à lui
faire connoître Fa reconnoiflance.
Car il le combla de préfens dignes
d’une main roiale, pour le récom-
penfer du travail, & des foins qu’il
lui a voit donnés pendant un fi
long-tems ; & même il lui arriva
très-fou vent } en préfençe de fa
Cour , & des Ambaflâdeurs ,'de
reconnoitre qu’après Dieu, il avoit
obligation à M. Hoffmann du
bon état dans lequel il fe trou-
voit. .
k ij
exvj Mémoires»
Il fembleroit que le Roi auroit
faic pour M. Hoffmann tout ce
que ce dernier avoir droit, d’en at¬
tendre. Mais ce Monarque crut ne
pouvoir trop paier un fervice auiîi
important j & il a dit publiquement
qu’il fe portoit d’autant plus vo¬
lontiers à lui donner des marques
diftinguées de confidération, qu’il
vouloir faire connaître à tout l’U-
îiivers , non - feulement l’eftimc
qu’il avoir pour ce grand homme,
mais même eflacer autant qu’il fe--
roit poffible le fouvenir des défa-
grémens. qu’il avoir autrefois ef-
fuiés à la Cour, Ç’efrce qui enga¬
gea le Roi à honorer M. Hoffmann
du titre de Confeiîler d’Etat. Il
voulut même que fa famille fe fen.-
tit de la faveur du pere , & con-
noiflant lè, mérite du fils, digne
rival des talens de ion pere , qui
lui ont été , pour ainfî dire, tranfi
mis avec les mêmes noms, & fur-
noms , il lui fit l’honneur de lui
Me’moires. cxvif
donner une Chaire de Medecine
dans l’Univerfité de Hall , &: d’y
ajouter, le titre de Confeiller Au-
lique.
La Reine ne fut point des der¬
nières à faire connoître à-M. Hoff¬
mann les fentimens que fon mé¬
rite , èc le fervice qu’il venoit de
rendre à l’Etat lui infpiroient. Elle
ajouta à plufieurs préfens considé¬
rables celui de fon portrait, fait de
la main d’un excellent Peintre , à
qui elle fit auffi faire celui de M.
Hoffmann , pour le placer dans
une maifon de campagne apparte¬
nant au Roi , & appellée Monbi-
jqu. Elle voulut auffi avoir dans fa
Bibliothèque tous les Ouvrages de
notre Auteur.
Pendant ce tems on lui propofa
plufieurs fois de la part du Roi ,
Sc de la Reine, de fe rapprocher
de la Cour, afin qu’on put l’avoir
dans le moment qu’on pourrait
en avoir befoin. Mais il s’en ex~
cxviij Mémoires.
cufa par les mêmes raifons qu’em~
ploioic autrefois le vieux Berzel-
laï -, Iorfque David lui propofa
de venir s’établir à la Cour. Ce
vénérable Vieillard répondit a çe
Prince reconnoifïànt que dans un
âge auffi avancé il falloir fe pré¬
parer à la vie éternelle, & que le
peu de jours qu’il lui reftoit n’étoit
point trop pour mettre la derniere
main à fon fyftême de Medecine,
ôc aider de fes confeils ceux qui
pourroient y avoir recours. Les
Monarques Juif, êc Pruffien goû¬
tèrent également les raifons du
Berzellaï ancien , & du moderne,
& on les laifla tous deux maîtres de
leurs actions.
Au . commencement donc du
mois d’Avril de Tannée 1735.
Hoffmann prit congé du Roi, qui
lui renouvella les marques de fes
bontés , & lui fit l’honneur de l’em-
brafTer. Il arriva fain & faufà Hall ,
ou il fut reçu avec toute la joie
Me’moires. cxix
poffibîe , non - feulement dans fa
maifon, dont il étoit abfent depuis
iiuitmois, mais dans l’Univerfité
& toute la Ville ; 6 c chacun s’em-
prefsât d’aller féliciter fur fon heu-
reux retour ce Vieillard vénérable,
qu’on avoit coutume de regarder
comme le premier ornement du
pais, 8 c qui réunifïbit aux avan¬
tages qui l’avoient diftingué juf-
qu’alors, celui d’avoir été l’inftru-
ment dont il avoit plu à Dieu de
fefervir pour opérer une gnérifon
à laquelle l’attachement des peu¬
ples pour un auffi bon Prince ne
laifîbit perfonne infenfible.
Depuis ce tems M. Hoffmann
eut fouvent l’honneur de recevoir
des lettres de la part du Roi, fou-
vent même lignées de fa main, lef-
quelîes , ainfi que les préfens que
ce Monarque lui envoioit prefque
tous les ans , lui afluroient la con¬
tinuation de la bienveillance de fon
Prince. Il eut meme la fatisfaction
cxx Me’moirèî
de voir plufieurs fois que le Hcl
reconnoifloit dans des lettres écri¬
tes de fa propre main , que c’étoit
a lui qu’il étoit redevable après
Dieu de la confiervation de fa vie.
Et pour que l’Univerfité de Hall,
dont M. Hoffmann eft à préfent
Doïen , fçut le cas qu’elle dèvoit
faire des confeils d’une perfonne
auiîi expérimentée que lui, il lui
ordonna par un refcrit folemnel
de ne rien faire de quelque impor¬
tance , fans avoir pris fes avis, ôc
fon confeil.
Bien que les agrémens , & les
honneurs dont la vieilleffe de M.
Hoffmann étoit femée , èç déco¬
rée , ne fufîènt point en état de
faire oublier à une perfonne de fon
caractère , que la condition hu¬
maine eft inféparable des chagrins,
8 c des traverses , Dieu voulut lui
rappeller cette vérité d’une ma¬
niéré qui ne pou voit que lui être
des plus fenfibies. C’eft ce qu’il fit 5
en
Me’moïres. cxxj
en envoïant à fon époufe , qu’il
aimoit tendrement , Ôc que qua¬
rante - huit ans d’attaehement, &
detendreffe, lui rendoient encore
plus chere que jamais, une mala¬
die telle qu’elle lui annonçait un
dénouement tragique.il fallut donc
s’en féparer, & une mort paifible
termina cette vie toute chrétienne.
M. Hoffmann prit cet événement ;
comme il convenoit à un Chré¬
tien, & à un Philofophede le fai-
, pour fe divertir des trilles
objets qu’il avoir préfens à F Éprit,
il tourna toutes fes vues du coté
de la religion. En effet, c’elt dans
ce tems qu il ht en latin un abrégé
clair , & nerveux, de toute la doc¬
trine chrétienne , dont il ht part
au Public par le moïe.n de i’im-
preffioii.
Le ïtoi aiant entendu parler de
cet Ouvrage, lui ht l’honneur de
lui mander qu’il fouhaitoit qu’on
en ht une traduction en Langue
T*me III, 1
cxxij M E* M O I R È S.
vulgaire. M. Hoffmann n’eut gar¬
de de fe refufer aux pieufes inten¬
tions du Roi , & y travailla avec
tant de vigueur , que fies ordres
ne tardèrent pas à être exécutés.
Pendant l’Eté de l’année der¬
nière 1738 , M Hoffmann fut at¬
taqué d’une fièvre fi violente , que
tout le monde jugeoit qu’il y a voit
beaucoup plus de raifons de crain¬
dre , que d’efperer. Dieu a cepen¬
dant bien voulu nous rendre ce
grand homme, & le mettre en état
d’emploier utilement pour nous
une vieilîefle heureulè, de vigou-
reufe. Il eft entré depuis peu dans
là quatre-vingtième année.
# Un âge auffi avancé feroit pour
bien d’autres un titre pour fe repo¬
lir. Mais M. Hoffmann veut ren¬
dre tous les momens de là vie uti-
les au Publie , ou pour mieux dire,
a ceux qui ont deffein de s’inffruire.
G eff ce qui fait qu’il continue l’em-
treprife qu’il a commencée if y a
M e’ m o î k e s. cxxiij
finit ans paffés, c eft-à-dire, d’en-
fèigner la vraie foience de traiter
les malades à ceux qui font foffi-
foment imbus des préceptes de fpé-
culation. Pour parvenir à ce but,
il fait tous les fîx mois l’ouverture
d’une Conférence de. pratique mé¬
dicinale clinique , oii il fait rapport
des différons mémoires exads qu’il
a reçus du dehors , dont il déduit
folidement les vraies caufes , tant
prochaines que mèdiates 5 des mala¬
dies for lefquelles on le confolte '
êc où il indique avec candeur la
vraie maniéré de les traiter. H eâ
incroiable combien ces Conféren¬
ces font utiles à ceux qui fe font un
point d honneur-, 6c de cofocienée,
de f e mettre au-deffos des repro¬
ches dans 1 exercice , s & la pratique
de la Medecine. Car les ohfervâ-
tions, 6c une longue expérience s
font d’un grand poids dans toutes
les parties dé cette foience, 6c on
peut dire fous crainte qu’elle en
I ij
GXXÎV M E’MOI R E S.
font la véritable clef, & les régies
infaillibles de ceux qui veulent en-
feigner, du s’inffruire.
- Fade le Ciel favorable , queM.
Hoffmann jouiffe d’une parfaite
fauté pendant le cours de fa qua¬
tre-vingtième année ! que dis-je ?
puide-t’il lui en accorder encore
lin grand nombre d’autres égale$
ment faines , & vigoureufes i Ces
vœux n’ont pas feulement pour ob¬
jet la confervation d’une perfonne
pour qui fes talens, & fa vertu ne
permettent point qu’on foit indif¬
férent ; ils font également l’effet
de .l’amour du bien public , de no¬
tre commune patrie, de rUniver-
fité de Hall, de la Famille Pvoiale,
©u , pour mieux dire , de tout le
genre humain , à qui fes doctes
écrits , &c fes judiciéüfes confulta-
tions , font d’un fecours qu’on ne
peut trop eftimer.
Voilà tout ce que j’ai deffein de
Me’môires. cxXv
M. Hoffmann. Je ne fais aucune
difficulté de reconnoitrequ’on- pou¬
voir parler beaucoup plus digne¬
ment d’une perfonne auffî diuin-
guée de tant de différentes maniè¬
res. Il ne m’auroit point far s doute
été difficile de lui donner les louan¬
ges qu’il mérite , fi j’avois entre¬
pris de faire fon éloge. Mais je n’ai
voulu écrire ces Mémoires que de
fon Confentement , ÔL qu’aidé de
ceux qu’il a jettés fur le papier ; or
l’un, & l’autre ne m’a été accordé
qu’à condition exprellè que je mé¬
nagerais fa modeftie , qui elt in¬
compatible avec les louanges qu’il
aurait fallu lui donner. Je me fuis
donc reftraint malgré moi à la qua¬
lité d’Hiftorien fec de fa vie , &
de fes principaux évenemens. Si
quelqu’un a la liberté de faire un
jour fon éloge, il aura le plus beau
champ du monde ; car que peut-on
fouhaiter dans fon héros que l’af-
femblage des vertus chrétiennes s
tov j Mémoires,
& civiles y 8c de talens aufîî difKn-
gués que ceux de M. Hoffmann ?
Ét fans doute que fi le fbuverain
Maître de la vie des hommes , 8e
de tout ce qui leur arrive , veut
hien accorder à mes vœux ardens 5
à mes ferventes prières , la conti¬
nuation de celle de ce grand hom¬
me i elle fournira de nouveaux
traits auffi dignes de l’éloquence
d’un Orateur diftingué , que ceux
que j’ai mis fous les ïeux des Lec¬
teurs»
cxxvij
DISSERTATION
De M, Hoffmann , fermant de Pré¬
face a La Collection de toutes fes
(Euvres , ou Ion examine les dif¬
férents états de la Médecine, & des
Médecins , & les marques aufquel¬
les on peut reconmhre un bon
habile Médecin .
E Ntre tons les éloges, & tous
les titres magnifiques dont les
divers Auteurs ont décoré la Mé¬
decine , il n’y en a point, félon
moi 3 qui convienne mieux à cet
Art falutaire que le furnonv de
Divin, que fon Fondateur Hippo¬
crate lui a donné. Et l’on ne dou¬
tera pas que ce ne foit avec raifon ,
fi l’on fait attention que le très-
fage Auteur de l’Univers a non-
feulement renfermé dans les trois
régnés les remedes les plus pro¬
pres pour confèrver la fanté, 8c
dompter toutes les maladies, mais
CXXviij D ISSERTATION.
qu’il a difpofé avec tant d’art tou¬
tes les pièces dont la machine du
corps humain eft compofée; qu’il
en réfuite néceflairement un ordre
déterminé de mouvemens qui le
garantit de la corruption qui lui eft
elïentiellement funefte, de du dan¬
ger de mort dont il feroit incella-
ment menace. Il y a plus : Dieu lui-
même dans les faintes Ecritures fe
donne le furnom de Médecin 5 de
tant que notre divin Sauveur a
voulu honorer notre terre de fa
prelence corporelle , il n’y a point
d’art à l’exercice duquel il fe foie
applique-d’une maniéré plus écla¬
tante qu à la Medecine $ de forte
qu on peut dire de lui qu’il étoi't
par excellence le Médecin des
corps , auffi-bien que celui, des
âmes. Or comme l’on approche
d autant plus de la nature de la di¬
vinité , fi 1 on en croit le fentimene
unanime de tons les fages qui nous
ont précédé , qu’on s’attache da-
Dissertation. cxxix
vantage à faire le bien , je doute
qu’il y ait aucune fcience, fi l’on
en excepte celle du falut, qui pro¬
cure cet avantage dans un degré
plus éminent , puifqu’il n’y en a
point qui falîe plus de bien aux
hommes. En effet , qu’y a-t’il de
plus excellent , qu’y a-t’il de plus
déiîrabie , que de conferver long-
tems faine, & entière, la demeure
que Dieu a formée pour y loger
une ame immortelle , & créée à
fon image , de détourner de l’ef-
prit, & du corps les douleurs, 8c
les maladies, qui ne peuvent affec¬
ter P un, que l’autre ne s’en reven¬
te , d’éloigner la .réparation de
•ces fubftances, autant qu’il eftpof-
fible ? Nos peres ont donc- eu de
très- bonnes raifons pour déifier les
inventeurs de la Medecine, &: de
confommer les éloges qu’ils font
des premiers , & des plus diftin-
gués d’entre les Héros , qui ont
gouverné lespeuples, écont donné
cxxx Dissertation.
à la Pofterité des exemples de bra¬
voure dans les circonftanees les
plus critiques oii les Guerriers fe
trouvent expofés , comme font
Chiron le Centaure , Palamede,
Achille, Machaon, & Podalire ,
en difant qu’ils fe fefoient une oc¬
cupation d’enfeigner, d’apprendre,
& d’exercer la Medecine.
Mais plus la noblelïe , & l’ex¬
cellence de cette fcience font in-
conteftabies, plus on eft obligé de
regretter avec Hippocrate que l’i-
gnorance de ceux qui £ exercent , &
la témérité de ceux qui s'érigent en
juges des Médecins , l’ayilijftnt , &
la rendent , pour ainfi dire , l'oppro¬
bre de tout le monde . fa j Et en ef¬
fet, il n’y a prefqne point de Pro-
feffion qui fourniflè tant d’Ou-
vriers , & en même-tems d’auflï
(a) Propter ignorantietm. eorum qui ettm
exercent , & propter eos qui temere de Medictt
judicant , rec eft vilijfîma, omnïumque opprobrie
expofttn, Hippoçrae.
Dissertation, cxxx}
ignorans que la Medecine. Car il
n’y a prefque perfonne , même
dans la plus vile populace, qui ne
fe donne pour Médecin , 6c n’ait
un fpécifique , ou au moins un re-
mede,contre quelque maladie. Pli¬
ne a donc eu grande raifon de dire
qui/ riy a qrien fait de Medecine
que chacun Coït cru expert fur fa pa¬
role j & fans examen , bien qriil riy
ait point de menfonge d'une conje-
qrnnce plus dangereufe. (a) Mais
laiflonsà part cette efpéce bâtarde
de Médecins, à qui il convient fi
|>eu d'en ufurper le titre, &; pafïbns
a ceux qui ont droit de s’en dé¬
corer.
Or je dis de ceux qui font pro-
feffion d’apprendre , de prati¬
quer la Medecine, qu’il y a entre
eux aine très - grande différence.
fa) In hae arte fila evenit , Ht cukumqtt»
Medicum fie profitent} fiatim credatur , cum ta-
tnen periculum fit in nuïlo mendacio majus. Plia.
Nat. Lik. I. cap. 1%.
éxxxij Dissert atioh.
Car, félon Hippocrate, dans l’eti-
droit cite , il y a-bien des gens qui
ont le nom , & la réputation de Mé¬
decins , mais il y en a peu qui le [oient
effectivement , é" à en juger par leurs
œuvres, (a) Le même Auteur dit
ailleurs, qu'on remarque entre ceux
qui exercent la Medecine la même
différence gu entre ceux qui s'appli¬
quent aux autres Arts j dont les uns
font légers de fcience , pendant que
d’autres font beaucoup plus fonces, (b)
H n’y a perfonne pour le peu d’u-
fage qu’il ait du monde, qui ne fâ¬
che que rien n’eft plus vrai quant
aux autres Sciences, ou Arts, que
ce que dit Hippocrate. Car bien
qu’on donne avec raifon le nom
de Théologiens à tous ceux qui
(a.) Multi fuma , & nomme , Medici . re
■tmtem ver a.-, <&> opéré pauci dantur. Hippl loe.
citât. rr
(b ) Sunt ex, iis qui Medicina x>per/tm dant
aln levés , alii multo pr&ftantes ; ut enirh ali a -
rum artium opifices plmimum inter fe différant,
Jic etïam in Medica evenit arte. Hipp; Lib. de
Veter. Médis. 1 r :
Dissertation, cxxxiij
font leur étude des matières qui
concernent la Religion , ils n’ont
pas tous une connoifïànce égale¬
ment étendue de ce qui y a rap¬
port 5 ils ne font pas également au
tait de les enfeigner, ou de les def-
fendre. Il en eft de même du titre
de Jurifconfulte, qui ne convient
pas également à tous ceux qui fe
mêlent de plaider .j & l’on ne doit
point honorer du nom de Mathé¬
maticien un (impie arpenteur } qui
fait mefurer lafurface d’un champ,
ou la hauteur d’une tour, ou bien
un maçon quifait élever une mai-
fon. Il faut bien d’autres connoif-
fances , & connoiiïànces plus re¬
cherchées , pour mériter fans.con-
teftation , au jugement des gens
habiles , ces qualifications honora¬
bles , qui flattent fi fort l’amour
propre , qu’il n’y a.perfonne qui
U ait l’ambition de fe les donner.
Puis donc qu’il en eft de la Me^
dccine, comme de toutes ces fciem»
cxxxiv D i SSE RT A T I OH.
€es , & que le titre dé Médecin
n’appartient pas indifféremment à
tous ceux qui fe fatiguent à courir
les rues, & entreprennent de gué¬
rir les maladies, je m’imagine ren¬
dre fervice au Public en examinant
avec exactitude ce qu’il faut que
foit celui qui veut mériter fans con-
teftation le titre de Médecin. Je
conçois bien que cet examen ne
fera pas du goût de tous mes Con¬
frères 5 parce qu’il en réfultera clai¬
rement , qu’il y en a très - peu ,
même de nos jours, qui aient droit
de le porter. Mais c’eft à eux de
fe mettre en état d’augmenter le
petit nombre.
Nous tirerons le premier carac¬
tère d’un bon , & favant Médecin
de la définition que Galien a don¬
née de la Medeeine. (a) Il rap¬
pelle la fcience des cliôfês fàlutai-
res, SC de celles qui font contraires
à la fauté. En effet, le but de h
(S) Galen. Lib, de2r&cognit>
Dissertation. txxxÿ
Médecine, & le devoir du Méde¬
cin eft uniquement , après avoir
écarté toutes opinions futiles , B c
tous préjugés> de fe mettre en état
de démontrer par des raifonne-
mens fatisfefans, fondés , 8 c foli-
des , ou d'établir d’une maniéré
fcientifique comment,& pourquoi,
tel, ou tel aliment, ou médica¬
ment eft propre à conferver la
fente,a la rétablir,ou à produire
les effets oppofes. D’oii il fuit que
le Médecin doit néceffairement
avoir une connoffTance raifonnée
de tout ce qui peut concourir,
foit à donner des explications foli-
des, Sc démonftratives, de tous les
phénomènes qui peuvent fe pré-
lenter, foi ta former un jugement
fuite, & vrai,fur la conftitution du
malade, la caufè de la maladie, Sc
1 application convenable des remè¬
des. Car s’il eft u ne fcience qui're-
quere dans celui qui l’exerce un ju¬
gement fein , sur , 8 C une grande
cxxxvj Dissertation.
pénétration , toutes qualités dont
la réunion n’eft rien moins quai-
fée , fi r 'on en croit Hippocrate ,
c’eft certainement la Medecine.
Car quand on veut confeiller aux
malades ce qui convient pour les
rétablir , ou leur interdire Tubage
de ce qui pourroit leur nuire , on
ne peut fe difpenfèr de connoître
avec la plus grande préciiion leur
tempérament , & les difpofitions
particulières de leur corps , l’ori¬
gine de la maladie, fon caractère,
&c fès caufès, & les raifons des ac-
cidens qui l’accompagnent, & les
vertus, & effets d’une infinité d’au¬
tres cliofes , & furtout des chofcs
naturelles , te des médicamens ,
tant par Tanalyfe exacte des prin¬
cipes dont ces effets dépendent,
que par Tobfervation de ce qui
s’enfuit de leur ufage. Car le Mé¬
decin qui mérité la préférence, effe
celui qui a acquis une connoifïàn-
ce plus parfaite des cliofes naturel¬
les ?
Dissertation, cxxxvij
les, & dont le jugement efl: le plus
mûri, tant par une longue prati¬
que , que par une çonnoiüànce
plus intime de la nature des choies
avantageufes , ou nuifibles à la fau¬
té. Auffi ne peut-on rien ajouter à
l’éloge que M. de Thou, cet Hif-
torien incomparable, fait du cé¬
lébré Houlier, jadis excellent Mé¬
decin , & Profelïèur dans l’Uni ver-
fîté de Paris, quand il dit, que fis
méditations continuelles lui avaient
formé un jugement fi fain, & donné
tant de -pénétration , quil guérijfoit
- avec tout le bonheur poffihle les ma-
■ ladies défefperées , & peu connues des
Médecins , qui fatiguaient le plus
leurs mules y en fepreffant à courir les
rues pour fuffire a une grande quan¬
tité de malades, (a) Mais lesMede-
(a) Ipfe ( Hollerius ) ajfidua médit atione acer-
rimum judicium ad medendum attulit, ut : âe-
- ploratos morbos, & oh fefiinatienem. ab a lits Me-
dieis per vices vaga curjit atione mulos fatiganti-
bus , minus cogniios ,fümma felictiate curaverti*
Thuanus.
Tome III*
m
cxxxvîij Dissertation*
cins ignorans penfent , & fe con-
duifent bien différemment. S’ima¬
ginant que i arc de traiter les mala¬
des dépend de la feulé expérience
■ils croient quelle feule effen état
de leur faire connoître ce qui peut
être falutaire , ou nuifibîe. Rien
n’eff cependant pins vrai, & plus
fénfible, que ce qu’Hippocrate a
dit il y a déjà long-rems >: que 1 ex¬
périence eli fou vent trompeufeen
matière de Medecine. On appelle
communément expérience en Mé¬
decine les fuites avantageufes, ou
nuifibles, qu’on a remarquées plu¬
sieurs fois dans une maladie en con¬
séquence de l’application d’un re-
xnede 5 & comme ces fuites tom¬
bent fous les fèns, ils ne peuvent
s’y méprendre , & en ce point l’ex-
perience n’cft pas trompeufe. Mais
.fou vent on fe trompe groiTierement
en attribuant par trop de précipi-
ation l’effet que l’on remarque au
médicament même, comme eaufè;
Dissertation, cxxxix
fraie, 6c unique, pendant qu’il eft
fou vent produit par le concours de
placeurs caufes , qui nous échap¬
pent, faute de lumières, ou d’une
attention fuffifante. Ce faux prin¬
cipe a farci la Medecine fpéculati-
ve, 6c pratique d’une infinité d’er¬
reurs j 6c je crois que la première
caufe du mal vient du penchant
dominant de tous les hommes, des
hommes de toute condition , à
donner des confeiîs en matière de
fanté , ôc à exercer la Medecine,
Car l’empire de la Medecine empi¬
rique eft fi vafte, 6c fi étendu , 6t
fon goût une maladie tellement
épidémique, qu’à peine quelqu un y
depuis le cedre jufqu’à Hhiftope
en eft-il exempt, 6c peut-il fe défi*
fiendre de l’attrait d’annoncer com¬
me éprouvé6c infaillibîe,quelque
fecret contre quelque maladie ; fe-
cret fou vent célébré par les maux
qu’il procure. Mais cet attrait eft
fî puifiàntque, malgré les lumie-
ëxl Dissertation.
res de notre fiécle, à peine peut-
on y rélifter.
Et comme une grande partie des
Médecins prennent le parti, pour
traiter les maladies, de ne conlul-
ter que l’expérience dépouillée de
tout rationnement , ils le trouvent
nécelîàirement dans le cas de ne
pouvoir rendre une raifon même
probable, loin de pouvoir la donner
claire , & complette, de ce qui les
engage à confeiller , ou defFendre
certaines choies. C’eft aulîi cetern-
pirifme qui eft caulè du peu d’ac¬
cord qui fe trouve encore aujour¬
d’hui entre eux au fujet de I’eftèt
des remedes. Car l’un déiaprouve,
èc blâme entièrement dans unema-
Je me contenterai de rapporter
quelques exemples pour prouver
P ro P°ftbon. Combien de dé¬
mêlés ne voit-on point encore tous
Dissertation. cxî)
les jours au fil jet de la faignéedans
les fièvres intermittentes,& exan¬
thématiques j de l’écorce de quin¬
quina , éc de cafcarille contre les
fièvres intermittentes opiniâtres j
des remedes martiaux dans la ca¬
chexie , Si l’afFection bÿpochoh*
driaque 5 des forts purgatifs dans
l’hydropifie ; de l’ufage intérieur
du camphre dans les fièvres mali¬
gnes , & les délires ; du lait dans la
phthifïe, & les douleurs de goûte j
des laxatifs doux, comme la man¬
ne j vers le tems de la fuppuration
dans la petite verole ? Combien >
dis-je , de contrariétés , d’oppofi-
tions au fujet, de ces remedes, en¬
tre les Médecins, qui tous cepen¬
dant en appellent à l’experience fur
leurs bons, Si mauvais effets, 6c
partent du principe que l’expé¬
rience efile fondement de toutes
les vérités médicinales ? Nous
avons donc cru rendre fervice au
~ Public en recherchant fcrupuleu-
cxii j D i s s-e kt at i oh.
fementles vraies eanfes de tant de
diffentions , & de difputes,.& pl US;
encore en examinant avec atten¬
tion le vrai moïen de fortir de ce
labyrinthe de eontradicHons,
Il faut donc commencer par re¬
marquer qu’il y a très-peu. de Me*
deeins qui aient des principes sûrs
pour porter un jugement fain fur
les vertus des médicamens 3 &leur
maniéré d’agir. En effet, la plus
grande partie s’imagine que toutes
les eanfes actives , & par confé-
quent les médicamens y & les ali-
mens ^ont des qualités falutaires,,
ou nuifibles , certaines, confian¬
tes > & abfoluës * ce qui n’eft pour¬
tant pas vrai : car quand on exa-
mincies choies plus attentivement^
on voit que ces qualités dépendent
de certains rapports, & de certai¬
nes dif polirions , auxquelles elles
font tellement attachées y que la
différence des fujets & des tem-
péramens, celle deacaufcs morbiS-
Dissertation. cxKij
' qnes, le tems, la mefure, l’ordre ÿ
êc la maniéré de les appliquer, pro~
duifenc dans leurs effets des diffé¬
rences , & des variétés palpables
Les médicamens ne font donc
point, exceptés de la régie connue
des Philofophes , qui veulent que
les corps n’agiflent point félon leur
fphere d’achivité , mais que leur
a&ion foit déterminée, & modi¬
fiée par la difpofition de celui qui
reçoit leur imprefiion.
Pour faire voir plus clairement
la vérité de cet axiome en matière
de Médecine , il ne fera point hors
de propos de mettre fous les ïeux
les differens effets des ali mens , èc
des médicamens dans differentes
difpofitions des fojets qui en font
ufage. On voit tous les jours les
alimens les plus propres à fournir
de bons fucs, eau fer le plus grand
dommage aux malades.- L'eau pure
froide eft un des meilleurs remè¬
des A des. plus propres à rétablir
cxliv Dissertation.
les forces dans le bouillonnement
du fang ; & c’eft un poifon des plus
actifs , quand on en boit trop dans
les fueurs que le travail fait fortir.
Le caffé donne beaucou p de forces
d’efprit , & de corps, aux vieil¬
lards ; mais il n’eft pas également
ami de la jeunelîe , & furtout des
femmes , qui ont le fyltême des
nerfs très-délicat, & à qui il caufe
quelquefois un tremblement de
membres très - incommode. Entre
les médicamens, la magnefie blan¬
che purge parfaitement bien ,lorf-
qüe les premières voies font rem¬
plies d’acide 5 mais elle ne fait que
donner des tranchées, lorfqu’elles
font incruftées d’humeurs vifqueti-
fes. Le mercure doux eh un ver¬
mifuge excellent pour les enfans j
mais il prend très-fouvent une na¬
ture veneneufe lorfque les premier
res voies font remplies de rec-re-
mens bilieux , & âcres. Gn emploie
fouvent avec beaucoup de fuccès
- Dissertation. cxlv
les aromates d'une odeur agréable,
comme le mule, 6c l’ambre , dans
les mouvemens convulfifs, 6c épi¬
leptiques des enfans , 6c dans l’af-
fection hyftenque ils augmentent
plutôt les défaillances, 6c les mou¬
vemens fpafmodiques. Les médi-
camens compofés de nitre , ou d’o¬
pium. corrigé font p aida ment
îortir la fueur, 6c les effioreibences
de la peau dans les fujets attaqués
de douleurs, 6c de fpafmes, mais
ils font très-pernicieux aux fujets
phlegmatiques, 6c foibles, en fop-
primant la tranfpiration , 6c em¬
pêchant la ferrie des efflorefcences.
Neus avons vâ la laignée admi-
niftrée de bonne heure à des jeunes
gens fanguins , qui avoient beau¬
coup de difpofition à laphthifie,
les garantir entièrement de cette
maladie, pendant que d’autres d’un
tempérament phlegmatique font
tombés dans la phthifie , 6c l'hé-
moptyfie , pour avoir fait un trou
Tome III »
cxlvj Dissertât i on.
grand ufage de ce rcmede. Les ef-
prits de corne de cerf, & volatil
urineux de, fel ammoniac , met¬
tent la malfe du fang dans un trop
grand mouvement , comme tout
le monde en convient 5 j/ai cepen¬
dant vu emploier ces remedes avec
beaucoup de fuccès dans le crache¬
ment de fang , le faignement de
nez, & les pertes par l’utérus. Il
eft notoire que deux grains de ré¬
fine de jalap , diffouts, ou réduits
en pilules , font quelquefois faire
une dixaine de fejles , & que dix
ont fou vent peine à procurer une
évacuation aufîi violente dans d’au¬
tres fujets. Il y a des corps, où une
petite dofe de mercure appliquée
aux malléoles eft fouvent caufe
d’une abondante fâlivation, il y
en a d’autres à qui une grande dofe
de ce remède ne la procure qu’a¬
vec beaucoup de peine 5 en un mot
il n’y a point de purgatifs , qui
donné à la même dofe à differente?
Dissertât i on» cxlvij
perfonncs, ne fade des opérations
extrêmement differentes. Enfin ,
nous pendons de.même de tous les
autres remedes , & de ceux qui ont
beaucoup d’activité, & d’énergie ;
& en conféquenee qu’Hippocratc
a eu raifon de dire , que perfonm
ne dappliqmm à l'élude de la Mé¬
decine , fi le même régime , & /g
meme , genre de me convenoit éga¬
lement aux per famés faines , & ma¬
lades , ou fi l’effet des remedes étoit
toujours le meme. Mais défi , ajoute-
t’il, ce qu’il ne faut efperer dans au¬
cun tems, ( a ) Car les alimens ,
comme les médieamens * font
d’eux-mêmes , ■& de leur nature*
également difpofés. à nuire , & à
faire du bien ; & leur ulage n’eft
avantageux que quand on les em-
tâ ) Nems ad Medicinam. addifcendam ani-
sriiim applicaturus effet, fi eadem r üit& & vicias
ratio , & fanis , iff &gris accommodata effet,
tsel et'utmfiidemfemper effecius data remédia fe-
queretur ; quod tamen nitllo unquam tempore
Çxpeçiare U cebit . Hipp. Jjb. de Prijè. Médian,
nij
cxlviij Dissertation.
ploie avec prudence , & circonf,
pedtion, & qu’une raifon éclairée
y préfide. Autrement ils font plus
nuifibles que profitables.
Ce que nous venons de dire nous
conduit naturellement à l’examen
de la queftion en quoi con fille le
bon, ou mauvais ulage des médi-
camens , & comment on peut évi¬
ter de fe tromper dans leur appli¬
cation,
. Si nous confierons fur ce point
les Auteurs les plus anciens, &
les plus éclairés , qui aient écrit
fur la Médecine , Hippocrate, Ga¬
lien , Celfe, & autres , nous trou^
verons qu’ils font unanimement
d’accord , que, pour traiter les ma*
lades d’une maniéré qui leur foit
avantageufe, il faut non-feulement
faire attention à la maladie , 6e aux
accidens, mais principalement au
tempérament , ou à la difpofition
particulière, &; organique du ma¬
lade , à fétat de fes forces 3 au^
Dissertation. cxliis
maladies qu’il a précedament ef-
fuiéeS v à la difpoütion héréditaire
qu’il peut avoir aux maladies , à
fou âge j à l’habitudè du corps, au
régime , 8c an genre de vie qu’il
fuit , à lès habitudes , au climat,
à lafaifon , au terris , 8c aux pro-
grès de la maladie ; parce que le
traitement doit être fort diffèrent
dans ces differentes circonftanees ,
8c que les remedes y opèrent très-
differemment : 8c , pour tout dire
en peu de mots , pour bien traiter
un malade, 8c bien prefcrire les re¬
medes convenables, il faut que le
Médecin commence par faire une
hiftoire exacte, autant qu’il eft pof-
ffble, de la maladie, 8c du malade ;
& s’il veut l’approfondir dans tou¬
tes fes circonftanees, 8c furtout fa
eaufe, & fes fymptômes, au moïen
d’une faine théorie phyfique , 8c
médicinale , il s’appercevra aifé-
ment qu’il ri’y a point de remedes
particuliers , 8c fpécifïques pour
cl Dissertation.
quelque maladie que ce foit ÿ &
que beaucoup de ceux qui font du
bien à des fujets attaqués d’une
maladie , font très-nuifibles à d’au¬
tres dans la même maladie. Cette
docfcrine rend donc évident que
le meilleur moïen qu’il y ait pour
mettre la concorde, Se l’unanimité
entre les Médecins 4 & les accorder
fur les Jugemens qu’ils portent/ur-
tout furies effets des médieamens
dans les differentes maladies, eft
de rapporter ces effets falutaires,
ou nuiiïblcs, aux circonftances con¬
tenues dans les biftoires de ces ma¬
ladies. Mais c’eft le moindre foin
du commun dés Médecins , qui
n’en a pas plutôt entendu-le nom ,
remarqué quelques fymptomes,
qu’il fe preiïè de preferire les reme-
des , que fon expérience loi a laie
coqnoîrre avoir féufB dans une ma¬
ladie pareilles celle qui fe préfente
à traiter, ou dont il a entendu van-
ter 1 efficacité dans la même mahr
Dissertation. clj
die, 6c il eft également difpofé, êc
prompt, à rejetter ceux que le pré¬
jugé , Fondé fur fon expérience ,
ou celle a autrui , lui fait croire
contraires, ou nuifibles.
Un bon , 6c habile Médecin »
après s'être mis au fait de la mala¬
die , ôc des caufes antécédentes qui
ont pu contribuer à fa production *
s’attache encore à en déduire là
première origine, ou fource, d’où
iortent fes accidens, ou effets, 6C
dirige Fon traitement de maniéré
à en déraciner la caufe , 6c fur tout
la caufe prochaine. Mais ceux qui
fe conduifent d’une maniéré em¬
pirique j font plus d’attention aux
accidens qu’à la caufe , 6c ne s’at¬
tachent qu’à calmer les- fympt&-
mes i ils emploient des remedcS
variés , ôc mal aflortis au defïeia
qu’ils devroient executer. Or le
principal caraéfcere d’un Médecin
éclairé , 6c qui raifonne, eft d’écar¬
ter la multiplicité , 6c la variété
cîij Dissertation.
des remedes, & de choifir dans m
•petit nombre, auquel il sert ref¬
ît ai nt , ceux qui font appropriés }
& efficaces contre la maladie qui
fe prefente a combattre. £n effet y
les caufes tant prochaines, que mé¬
diates des maladies ne font point
en grand nombre > ni fort variées**
elles font fimples, & en petit nom¬
bre , bien que fuivant les differen¬
tes parties qiTelles attaquent, elles
prodmfent des effets très-differens.
Il n’eff donc pas befoin pour les
furmonter d’une (i grande abon¬
dance , ou diverfité des remedes y
pour qu’on les adminiftredans l’or¬
dre , le rems, & de la maniéré con¬
venable. Mais ce n’eft point là la
conduite d'un Médecin qui entre¬
prend la cure d’une maladie fans
etre fuffîfamcnt pourvu des bons
principes. Car dès qu’un remede
pianque de produire furie champ
1 erret qui le lui a fait mettre en
œuvre , il ne balance point à 1s
Dissertation. clifj
changer, & à lui en fubftituer un
autre, qui eft également traité, s’il
ne répond pas à Ton intention
mieux que le premier. Or loin que
cette mauvaise méthode de chan¬
ger j ôc de multiplier les remedes,
abbatte la force de la maladie, elle
ne fait au contrairele plus fouvent
qu’accabler le malade , & rendre
la maladie plus dangereufè , & plus
opiniâtre. Dans cet état on ne fera
point furpris que les plus anciens
de nos Auteurs fe foient fi fort éle¬
vés contrele fréquent changement
des remedes , & que non - feule¬
ment ils aient jugé cette méthode
infidèle, mais même très-contraire
au rétabliflèment des malades. Car
-tel eft le caraclere , ou telle eft la
propriété de chaque médicament
en particulier , qu’il caufe nécef-
fairement une altération dans le
corps , altération qui ne peut être
mal ordonnée à la fin que la na¬
ture fe propofe, ou mal propre à
cîiv Dissertation.
furmonter la caufe de la maladif,
fans caufer ordinairement des dé-
rangemens beaucoup plus confidé-
rables de i’œconomie animale , en
dérangeant les mouvemens falu-
taires de la nature. Ceft donc avec
raifon que ce grand Philofophç
d’Angleterre, le célébré Bacon, a
appelle U quantité & la variété des
•médicamens , la fille de l’ignorance ,
qu’animé d’un véritable zélé
pour le bien public , il reprend en
ces termes les Médecins qui fe font
ii peu d’affaire de changer fou vent
de remedes $ à juger de la conduite
des Médecins , par les foins quils
prennent tous les jours pour leurs
malades , en venant les vif ter , exa¬
minant leur état , & leur ordon¬
nant des remedes , on croiroit fans
doute qu ils fument pas a pas U
maladie , & quils ne- s'écartent pas
du chemin dans lequel ils (ont une
fois entrés mais f Ion pénétre dans
£e qu'ils ont coutume d’ordonner % ou
Dissertation. ch
d’adwïnifirer aux malades , on n*y
trouvera, communément qu incertitu¬
de , & inconfiance y & l'on verra que
ce qu’ils imaginent fur ie champ , ou
qui fie préfente a leur efprit , n’a point
de rapport a un but déterminé auquel
ils dirigent le traitement, (a)
Des perfonnes de diftincHoii
m’ont fonvent demandé à quoi l’on
peut diflinguer un Médecin habile,
& éclairé, à qui l’on puiiïe donner
sûrement fa confiance } de celui
qui n’a pas les qualités nécefïàirés
pour la mériter ; & voici la ré-
ponfe que j’ai toujours faite. « 11
•. (a) Remediorum copia , fiÿ.varietas, igno-
rmtu filiœ.... & fi ex. opéra Medkorum quotk
diana ; qàam invifendo ajfidendo , pr&firïbëndo-
Agrotis pra.fi ant, pmaret quifpiam hauâ fegniter
iîlos curaùonem perfequi, atqae- in eadem certe-
quafi via infifiere s tamen fi qui s en , qu& pr&~
fcribere , <Q> adminifirare , [oient Medici , accu-
ratias introjpiciat s mveniet pleraque vacillatia-
nis & inconfiantiA plena . & qu.& ex tempore
excogiidntur ,âc in mentem illis ventant, abfqae-
certo aliquo pr&vifo -curatwnis termine., Yemiattt.
l/ib. I. De Attgment . Scient..
clvj Dissertation.
« faut fe garder de celui n qui, ne
« connôiflant point encore parfais
53 tement le véritable caradere de
’3 la maladie, & fa vrai caufe, ni
33 le tempérament du malade , f e
33 prelTè d’ordonner des remedes )
33 & ne fait point difficulté'd’en
33 changer fouvent ; mais on ne
»3 peut trop eftimer celui qui ,
33 avant de fe difpofer à en ordon-*
33 ner, pénétré , au moïen de beau-
33 coup de questions qu’il fait, la
’a difpofition du corps, & de l’ef-
»3 prit de fon malade, s’inftruit de
33 l’état de fes forces , de celui de
»3 la digeflion , & des excrétions,
33 du caractère de la maladie ; de
» fon origine, & de fès caufes éIol-=
»3 gnées , en fefant exadement at-
33 tention au régime , au genre de
33 vie, & aux autres chofes qui peu-
33 vent lui donner des lumières fur
’3 ce fa jet, & qui , après de férieu-
.33 fes attentions , a coutume de
33 preferire peu de remedes j dont
Dissertation, elvij
» il fait continuer l’ufage, avec un
j3 régime convenable.» Car on doit
» toujours fe défier des fréquens
changemens de remedes. 33 Auffi
les Anciens fe font-ils élevés avec
force contre cet abus 5 comme il
paroît. par le paffage fuivant de
Celfe, U faut , dit-il , fe garder
d’emploier tantôt une chofe , tantôt
une autre , auff-tot quun remede
quelconque ne répond pas à l'inten¬
tion qui le fait mettre enufagep car
dans les longues maladies que le tems
détruit , comme il les a fait naître ,
il ne faut point d'abord condamner
ce qui n'a point été avantageux fur le
champ , & encore moins difcontinuer
ce qui a fait tant foit peu de bien *
parce que ce bien devient plus confia
derable avec le tems. ( a ) En effet 3
(a) Oportet , ubi aliquidnon refpondet , noty
txperiri aliud atque aliud, Nam in longis mor-
vis, quos tempus ut facit, ita folvit ç non fiatirn,
tmdemnetur fi quid ftatim non profuit ; minus
Vero retnoveatùr .fi quidpaulum fitltemjuvat t
quia ptofoetus tempore expletur, Celf. Jab, lit.
fap. i, '
clviij Dissertation 1 .
s’il y a chofe, ou art, au monde
on le fecours du tems foit nécelTaire
pour parvenir au but qu’on fe pro-
pofe, e’eft certainement la Méde¬
cine } car il ne peut s’opérer aucun
effet déterminé , ni ce qui eft con¬
traire , & fait obftacîe aux mouve-
mens de la machine, être éloigné
du corps , qu’au rnoien d’une pro¬
portion , d’une mefure, d’un nom¬
bre de mouvemens déterminés, qui
demandent un tems limité. On
peut appliquer à merveille à notre
fujet ce que dit Juvenal, que celui
qui décide du falut de quelqu’un
ne doit jamais être trop preflé.
Il faut encore qu’un Médecin
prudent, pour adminiftrer comme
il faut les remedes qu’il veut era-
ploier fafïe exactement la diffé¬
rence des temperamens foibles
délicats, de ceux qui font vigou¬
reux , & robüftes. Car ceux-là font
en butte à toutes fortes de mala¬
dies , ôc d’accidens. fâcheux , SC
Dissertation. dix
même ont plus de peine à guérir j
au lieu que ceux-ci font plus en
état de fupporter la maladie, & les
impreffions des médicamens capa¬
bles de nuire , & de furmonter les
Caufes morbifiques. Il eftdoncin-
difpenfable à un Médecin habile
de diftinguer exactement , non-
feulement les tcmpéramcns forts,
Sc foibles , mais ks remedes vio-
lens de ceux qui le font moins, ou
dont l’opération efi: douce. Car
Hippocrate a très-Jttdicieufement
remarqué qu 77 ne fautjamais admi-
nifirer les médicamens violens } qui
caufent naturellement dès alterations
confiderables aux corps , dans les
maladies peu confider ables, & fur
des fujets foibles . Ça J Toutes "les
Ecoles des Médecins raifonnables
retentifient encore au jourd’hui de
fa ) Médicamenta a natura fortîora., qmbus
” Jis fatum corporis tranfmutandi inefi , nec itp
dehihkus morbis , nec debilibus naturif , dare
portât. Hipp. fib. de Hem. f. J4,
clx Dissertation.
cet avis falntaire. Mais les Méde¬
cins Praticiens du commun font
peu d’attention à cet utile pré¬
cepte , & fans égard à la violence
du mal, à la foibleflè du malade,
ôc à la force du remede, ils s’ima¬
ginent qu’il faut de la violence ,
des leviers, pour ainli dire , pour
déraciner une maladie opiniâtre,
ét chronique,qui fe préfènte à com¬
battre , & dans ce préjugé ils em¬
ploient fans balancer les plus forts
purgatifs, falivans, émetiques, fu-
dorifiques, ôçdiurétiques. Maison
ne fauroit croire le préjudice que
ce traitement caufe à ceux qui font
attaqués de maladies chroniques,
X’ai fouvent remarqué avec dou¬
leur le tort qii’avoient- fait des re-
medes violçns , & fouvent réité¬
rés, aeiminiftrés par des Médecins
du premier ordre à des perfonnes
délicates , & j’ai eu le regret de
voir périr par leur faute des per-
fpnnes du premier rang, que des
/ remedes
Dissertation. clxj
remedes plus traitables , & plus
sûrs , auroient pu tirer d’affaire.
Pour moi je puis attefter avec une
parfaite fincerité que depuis plus
de cinquante ans que mes foins
font avantageux à une infinité de
malades, je me fuis toujours fcru-
puleufement abftenu de tous les
remedes violens , Toit évacuans ,
caïmans, ou alterans , tant dans
les maladies aiguës , que chroni¬
ques , dans les fujets foibles, que
les vigou reux, Sc que j’ai eu le bon¬
heur de réuffir, avec le fecours de
Dieu, fans emploier jamais que les
plus doux , les plus surs , &c ceux;
dont une longue expérience avoit
conftaté les bons effets 5 de j’ajoute
avec la même franchife, que cette
pratique douce, ôc sûre , a guéri
parfaitement un nombre infini
d’hypochondriaques , de mélan-
choliques, de maniaques , de ca¬
chectiques 3 de fcorbutiques, d’hy¬
dropiques , d’afthmatiques, ôc de
Tome III. o
eîxij Dissertation.
malades attaqués de fièvres inter¬
mittentes opiniâtres.
Nous allons pafler aux autres
caracferes qui diftinguent un Mé¬
decin habile d’un ignorant. Celui-
ci eft intimement perfuadé qu’il y
a non-feulement des remedes fpé-
cifiques, & fpécklement falutaires
pour chaque maladie en particu¬
lier , & qu’il éleve jnfqu’au Ciel >
comme des fecrcts admirables ,
mais qu’il y a des remedes nniver-
fels, que la Chimie tire fiirtout de
l’or , dont il vante les effets mira¬
culeux dans toutes les maladies ;
ce qui lui acquert une grande ré¬
putation parmi le peuple ignorant ?
Sc lui procure un bénéfice coïïfî-
derable. Mais un Médecin (avant >
èc dé bonne foi , fe mocque de
toutes ces chimères enfantées- pair
une mauvaife théorie phyfique, &
médicinale j & > comme il l'ait
parfaitement qu’il y a des différen¬
ces infinies entré les. eaufès 5 les
DI SSERfÂT IÔN. cîxüj
tems des maladies , 6c entre les
temperamens des differens mala¬
des , il eft convaincu qu’il n’eft pas
poffible de trouver un remede qui
convienne également à tout. Mais
c’eft furtout contre les prépara¬
tions de 1 or qu’il eft le plus en
garde 5 parce que la Chimie met
en évidence qu’il n’y a point dans
tout l’Univers de corps moins pro¬
pre que l’or aux ufages médicinaux*
En effet, fon tiflu extrêmement
ferré 3 d’oii dépend fa pefanteur ,
la plus grande de tous les corps ,
ne peut s’ouvrir , 6t fe brifer qu’au
moïen du menftruë corrofif que
nous préparons communément
avec le nitre, ÔC le fel marin 5 ÔC
il eft très-faux que les menftruës
m lipides puiflent qperer , comme
des Alchimiftes l’aflurent 5 l’intime
diiiblution de ce métal , diffolu-
tion néceflaire cependant 3 fi l’on
veut qu’il produife des effets dans
le corps humain,
© ij
clxiv DISSERTATIONV
Une des principales qualités qui
foient néceflaires à un Médecin
pour être habile , &: vraiement
théoricien, eft de (avoir porter un
jugement sur , & certain , fur les
chofes médicinales que i’experien-
ce n’a point encore fait fuffifament
connoitre. En effet, on eh quel¬
quefois confulté fur des cas très-
particuliers , & qui, par la compli¬
cation des accidens differens , ôc
furprenans , ne reffemblent à au¬
cun de ceux qu’on trouve dans
les obier varions. Dans ces circonf-
taneês il faut beaucoup d’attention,
de réflexions , de pénétration ,
ôc de jugement, non-feulement
pour découvrir la caufe de la ma¬
ladie, & des fymptômes, mais pour
trouver la méthode convenable
pour l’attaquer, & la fùrmonter.
On voit auffi très-communemenc
la difpohtion (inguliere , & ex¬
traordinaire des faifons ,j 5 c de l’air,
produire de nouvelles efpeces de
Dissertation. clxv
maladies, 6c furtout de fièvres épi¬
démiques , dont l’experience n’ap¬
prend pas le véritable traitement,
& qui demandent de la part du
Médecin une étude particulière
pour parvenir à fa découverte. Il
ne faut pas cependant que ces diffi¬
cultés rebutent le Médecin. Elles
ne font pas infurmontables pour
celui qui eft bien au fait de fa pro-
feffion. Car muni d’une bonne
théorie phyfique, ôc médicinale ,
6 c d’une fuffifante quantité d’ob-
fervations cliniques, il peut allez
àifément découvrir le chemin qu’il
doit tenir, en fefant une attention
exacte aux çirconftances , 6c aux
caufes, à ce qui a précédé , êc fui-
vi j 6c fe déterminer fur la préfé¬
rence qu’il doit donner à la iài-
gnée, aux laxatifs, ou aux acides,
6 £ nitreux , fur les volatils, 6c fpi-
ritueux. Audi Hippocrate donne-
t’il avec raifon comme un carac¬
tère de l’habileté, 6c de la capacité
clxvj Dissertation.
d’un Médecin ? de /avoir imaginer
ou découvrir , lorfquil fe pré fente
une maladie nouvelle , & qu’on na
point encore obfervêe. (a)
Il éft connu des moins verfés'
en Medecine, que les differens
climats , foit du côté du Septen¬
trion , ou du Midi, ont leurs ma¬
ladies particulières, produites par
la differente difpofition de l’air, &
la dilîerente maniéré de vivre, èc
de fe conduire. Or ces maladies
demandent un traitement des
remedes particuliers, comme Celfe
l’a fort bien remarqué , quand il
dit que tel remeâe convient à Rome y
tel autre en Egypte , & tel autre dans
les Gaules . { b ) Lors donc qu’il ar¬
rive à un Médecin éclairé , de
changer de pais , ce qui n’eft pas
rare, comme de palier de Danne-
(a) AliquidpoJJtt invenire,fiquœndo novuîj
©■> antea non objervatus morbus occuvreret » HipP-
Lib. de prifcr. IPLedic.
( b ) -A-llüd opus efi R oms., aliud in ÆgVpt&»
aüud in Gallia. Cclf. Lib. I. cap, %.
Dissertation, elxvlf
marc, ou de Suède, en Italie, ou
d’Italie , & d’autres païs chauds ,
dans les terres Septentrionales , il
s’aperçoit aifément qu’il eft nécef-
faire de changer de remedes , & de
méthode pour traiter les maladies.
En effet, les remedes puiflans , de
énergiques, que la force ordinaire
aux habitans des païs froids les met
en état de fupporter, fans qu’il leur
en arrive de mal, font prefque tou¬
jours extrêmement préjudiciables
aux habitans des païs chauds , à
caufe de leur grande fenfîhilité. Il
faut encore remarquer que la dif¬
férence des temperamens, ainlî que
celle de la difpofition des humeurs
dans les differentes Nations, chan¬
ge prodigieufement les operations
des médicamens. C’effi ainfi qu’en
Hollande , êc en Flandre , où les
corps font tidus de fibres plus grof-
fieres, de moins diadiques, de rem¬
plis de liqueurs difficiles à mettre
en mouvement &1 les feis volatils, les
eîxviij D i ssert at î on/
fpiritueux , les infufions chaudes
font merveille, pendant qu’en Ita¬
lie ,oii les liqueurs font plus flui¬
des , 8c plus aifées à mettre en. mou¬
vement , les fibres plus tendues, &
plus élaftiques , ces remedes font
communément très-nuifibles 5 au
lieu que les anodins , les adoucif-
fans, 8c les nitreux font des mira¬
cles. Un avantage que tous les Lec¬
teurs peuvent tirer de ces réfle¬
xions , efl: de favoir qu’en lifant les
écrits de quelque Médecin que-ce
foit, un de fes premiers foins doit
être de s’inflruire dans quel païs il
a vécu, 8c exercé fa profeffion, de
crainte d’emploïer, par exemple ,
dans les païs chauds , fans égard à
la différence du climat, des formu¬
les de remedes qui auront été em-
ploïées avec fuceès par un Médecin
Flamand.
11 y a encore une différence ef-
fetitielle entre un Médecin fuflifa-
ment verfé dans, la connoifîance
de
Dissertation. dxix
de la phyfique méchanique, & ce¬
lui qui eft entièrement ignorant,
ou étranger dans cette fcience très-
utile. Car celui-là eft en état de
eonnoître par l’odeur, le goût, &
i’anaîyfe. chimique les élémens, les
principes, & les vertus de tous les
remedes, de quelque régné qu’ils
foient tirés, par exemple des four-
. ces minérales s tant chaudes que
froides, quoiqu’il ne s’en foit pas
encore fervi, & quels effets ils peu¬
vent produire dans telle , ou telle
maladie, tel , ou tel tems, telle ,
ou telle difpofltion du corps.
11 n’eff pas hors de propos de
donner un exemple pour rendre
ceci plus fenfible, L'experience a
fait allez eonnoître , à ce que je
penfe, que l’écorce de cafcarille effi
un remede très-efficace contre les
cours de ventre exceffifs , tant fe-
reux que fanguins 5 or le Médecin
inftruit des vrais principes de fon
Art , pourra eonnoître aifément
Tome III, p
cîxx Dissertation.
par un examen exad fait en confé¬
rence des régies qu’il a apprifes ;
fes effets , 8 c fa maniéré d’agir *
bien qu’il n’en ait jamais entendu
parler. Car cette écorce rend d’elle
même une odeur agréable, & con¬
tient un principe amer, terreux ,
& réfineux ; d’où le Médecin con¬
ciliera très-bien qu’elle eâ anodine,
fortifiante, & capable d’adoucir les
humeurs âcres.
On connoît encore le Médecin
habile , & éclairé , à l’attention
qu’il fait aux reflburces, ■& aux fe-
cours de 4 a nature, en traitant les
maladies, 8 c furtout les maladies
aiguës , fans s’en rcpofer entière¬
ment fur les remedes, & leur ma¬
niéré d’agir. Car toute l’Antiquité
a regardé , & appel lé la nature h
meilleure Médecine de tous les
maux , 8 c avec raifon. En effet,
fpuvent par les propres forces, ou.
avec le plus léger fecours de l’Art, i
& Ll d’un régiine convenable , elle
Dissertation, clxxj
furmonte très-aifément les mala¬
dies les plus dangereufes , comme
la pefte , les fièvres exanthémati¬
ques , la petite verole , 1 a rougeole,
les fièvres i nflammatoires, dans les
gens du peuple, les païfans, & les
peuples qui n’ont ni Médecins, ni
medicamens.
Mais il y a très-peu de Médecins
qui connoidènt, M comprennent
bien ces fecours thérapeutiques ,
qui réfultcnt de l’art infini avec
lequel Dieu a coudrait notre ma¬
chine , St qui font connus fous le
nom de nature , fecours aufquels
notre corps cft redevable pendant
toute la vie d’être garanti des at¬
teintes d’une corruption meurtriè¬
re , à laquelle il eft extrêmement
diîpofé de lui-même, .& par fa na¬
ture ; êt fecours, au moïen des¬
quels., ce quieft contraire à la vie f
& à la fanté , eft continuellement
chafle du corps , pendant que ce
qui iuied utile , <gt avantageux y
clxxij Dissertation.
eft retenu. Un Medeein prudent
■ne peut donc faire trop d’atten¬
tion , en traitant furtout les ma¬
ladies aiguës , au caractère, à la
force, à l’efficacité des excrétions,
& des mouvemens contre nature,
& aux tems où ils fe font, ni exa¬
miner trop férieufement s’ils ten¬
dent à la confervation de la vie ,
. èc de la fanté, ou au retablifïement
de cette derniere, ou bien s’ils ten¬
dent à la deftrudtion du corps, ou
à la mort : outre qu’il eft indifpen-
fable de gouverner, & de remettre
dans l’ordre ces mouvemens , en
emploïant les remedes appropriés
quand ils manquent par excès, ou
par deffaut ; furtout quand il efl:
certain que la puiifàncc, de l’ufage
de notre Art conlifte principale -
ment à prendre l’empire fur ces
mouvemens, & à les conduire de
la maniéré la plus avantageufe à la
nature. Et comme il arrive fom*
vent que Içs mouvemens de la na?
Dissertation, cîxxiij
ture s’exécutent dans le tems , &C
l’ordre convenables, & font fortir
les matières nuifibles par les excré¬
toires inftitués pour cet ufage , le
Médecin prudent apporte toute
fon attention pour ne point trou¬
bler par des remedes violens , ou
donnés à contre-tems, l’ordre falu-
taire de la nature.
Mais c’eft à quoi prennent le
moins garde les Médecins igno-
rans, qui, ne cb'nnoiflànt point les
loix que fuit la nature pour operer
lâ guérifon des maladies , inter¬
rompent cet ordre li favorable par
les remedes violens, par les reme¬
des doux , fouvent répétés 3 ou
même parles remedes peu conve¬
nables qu’ils emploient, au grand
préjudice de leurs malades.
Un defïaut tout oppofé à celui
que nous venons de relever , eft
celui dans lequel font tombés de
nos jours des Médecins du pre¬
mier ordre 3 qui ont tellement
P üj
cîxxi v Dissertât i on,
étendu l’empire de la natureque
la Medecinë raifounée en a beau¬
coup fcufrert. Ils s’efforcent d’éta¬
blir que la nature n’eft autre ehofe
que Famé, quiéft douée deraifon 5 .
Sc qui a formé le corps même avec
l!ne ffgeliê, & un art merveilleux j
a où ils concluent qu’ils ffy a point
de doute qu’elle ne le conferve, êc
ne gouverne avec la même fageffe 7
e’eff-à-dire , en réglant, de. diri¬
geant fes mouvemens:, de maniéré
que dans l’état de maladie, comme,
dans celui die fanté , elle chafîc du
corps par les excrétoires, convena¬
bles , ce qui lui eft nuif ble , de le
menace de là ruiner De ces princi*»
pes û s’enfuit * felon ces Phyfiolo-
giftes, que F exercice de notre Art
ne demande pas une théorie re¬
cherchée 5 de que l’explication des
pheno menés du corps ne fuppofe
pas des raifons puifées: dans les
principes phyfiques , de méchani-
ques, qui ont plutôt leur applica-
i> I SSEPvTÂT IÔN. dxxv
tion aux chofes inanimées, qu’aux
corps qui font doués defentiment,
ÔC de connoiÜance inter jeu re. Ils
ne demandent donc au Médecin
que d’aider la nature par peu de
remedes choifis, propres à altérer
les humeurs viaeufes, Bc à les faire
forrir par les excrétoires convena¬
bles. Mais bien que cette méthode
curative {impie, & facile , ne foit
point à défaprouver, dans les-ma¬
ladies peu confiderabîes , qui paf
fent aifément, Bc où les forces ne
font point abbatuës , nous n’efti-
nions pas qu’elle puifle fuffire à
détourner , ou furmonter les ma¬
ladies aiguës, Bc chroniques férieu-
fès, & opiniâtres, comme font la
maladie vénérienne, la gonorrhée,
les affection s hypocliondriaques ,
mékncholique, maniaque,cachec-
tique, feorbutique , hydropique ,
ahhmatique , les fièvres intermit¬
tentes chroniques, Bc irrégulières,
les mouvemens épileptiques 5 8c
Piüj
cîxxvj Dissertation.
fpafmodiqnes, & nous croions que
toutes ces maladies demandent des
remedes beaucoup plus énergiques,
& en plus grand nombre, & beau’
coup de jugement pour en faire
l’application.
Mais pour diré clairement ce
que nous penfons de cette nou¬
velle théorie médicinale, nous efti-
mons que l’objet de la Médecine
lieft pas le corps que doit former
un principe intelligent, mais qui
e(l déjà formé par la vertu fage, èc
divine , qui a été renfermée dans
la femence , & dont la fagelïe du
Médecin doit gouverner les mou-
vemens aumoïende radminiftra-
tion des fecours qui leur font né-
ceiîaires. En efîèt, ce 11’eft plus un :
principe intérieur fage qui pro¬
duit , & entretient dans le corps
forme les mouvemens vitaux, qui
font purement méchaniques, ou
qui les ordonne dans l’état de ma¬
ladie pour une fin falutaire, mais
Dissertation, clxxvij
ils dépendent de caufes purement
externes , évidentes , 8c nécefîai-
res, c’eli-à-dire, des élémens, des
alimens, des médicamens , 8c au¬
tres efpeces de remedes , à qui il
appartient de les diriger, 8c de les
conferver. La difformité des cica¬
trices , que lailïènt fur la peau les
bleffiires des parties externes , eft
une preuve plus que fuffifante qu’il
ne fe Fait rien dans le corps par
l’organe d’une nature fage, 8c in-
telligente.
Il faut encore remarquer que
les Anciens par le mot de nature,
n’ont voulu déligner que les forces
motrices du corps , ou la ftruclure
des parties foiides, qui change fui-
Vant la di&èrence des âges, des le-
xes, du genre de vie, 8c les difpo-
f tiens naturelles , 8c héréditaires ,
ce qui a fait qu’ils ont donné à ces
chofes le nom de naturelles. On ne
peut nier que l’imagination n’ait
Beaucoup de force 5 non pour pro-
elxxviij DISSEKTATI m.
duire les mouvemens vitaux, mais
pour les troubler, & les déranger
comme ilparoit par les.affections ■
ôc maladies de l ame , qu 1 font
les fuites de fes dérangemens j mais
ni i’imagination, ai l ame raifon-
nable n’ont pas le moindre pou?
voir pour faire rentrer ces mouve-
mens dans l’ordre^. &; ç’eff anJfc
decin éclairé, ôt aux remedes ap¬
propriés que ce changement appar¬
tient. Pour moi je ne penfe pas
qu’il foit jamais venu dans l’efprit
des Anciens de placer dans les ani¬
maux un être doué de connoiffàn-
ce intérieure , qui dirige les mou¬
vemens de toute efpeee vers un but
déterminé. En effet, Hippocrate af¬
fûte formellement le contraire dans
plufieurs endroits de lès Ouvrages.
On lit dans fon premier Livre du
Régime y en parlant des;natures des
hommes , elles ne favent, pas ce
qu elles font , mais elles paroifent le
favoir y & elles ne connoijfent pas
Dissertât i ôn. clxxbt
U quelles voient; cependant c'ejlpar
une nécepîé divine qu'il leur arrive
ce qu'elles veulent , & ce qu'elles m
veulent pas . ( a ) Et dans ion Traité
des Maladies Populaires , il dit, la
nature trouve d'elle-meme , & fans
i avoir appris d'un autre,par fa pro¬
pre difpofetion , .& non par détermi¬
nation , les mouvemens nécejfaires
pour remplir fes fondions , & fait ce
qu'il convient , fins avoir été inf¬
imité. (b) Van-HelmcMit, qiat d’ail¬
leurs eft très - favorable aux idées
immatérielles de l ame , eft très-
éloigné du fentiment que nous
combattons ; car il nie formelle-
( s.). &u& quidemfaciunt nefcmnt, qu& ver*
fàciunt Jcir* vident ur , qu& quidem vident
non cognojcunt , & tamen bis omnia necejjitette
divines- contingunt , & qus. volant , qti& no~
tant. Hipp. Lib.I. de Dût. §. é. ex verfion.
Foëjii.
fb ) Natura ipfa.fîbi per fe , non ex confilio ,
motiones ad actiones fubeundas invenit et nulle
edoclu , citraque difcipünam ea qu& conveniuni
efficit. Hipp. Lib. de morb. Vulgar. SeB. VIH .■
cîxxx Dissertation.
ment dans fon Traité fur fajjkjet*
tijfement de U nature humaine à U
? Ouvrage qui mérité bien
d’etre lu , que le corps humain ,
tel qu’il eft depuis la chûte du pre¬
mier homme ,foit immédiatement
conduit par un efprit qui dirige
fes démarches vers un but fixe ,
comme il arrive aux hommes dans
les chofès, que leur adrefïè com¬
mence , 8c execute, 8c tout de fuite
il le mocque d’Ariftote, qu’il taxe
d’ignorer parfaitement la nature 5
pour avoir confondu les chofes na¬
turelles avec les ouvrages de l’Art,
fuppofant dans les premières Té-
xiflence d’une caufe finale, 8c d’un
Artifle qui arrange les moïens }
quoique cette vérité n’ait d’appli¬
cation qu’aux derniers. D’où il
conçlud avec raifbn que tout ce
qui fe fait , ou s’engendrev dans la
nature, le fait par un développe¬
ment necefîaire des femences, de
maniéré que les femences font les
Dissertation, clxxxj
principes , ôc les caufes naturelles
des choies } mais caufes qui agiiiènt
pour une fin qui eft bien connue
de Dieu, mais non d’elles, (a) En
conféquence il paroît que ce n’eft
pas fans raifon qu’Areteus. a ap-
pellé la nature Y art de Dieu. En
effet, la nature n ? eft pas une feule
chofe , ou une eaufe unique, qui
régie les fondions animales ; mais
ce terme comprend plufieurs cau-
lès , c J eft-à-dire, non-feulement la
difpofition organique des lolides ?
êe la température particulière des
fluides , mais principalement le
mouvement réciproque, & alter¬
natif, ou de fyftole, & de diaftole
des folides, & des fluides, le mou-^
•vement prdgreflif, l’inteftin , le
fecretoire , & l’excretoire , celui
d’ondulation , & le tonique, mou¬
vement dont l’intégrité, & le bon
état eft fuivide celui de toutes les
(a) Helmont. Lib. de mort, introitu in Nd*
*nr, Human%§, ia. J
dxxxij Dissertation,
fonctions vitales, animales, 8c na¬
turelles.
Et comme dans l’Univers le dé¬
veloppement des animaux , 8c des
végétaux contenus dans les femen-
ces, leur nutrition, leur féconda¬
tion , leur maturité, la perfection,
la vie , font produites par le mou¬
vement, 8e des caufes évidentes,
purement méchaniques, 8e pfiyiî-
ques % ou par les élemens, 8e prin¬
cipalement par le fluide de l’air, 8e
de l’éther, mis en mouvement par
la chaleur du fpleil , que les An¬
ciens appelloicnt le feu , il efl: évi¬
dent qu’il en arrive autant dans
l’homme , puifque nous remar¬
quons tous les jours des change*
mens confiderables dans toutes les
fonctions du corps humain, occa¬
sionnées par le genre de vie , l’ha¬
bitude du corps, les diflerences du
régime , de l’air, des faifons , des
tems , 8c des lieux, 8c que nous
pbfervons que les mêmes caufes
Dissertation, clxxxiij
influent également fur les opéra¬
tions de Tarne, les mœurs, les in¬
clinations , & même en quelque
forte fur le raifonnement. Mais ee
U’effc point ici le lien, &: çe n’eft pas
mon defîèin de m arrêter plus long-
tems fur cet article * je me conten¬
terai donc de dire que cette ma¬
niéré' de raifonner n’a prefque
point de rapport avec la Méde¬
cine j il vaut donc mieux n en rien
dire de plus. En effet, elle ôte tout
ufage de là raifon dans l’explica¬
tion des phénomènes médicinaux,
& la recherche des caufes des ma'
ladies , çe qui fait cependant l’ef-
fentiel de l’art de guérir , & elle
rend entièrement donteufe, & in¬
certaine l’énergie, & l'operation ,
des caufes naturelles , & des mé-
dicamens fur le corps humain. Car
leurs effets ne font point réglés
par la volonté de famé, mais iis
font certains & déterminés , lorf-
<}u’pn les applique dans les çirçpnf?
ckxxiv Dissertation.
tances convenables, en vertu d’une
néceffîté infaillible, Je ne dirai plus
qu’un mot, pour engager ceux qui
font tous leurs .efforts pour avilir
la Médecine établie fur des princi¬
pes phyfiques, & méchaniques, à
bien examiner le feutiment qu’ils
embraffent. Je leur accorde que la
nature, ou lame raifonnabie 5 eft
le principe, de la caufe de toutes
les fondions vitales, de naturelles^
de qu’elle les dirige vers une fia
certaine, de déterminée 5 mais tou¬
jours eft-il très-certain qu’elle ne
peut rien executer fans le mécha-
niime , ou une ftrudure détermi¬
née des folides, de une difpofition
des fluides : or à préfent rien n’eflfc
plus évident que Fart du Medeçin
ne s’étend pas jufqu a Famé , de.
que fon operation fe borne aux
caufes phyfiques, & méchaniques,
dont Famé fe fert comme d’inftrü-
mens. '
Il eft encore très-interefîant de
favoir
Dissertation, clxxxv
lavoir qu’il n’appartient pas à la
fcience d’un bon Médecin , à Tes
études, à fon devoir,de s’appliquer
à rechercher, 8c décou vrir les cho-
fes obfcures ,. mais qu’il doit s’at¬
tacher principalement à connoître
ce qui tombe fous les fens , ce qui
eft cfufage dont on peut don¬
ner des raifons certaines , 8c évi¬
dentes. Gar il fo trouve dans la
PJiilofophie des chofes naturelles,
8c medecinales, comme dans l’é¬
tude delà nature,'une infinité de
chofes embarraflees de difficultés,
qui font au-deffus de toute con-
noiflànce humaine , 8c des intelli¬
gences les plus pénétrantes. Or il
eft beaucoup plus raifonnable de
s’en tenir fur ces articles à l’admi¬
ration , que de vouloir les creufer.
Je mets dans cette clalîè les quef-
tions fuivantes, d’oii vient la vertu
multiplicative renfermée dans cha¬
que femence , 8c comment fe fait
la formation des parties dans l’üte-
Tomc III. q
clxxxvj Dissertation.
rus j de quelle maniéré la penfée
& L’imagination agiffent fur le
corps , 6c comment la difpofîtion,
6c te mouvement du fang peuvent
caufer des alterations aux fonc¬
tions de l’ame ^ en quoiconfifte la
force prodigienfe du ferment, 8c
de la contagion dans la pefte , 8c
ks autres maladies malignes * quelle
proportion il y a entre les forces de
la nature, 6c eeiks.de la maladie }
fi les mouvemens fébriles., 6c con¬
tre nature , occafîonnés par une
çaufe ennemie de la nature , font
excités par une bonne intention,
& très-feu vent fort mal à propos.
Or le Médecin: peut fons.fçrupule
ignorer ces chofes , 8c bien d’au¬
tres , parce qu’elles, me lui font pas
néceffaires; pour rétablir , ou con-
füDver la fonte des hommes. Il ki
foffit d’acquérir par un gramdufage
des expériences réfléchies:, des dé-
mquftrations, 6c dèsaaifonnemens
folides, k difoernement des choies
Dissertât rôtf. cîxxxvij
fdutakes , ôc pernicieufes , & de
pouvoir rendre des raifons phyfi-
ques, bien que non géométriques,
de fa façon de penfer, Il y a encore
une raifon efîentielle d’éviter la
recherche de ces vérités impéné¬
trables $ c’eft qu’elle n’eft propre
qu’à devenir Poccafion , & le fojet
de disputes, daltercations, de dh-
cords , qui font perdre aux Méde¬
cins cette harmonie , cet accord ,
fi convenables, & qui eft fi nécef-
faire dans les confultations.
; Mais il eft furtout du devoir du
Médecin habile , ôc éclairé, de fe
mettre au fait de la : maniéré d’en¬
tretenir long-teins la fanté des
hommes r & de les garantir des
attaques des maladies par des re¬
ndes convenables , pris furtout
dans le régime. Car la Dietetique
tft fans contredit la principale par¬
tie de la Medecine 5 elle a toujours
été fort efiimée de l’Antiquité , ôc
'éflè démontre évidemment la cer-
<5
clxxxviij Dissertation.
titude de l’art pour prévenir 8c
empêcher les maladies } & f ans
doute il eft bien plus aifé de ga¬
rantir le corps des maladies, que
de le rétablir quand il eft dérangé
6c vicié.
Nous entendons par des reme-
det’ diététiques, ceux qui font prin¬
cipalement tirés des chofes non na¬
turelles , qui font abfolument né-
ceflàires à la vie. Car comme l’u-
làge réglé de ces choies peut en¬
tretenir long-rems leur vie , & Une
lanté inaltérable 3 des obfervarions
certaines , ôc infaillibles nous ap¬
prennent , que le mauvais ufage
qu’on en fait livre le corps à tous
les dérangemens, 8c les maux pof-
f blés. C’en donc un des principaux
points, 8c des plus eflentiels de la
Içience médicinale, d’acquérir une
connoiflance parfaite , 8c établie
fur de bons principes de phylique
ae ces choies dont nous avons fans
celle befoiri pour vivre 5 ôc de fe
Dissertation, clxxxix
mettre en état de voir clairement
le mal qu’elles peuvent faire en
contribuant à la génération des
maladies , & le bien dont elles font
capables, en les détournant, & les
guérillant. Car les élémens, & fur-
tout l’air , & les alimens , nota-
ment quand ils s’éloignent .beau¬
coup de leur température natu¬
relle, ou qu’ils changent fubite-
menç,ont beaucoup de force, ôc
d’énergie fur le corps humain ,
dont ils altèrent les humeurs , ê£
les mouverpens, 8c même fur fa¬
mé , &. la raifon , qui fe (entent de
ces changemens. C’eft par cette
raifon qu’il y a des maladies pro¬
pres à certains lieux, certains païs,
certains climats, ôc que fuivant les
differentes difpofitions des (aifons,
& les variations de l’air , ou leurs
changemens fubits , ôc extraordi¬
naires, il naît diverfes efpeces de
maladies.
H n’y a donc point de méthode
gxc Dissertation.
préfervative, & curative,plus cer»
taine, & plus sûre que celle qui
emploie des fecours de cette na¬
ture, &: de cette efpece,. parce qu’ils
font plus amis de la nature, tempe-
rés , fans violence , & qu’ils opè¬
rent par degrés, & peu à peu. Ceft
ces avantages qui ont acquis tant
de considération à la Médecine
Diététique dans les; tems les. plus
reculés &. qui lui ont fait donner
le pas fur; toutes les autres. Rien
ne prouve mieux comhienellc étoit
en honneur dans l’Antiquité, que
les divers Traités d’Hippocrate fur
le régime dans les maladies aiguës .,
k régime en général ÿ ceux fur les
maladies épidemiqms , fur, la nature
dePair , de s eaux , & les lieux. , Ôt
celu \ fur les dimms.- .
- Toute la méthode curati ve d’Af-
depiades étoit renfermée dans le
régime. Si nous lifons avec atten¬
tion le quatrième Livre delà Mé¬
decine de Celfe, ou il traite de la
Dissertation. cxcj
maniéré de guérir prefque tous les
vices qui ont fixé leur fiége dans les
parties intérieures du corps , nous
verrons que ce grand Homme le
fait principalement confite dans
le changement d’air , de lieu , de
genre de vie, d’ahmens liquides ôc
iolides , l’abftinence , les aifferens
mouvemens, &: exercices du corps,
les fri&ions, les bains, & leslini-
mens. Parmi les Médecins , ceux
qui ont enrichi la poftérité de dé¬
couvertes utiles, & fur les pas de
qui l’on peut marcher en fureté ,
Médecins qui font la plupart Ita¬
liens, comme. San&oriu s., Metcn-
rialis, Montanus, & de nos jours,
Bamazzini, Baglivi, LanciE, ont
obligation de ce qu’ils ont laide de
plus avantageux à l’étude exacte
qu’ils: avoient faite de cette princi¬
pale partie de la. Médecine, éclai¬
rés par les Expériences phyfiques,
Sc méchaniqucs , qui dévoilent le
mieux la nature, des. corps, les cau-
excij Dissertation.
fes, de les loix des mouvemens. Et
pour parler vrai, il eft très-certain
que les remedes, de préceptes dié¬
tétiques font d’un bien plus grand
fecours, non-feulement pour pré¬
venir , mais même pour guérir,
furtout les maladies chroniques,
que les Pharmaceutiques & les fe-
crets les plus vantés.
Galien a d’ailleurs remarqué,avec
autant de juftelïè que d’habileté,
qu’/Y riy apoint en Médecine de rem-
de affez> efficace pour donner d>ufecours ,
fi le mauvais régime s'oppofe a fes
effets y ou que le bon ne concoure avec
Ifi (a). C’eft une obfervation dont
il n’eft pas difficile de rendre raifon.
Car l’origine de tons les maux vient
uniquement de caufes évidentes ,
d un mauvais régime, d’une façon
de vivre nuiiible, du mauvais ufa-
ge des jfix chofes non naturelles, de
. f a ) Nullum tam ejficœx remedium Médi¬
cinal habet , quod auxihum afferre que ait , fi ei
victui vei rejijîat - ve [ non adjuvet. Galen-
principalement
Dissertation. cxciij
principalement d’un tempérament
foible 8c fenfîble j or tant que ces
caufes fubfiftent, elles amortiflent
la force de tous les remedes quels
qu’ils foient,
Plutarque a auffi fort judicieu-
fement remarqué qu 'une nouvelle
manière de vivre produit des mala¬
dies nouvelles , & change le tempe-*
rament , & la difpofition des corps ,.
( a ) Je ne vois point d’autre raifon
pourquoi le pourpre chronique effc
de nos jours ff commun en Alle¬
magne , ii ce n’eft: le trop fréquent
ufage des infufions chaudes, & fur*
tout du caffe , qui exalte les hu¬
meurs recrementeufes hilieufes, 8c
vifqueufes , & les pouffe vers la
furfaçe du corps. J'attribue la di£
poiîtion aux hemorrhoïdes, qui eil
aujourd'hui beaucoup plus com¬
mune que par le pafle , furtout
(a) Ob novam vicius rntionem novi incru -
iffeunt morbi, corporum naturel alïara atquç
aliem inde temferaturam Jufiiftt. Plur^rch. '
Tome III. £
cxciv Dissertation,
chez les perfonnes qui aiment les
mets de haut goût, & afîaifonnés
d’aromates étrangers , ôc les vins
chauds qui naifient en France,en
Hongrie, ôc dans les Pais Etran¬
gers 5 parce que leur fang bouil-
lonant dans la région des lombes ,
ôc devenu plus vif par l’ufage des
pilules compoféesd’aloës, ne trou¬
vant point d’iduë par les veines du
fiege , caufe par fa ftagnation des
hemorrhoïdes aveugles , ôc même,
regorgeant vers les vifceres inter¬
nes , excite ces pallions fpafmodi-
ques, àppellées hypochondriaques,
qui font aujourd’hui fi communes
dans tous les pais.
11 faut encore favoir qu’un hom¬
me prudent doit être fon propre
Médecin , c’effc-à-dire , ohferver
exactement les alimens folides, ôc
liquides , ôc les autres chofes qui
lui font utiles s ôc falutaires, ou au
contraire. Aufii ai-je tou jours pris
beaucoup de plaifîr a lire ce que
Dissertation. cxct
Xenophon dit de Socrate, que ce
Héros de l’ancienne Grece avait
fioin d'avertir fies Auditeurs , qu’ils
ne pouvaient avoir trop d'attention à
leur fianté , & de leur confeiller d’ap¬
prendre de gens exp erts ce qui lui efi
avantageux , & d’examiner par eux-
mêmes pendant tome leur vie les boifi-
fions , les alimens folides , les exerci¬
ces qui leur convenaient ; parce qut
la perte de la mémoire , le chagrin ,
la fureur , la dureté de cœur , riant
fiouvent d'autre origine que la mau-
vaifi difpjofition du corps * & qut
Ççfprit ne court aucun rifique , lorfi-
que U corps efi en bonne fiant t. (a.)
Et de fait, il y a une liaifon , une
i fil tnonebàt fuos auditer es ut magnum
baberent <valetudinis cùram , tum a peritis dif~ -
tendo.ojUA conimodu fint , tum etiamper totam vi*
tum de fe obfervando , quis patus , qui s cibus „
tpuïpue lob or conférât: quia oblivio, rtisror , fu-
ver .duntiefque animi, nmnunquat» a mala cor-
ports habitudine oriùntur , quibus corpora recîe
valent , nullum inde ad mentem redundat pericu-
tum. Xenophon. De diBis & faüis Socratis.
P; î i J.
cxcvj Dissertation.
correfpondance fi exacte , & g
étroite entre l’ame, & le corps ?
qu'elle fe relient du bon état du
dernier , & que le bon état de
l’ame contribue beaucoup a la fan-
té du corps. 11 y a dans le Traité
des Vents d’Hippocrate, un pafiàge
qui s’applique parfaitement bien
ici .Rien , dit-il, ne contribue plus*
la prudence que le fang. Lors donc
qu'il ne change point de température ,
la prudence fe foutient > mais quand
fon état change , la prudence efi aufji
en deffaut. (a) Le trentième para»
graphe du premier Livre de fort
Traité du Régime , eft uniquement
emploie à prouver que la fageffe de
Pâme dépend du ben régime , & quon
peut la rétablir ^Jî elle fe dérange , en
remédiant aux deffaut s du régime, (b/
- (a) Nihilmugis ad prudentiam confert,quart
fanguis : hic ergo cum in conjlanti habita perfif-
tit , confijlit & prudentia ; fanguine -veto per -
rtiutato j concidit fimul & prudentiel. Hipp. Lib
de fiat-ib. §. 10..
(b) Anima fapientia a reffo vicia dépendit,,
Dissertât i on. cxcvi j
Les perfonnes délicates font fur-
tout une preuve parlante de l’iiti-
lité , ou , pour mieux dire, de là
néceffité du régime pour entrete¬
nir , &; conferver la fanté , ôc là
vie. J’appelle perfonnes délicates,
les vieillards , celles qui font foi-
blés par tempérament, qui font à
peine convalefcentes d’une mala¬
die conliderable , qui ont perdu
leurs forces par des pertes de fang
abondantes , quelle qu’en ait été
la caufe, par de longues veilles, la
faim, ou une longue trifMe. La
moindre faute dé régime eftnuih-
ble à ces fortes de perfonnes, & les
plus considérables caufent des re¬
chutes dans les maladies précéden¬
tes , ou des maladies plus dange-
reufes que les premières. La pre¬
mière attention donc que doivent
avoir ces fortes de perfonnes , efl:
de fuivre un régime exact , èc ri-
& j fi l&fafuerit , refiitui iotefl , illo emendate.
Hipp. Lib. I. de Dut. §.30.
cxcviij Dissertation;
goureux , de peur de tomber fur»
tout dans les vices qui conduifent
a la phthifie , ce qui arrive très-ai*
lément aux convalefcens, lorfqu’ils
fe livrent à leurs fantaifîes, & que
tout d’un coup ils s’écartent des
loix du régime.
Quand on connoît l’utilité, les
avantages, la néceilité de la Diete-
tique , on s étonné avec un jufte
fujet, qu il y ait lî peu deperfon-
ues de celles qui s’appliquent à la
Médecine , qui foient perfuadés
que c efr une des parties de cette
fcience qui mérité le plus d’arten-
çipn | or tels font principalement
ceux qui ne combattent les mala¬
dies qu’avec des remedes , & des
fecrets, de ceux qui le (ont imbus
de cette doflrine, que la nature qui
préiide au corps humain eft d’elle-
rneme allez lage pour faire fortir
par les excrétoires convenables ce
qu’il pourroit y avoir de trop dans
le corps j en conféquenee de quel®
Dï SSERTAT I ON. CXC1X
que faute de régime légère , ou
pour s’élever puiflament contre
ce qui feroit plus dangereux , &C
même quelquefois en s’armant de
la fièvre pour en venir à bout. Il
eft vrai que dans ee fyftême il n’eft
pas néceffaire de faire une atten¬
tion fi exacte au régime. C’eft en¬
core par une fuite du même fyftê¬
me , qu’ils font peu de cas de la
feienee des cbofes phyfiques , qui
s’acquert par l’étude des effets de
la nature, ôc des diverfes expérien¬
ces de Chimie, & de Méchaniquq,
& qu’ils la méprifent même afïèz
ouvertement , en conféquence de
quoi ils ne la recommandent pas
aux; autres comme néeeflaire. Pour
moi , depuis le tems que j’exerce ,
& que j’enfeigne la Médecine, j’ai
recommandé de toutes mes. forces
à tous ceux à qui leur fan té , SC
celle des autres eft précieufe , d’é¬
tudier féneufement la partie de
cette feienee , qui nous conduit à
CC Dissertation.
une connoiftànce particulière , \
un ufage raifonnable , & une ap¬
plication éclairée des chofes natu¬
relles , des alimens, & des élémens,
& c eft à quoi je me fuis attaché
dans les ouvrages que j’ai compo¬
sés , &. fait imprimer fur. le régi¬
me, ôda recherche des caufes phy¬
siques.
Il me refte encore à dire mon
avis fur cette partie de la Medecine
auffi effentielle, qu’elle eft ancien¬
ne , je veux dire la Chirurgie ,
partie qui établit les régies qu’il
îaut Suivre pour remedier aux vices
des parties extérieures , & dont je
crois la connoiflance extrêmement
nécefîaire aux Médecins.
Il y en a beaucoup qui font dans
cette faufîe penfée , que l’art qui
guérit par l’opération de la main,
&: qui s’occupe à couper , & ap¬
pliquer des remedes extérieurs ,
n appartient pas directement à la
Medecine. Mais il y a beaucoup
Dissertation. ccj
d’apparence que ceux qui rayon¬
nent de cette maniéré ignorent que
l’homme tout entier , tant dans
l’interieur, qu’au dehors,eft l’ob¬
jet de la Medecine, & qu’il y a une
correfpondance fî étroite entre les
parties externes du corps , &: les
internes, que les vices des premiè¬
res fecommu niquent très~aifémenc
aux fécondés, &; que ces dernieres
foufFrent beaucoup, quand les pre¬
mières font attaquées.
D’ailleurs, il eft bon de fa voir
que les mêmes afFedions qui s’at¬
tachent aux parties extérieures, èc
qui demandent le fècours du Chi¬
rurgien , attaquent aufli les parties
intérieures , comme les douleurs,
tumeurs, extravafations, fcirrhes,
inflammations, ulcérés, abfces 5 &
que chacune de ces maladies de¬
mande des fecours intérieurs en
même-tems que des extérieurs } de
maniéré qu’il eft évident que les
fondions du Médecin, & du Chi-
Ccij Dissertation.
rurgien , ne font pas fort diffe¬
rentes.
Il faut encore obferver que Inap¬
plication des remedes topiques ,
fuivant la differente nature des vi¬
ces qu’il faut combattre , ou les
differens temperamens des fujets
demande beaucoup de prudence ,
pour ne pas devenir préjudiciable.
D’où il fuit évidemment qu’on ne
peut en aucune maniéré fëparer la
Médecine de la Chirurgie , ôc 1a
Chirurgie raifonnée , des fonde-
mens £ la Medecine.
Les Anciens penfoient donc fort
jufte, quand ils commençoient par
enfeigncr la Chirurgie aux defcen-
dans d’Efculape, à qui on voulait
enfeigner la Medecine 5 auffi leurs
écrits nous font voir combien ils
fefoient de cas de cette partie de
notre Art. Une preuve évidente
de fon utilité , e’eft que dans les
tems reculés, comme de nos jours ,
les Médecins qui ont joint une
Dissertation, cciif
étude particulière de la Chirurgie y
êc de l’Anatomie aux autres con-
poHîances qui leur font néeefîai-
res, ont été beaucoup plus eftimés.
que les autres , &; ont acquis une
bien plus grande réputation, m
Mais combien peu de Médecins
font bien au fait de la Chirurgie î
êc même, ce qui eft bien plus hon¬
teux combien peu de ceux qui
s’appliquent uniquement à cet Art,
le pofîèdent parfaitement ! On ne
voit par tout qu’ignorance, &; bé¬
vues de leur part ; de forte que la
raifon le bien public , deman¬
dent que le Médecin fâche bien cet
Art, k connoifïè bien les maladies
les plus ordinaires de fon reffort 5
pour qu’il puifîe par fes confèils
venir au fecours de l’ignorance des
Chirurgiens ? ôc qu’il puifle les inf-
truire, bien qu’avec tous les ména-
gemens que la politefle exige. Et
comment y auroit-il beaucoup de
Chirurgiens habiles -, pendant que
eciv Dissertation.
ce titre n’eft du qu’à celui à qui
1 Anatomie a découvert la ftruc-
turc, la fituation, la connexion ,
& lufage des parties externes du
corps humain, comme des os, des
mufles, des nerfs , des tendons,
des membranes , des glandes , des
vaiftèaux, des fibres, & qui bail¬
leurs connoît parfaitement la cir¬
culation du fang, ce que c’eft que
la vie, la confervation du fang, les
forces, èc la vigueur des parties ,
la nutrition, pour être plus en état
de juger des léfions externes , èc
du choix des remedes qu’il doit em¬
ployer.
La théorie de la Chirurgie n’eft
pas feulement néceilaire au Mede-
xin, il faut qu’il fâche manier avec
dextérité, &: prudence, les inftru-
mens avec lefquels s’exécutent les
operations de Chirurgie , afin qu’il
puifle aider le Chirurgien de fes
confèils fur leur ufàge , 6 c même
le rectifier, comme l’occafion ne
Dissertation. ccv
s’en préfente que trop fouvent.
Mais paflons aux autres caractères
d’un Bon Médecin,
C’en eft fans doute un efïentiel
qu’il foit en état de porter un ju¬
gement j ufte, & fol i de, fur l’éve-
nement d’une maladie, ou le dan¬
ger qui l’accompagne, fur les acci-
dens pernicieux qui peuvent fur-
venir, & fur l’effet que produiront
les remedes. En effet, il n’y a rie»
qui contribue plus à établir la ré¬
putation d’un Médecin, & à dé¬
montrer la certitude de fon Art,
qu’un prognoftic jufte fur toutes
les ebofes dont nous venons de
parler. Hippocrate a donc raifon
ÿ dire au commencement de fon
Traite des Prmotions , ou Prognof
tics j U par dît très - avantageux
que le Médecin fajfe ufage des'pro -
gnoJHcs ; car quand il connoit , & pré?
dit aux malades, le préfent , le pajfé >
& l’avenir, il prouve quil eft par fai?
ùment au fait de leur état 3 & les ml
ce Vj D I S SERT AT I OH.
lades fe mettront avec confiance entre
fies mains . ( a.)
Mais autant la fcience des pro-
gnoftics eft excellente, autant eft-
çlle infidèle, & incertaine ? de forte
quon doit regarder comme conf¬
iant qu’il n’y a rien de plus difficile
que de porter un jugement sur de
i’évenement d’une maladie. Auffi
beaucoup de Médecins s’expofent-
iis j ôc leur profeiîkm , à la rifée,
parleurs vains, &c futiles prognof-
tics fur l’évenement des maladies,
lorfqu’ils répondent déjà vie d’un
malade, qui meurt Couvent peu de
tems après. La vraie caufe de cette
ignorance eft qu’ils ne font point
fuffifament fournis d’obfcrvations
cliniques, exactes 6 , &C complettes ,
êc , ce qui eft encore un plus grand
(a) Medicum pr¬ionem udhibere optimum
sjfe mihi videtur. Jrr&nofcens enim , & fr&di-
eens upud Agrotos pr&fentia , prMérita > &
futur a , fidem utïque fecerît quod Agrotorum res
magis cognofcat : quare gaudebunt homînes fe
ipfos medico committere. Hipp.
Dissertation. ccvij
deffaut , qu’ils ne font point en
état de réfoudre les hiftoires des
maladies par les vrais principes de
i’art, ni de porter un jugement
jufte de ce que peuvent produire
les forces , & les efforts du corps
humain , ou l’énergie des remedes.
Les Anciens ont fait beaucoup de
cas de cette partie de la Médecine *
mais comme leurs prédictions né-
toient pas fondées fur des hiftoires,
& des obfervarions complettes des
maladies, mais quelles étoient fim-
plement déduites d’un petit nom¬
bre de circonftanccs, comme on le
voit dans les divers Traités qu’Hip-
pocrate a composes fur ce fujet ,
il n’eft pas étonnant que le fuccès
ne les juftifie pas toujours, ou mê¬
me qu’elles foient fouvent trom-
peufes.
Une autre raifon de l’infidélité
des prognoftiesqu’ontrou vent dans
les Anciens , c’eft qu’ils ne con-
noiflbient point les vraies caufes
ccviij Mémoires.
propres à expliquer les chofes na¬
turelles , 6c médicinales , attendu
qu’ils ignoraient la Phyfique uni-
verfelle , 6c la vraie Phyfiologie
médicinale } qu’ils ne favoient pas
mieux la raifon formelle de la vie,
de la fanté, de la mort, 6c des ma¬
ladies , 6c moins encore par quels
principes les remedes opèrent 5 d ou
il fuit qu'il leur droit prefque im-
poffible de porter un jugementfo-
lide fur les futurs évenemens. En
effet, pour faire un bon prognof-
tic , il eft très-utile de connokre
exa&ement chaque fujet. 11 y a
un pafïàge remarquable dans Celfe
fur cette matière» U âge , dit-il, le
corps , le genre de vie , la faifon >
contribuent beaucoup aux prognofies.
Car un enfant, ou un adolefcent fe
guérit plus aifément quun vieillard >
un homme vigoureux , qtiun homme
délicat i celui qui n'efini trop grele ,
ni trop plein , que celui qui pèche de
P une , ou P autre maniéré j les çorps
DISSERTATI ON. CC1X
lien difpofés , que ceux qui le font
mal; ceux qui font accoutumés à faire
exercice , que ceux qui mènent une
vie fédentaire i les perfonnes fobres ,
& réglées , que celles qui fe livrent
au vin , & aux plaifirs. de l'amour .
Le tems le plus favorable pour guérir
efi le Printems , ou du moins celui
qui nefi ni chaud ni froid) car le
trop grand froid , é‘ la trop grande
chaleur font contraires aux corps ;
mais ce qui leur efi furtout nuifible ,
ce font les variations de Tair} & c'efi
par cette raifon que P Automne efi
la faifon la plus mal-faine , & la plus
funefie. ( a ) Cet Auteur a voit dit
(a) Ad prognofim confert aliquid & &tas t
& corpus , viu propofitum , & ctnni tempus s
quia facilius fanefcit puer vel adolefcens , quant
Jenior ; valent, quam infirmas ; ne que nimis te~
nt f s y neque nimis plenus, quam fi alterum ex hit
e fi -, integri habitus , quam corrupii; exercitatus ,
quam iners ; fobrius, & tempérant, quam vino,
"venerique dedîtus.Opportuniffimumque curationi
tempus vernum efi , aut ■ certe neque fervent ,
neque frigidum ; fi quidem & nimius calor,
nimium frigus infefiant, maxime tamen hotum
Tome III. f
ccx Dissertation.
précédemment U premim chef,
que le Médecin doive examiner , c'efi
fi la maladie peut encorefe guérir , fi
fi elle peut fe guérir promptement
on fi elle fera opiniâtre. Car dabord
la prudence veut qu'on ne touche point
a celui q u on nepeut guérir y de crainte
de pajferpour avoir tué celui que fin
étoile entraîne a la mort. En fécond
lieu , fi la maladie efi tres-dange-
rtufe , mais non encore défefperée fl
faut m donner avis aux amis du
malade , afin que le Médecin ne pa-
roijfe pas avoir ignoré le danger , ou
voulu tromper la famille, fi lévéne¬
ment efi malheureux. Mais comme
la prudence autorife ces précautions 7
ÿi ne convient qu â un charlatan de
faire un mon/ire d'une bagatelle 7 dans
le deffein de fe faire plus $ honneur.
XA ) Mais ii .dï inutile que je jm’ar-
-varietas ; ideoque pemiciojijfimus Aututnnus ep.
Cm. Lib. V. cap. 16 .
(a) Ante omnî&feire Me/Ucusdébet /»m if fi
■ftàbiûa fit , fi ^us. diffiàlem curationern b*~
eeant, prorfptiorem. Êp emm puikntis ho-
Dîss-ertation. ccxj
rête plus long-tems fur ce fujcc ,
après l’avoir traité fort au long
dans une Diiïèrtation furiepréfagë
certain de la mort dans les mala¬
dies. (a)
Il n’eft point hors de propos de
réformer ici un jugement injufte '
ou pour mieux dire, une calom¬
nie , qui n’eft point feulement ac¬
créditée chez le peuple, mais chez
les fa vans, èc meme chez les Mé¬
decins , qu’un bon théoricien eft
un mauvais praticien , & qu’il y
a plus de capacité , & d’habileté J
dans celui qui voit beaucoup de
malades } que dans celui qui en
minis, frjm tum qui fierevari non. potefi , nm.
Oftingerç, nejc fubivefp-eçiem ejus, ùt oççifi ,qûem
fors ïpfiu t s inter émit. Deinde ubi gravis metps
fine céria, tamen defyerapone efi, ihdicare necef
fariis periclitantis in dijfc{li remeffie.ine fi vi.fia
ars mefiofuerit, veî ignorafie , vej, fefellijfe , viz
deatur. Sed ut b&c prudents viro conveniunt ,
fie rurfus hifirionïs efi par verni rem attollere, que
plus pr&fiitifie videatur. Çelf. ïbid.
(a) Disert. De certo mortis in morbis pr&-
Jdgio. '
ccxij Dissertation.
voie peu. Ce qui a donné lieu à
cette erreur , c’eft qu’on regarde
la Medecine, 8c avec raifon, com¬
me une fcience qui demande beau¬
coup de tems, de travail ,• 6c d’ex-
perience , d’où l’on conclud que
celui qui a plus' de malades à trai¬
ter eft plus habile que celui qui a
coutume de bien raifonner fur les
maladies , mais qui voit peu de
malades. Il eft bien vrai que l’ex-
perience ; c eft-à-dire , Tobferva-
tion exacte des chofes nuifibles, 6c
avantagenfes , eft ce qui a princi¬
palement contribué a la décou¬
verte de la Medecine , 6c qu’en
ordre elle précédé le raifonnement i
mais comme il y a long-tenis que la
Medecine a été inventée, 6c que
des Médecins du premier ordre ont
remarqué dans le cours d’un grand
nombre de fiécles, 6c par l’obfer-
vation faite en diffèrens pais , 6c
fur différentes nations , ce qui eft
avantageux , ou préjudiciable au
Dissertation, ccxiij
corps, il ne faut plus s’embarrafïèr
fi fort de l’experience , mais tous
les efforts du Médecin doivent ten¬
dre à faire l’application des reme-
des dont les effets font connus ,
à des individus déterminés , à des
circonftances particulières des ma¬
ladies , êc à les emploïer dans l’or¬
dre , le tems, & le lieu convena¬
ble , ou , pour le dire en un mot,
fuivant les régies de la prudence.
Or cette méthode fpeciale de trai¬
ter les maladies n’efl autre chofe
que la prudence , le jugement ,&
la raifon du Médecin, ôc ne s’ac-
quert que par une comparaifon
exa&e des remedes avec le carac¬
tère de la maladie , & un même
examen de toutes les circonftan¬
ces ; ôc l’on ne fauroit nier que
celui qui a cette prudence , cette
maniéré de raifonner, & cette ha-
bitude de juger, ne faflê de grands
progrès par l’exercice continuel de
« profefîion , & que ces qualités
çcxiv DI SSER.TÂT I ON.
ne prennent chez lui de nouvelles
forces. Un bon théoricien, au ju¬
gement des Médecins les plus fen-
fës, eft celui qui a appris à conci*
lier la théorie , & le raifonnement
à rhiftoire des maladies, & qui fait
rendre l’experience conforme à la
raifon , & fufoeptible de démonf-
tràtion. D’où il fuit qu’un bon
théoricien ne peut manquer d’être
un bon praticien. Et ainfi le rai-
fonnement, ou la théorie du Mé¬
decin , établie fur fexpérience, &:
foutenue de tous les fecours né-
ceflaires, fait de grands progrès en
Médecine, découvre merveilleufe-
ment les caufes, èc les fources des
maladies, trouve avec une adreüe
incroïable pourquoi certaines cho-
fes font nuifibles aux corps , §C
d’autres falutaires , concilie heu-
reufement les Anciens, & les Mo¬
dernes , diftingue exactement la
méthode curative convenable aux
diderens climats, aux faifons 3
Dissertation. cckv
flijets, aux âges , aux genres de
vie ; eonnoît l’abus des remedes y
leur véritable ufage 5 s’apperçoif
aifément que la pratique des au¬
tres eft moins sûre , & décou¬
vre facilement dans les maladies
nouvelles la méthode la plus
sure & la plus expeditive 5 tous
avantages que n’a point celui qui
ne refpire que la pratique , quelque
nombre de malades qu’il traite , à
moins-qu’il n’ait une bonne théo¬
rie. C’eft donc une fottife, bien
que très-ordinaire, d'appeller l’ex-
pericnce à fon feeours, lorfque la
raifon eft en deffaut, que l’on n’à
pas lùffifament pefe toutes les cir-
conftances , & qu’on ne eonnoît ni
le fujet, ni la caufe de la maladie 5
mi la maniéré d’agir des remedeSo
Au refte, je conviendrai volontiers
'que la théorie eft fujette à jetter
dans des erreurs , comme , par
exemple , lorfqu’on veut adapter
la pratique à des hypothefes vaines.»
ccxvj Dissertation.
fpéculatives, nées de la feule ima¬
gination , ôc établies fur des ter¬
mes obfcurs, 8c qui ne lignifient
rien , plutôt que fur des principes
clairs , 8c qu’en conféquence des
mêmes hypothefes on fait tousfes
efForts pour décrediter des efpeces
de remedes, que tous les fiécles, 8c
toutes les nations, on vu emploïer
avec fuccès. Il eft dans ce cas très-
vrai de dire qu’un mauvais théori¬
cien , eft un mauvais praticien ;
bien entendu quand il veut ap-
puïer là pratique fur une théorie
pareille à celle dont nous venons
de parler.
C’eft encore le cara&ere d’un
bon Médecin d’apporter pour con-
noître la vérité un efprit dégagé ,
& ,^ re , 5 ^ S u * ne tienne à aucun
préjugé , aucune autorité , opi¬
nion, ecole , ou feéfce. Car la li¬
berté du raisonnement eft le plus
brillant ornement de l’efprit hu¬
main 5 8c l’avantage dont font le
Dissertation, ccxvij
plus fcuvent ufage ceux à qui la
nature a donné un jugement pé¬
nétrant. Mais quand Ta nature a
été avare de cette faveur, on s’at¬
tache fortement, & opiniâtrement
aux jugemens , ôc aux fentimens
des Maîtres qu’on a eus , qu’on a
entendus , & qu’on aime , & l’on
s’imagine qu’il ne faut pas s’écarter
de leurs traces , tant dans la théo¬
rie, que la pratique, & qu’il faut
louer , ou blâmer, ce qu’ils con¬
damnent , ou approuvent. Comme
donc la Icience de ces fortes de per-
lônnes fè borne à eonnoître les fen¬
timens de leurs Maîtres , ils ne font
pas en état de porter un jugement
fain fur ies fentimens, 6c les prin¬
cipes des autres.
Je m’imagine qu’il cil évident
par tout ce que nous venons de
dire, qu’il faut beaucoup de talens,
& de talens fuperieurs, pour être
en état de donner à notre fcience
l’ordre , & la connexion que dès
Tome IIL t
ÇCXviij DISSERTATION
principes demandent ; & pour éta¬
blir d’une manière démonftrative
un fyftême de Médecine raifonnée ;
ôç i’on voit avec l.a mêmeévidence
combien eft petit le nombre âp
ceux qui font en droit de reven¬
diquer le nom, ôc le titre d’habiles,
& bons Médecins , puilque la Mé¬
decine eft prefque'par : tout pure?
ment empirique , èç deftituée dë
fondemens surs i dp raifonne?
mens fol ides . Il eft vrai qu ’il y a
d’excellens Traités de Phyfique ,
d’Anatomie , de Phyfiologie } de
Botanique , de Chimie ; mais il y
en a très-peu de ceux qui appar¬
tiennent à la pratique, comme font
les Pathologiques, Dogmatiques ,
& Thérapeutiques , qui méritent
d’être eftimés ; parce que leur plus
grand nombre cQç établi fur des
opinions , des hy pothefes chance¬
lantes , des autorités, des préjugés,
plutôt que fur des vérités utiles ? èç
eéceilaires.
Dissertât i§H.; qc^k
Il eft vrai qu’il a parti de nos
jours des Pathologies s ou Théo¬
ries médicinales des maladies, com?
pofées par des Auteurs célébrés ,
que louent aveoemphaiè ceux qui
ont pour- régie 1 de jurer fur la foi
de leurs Maîtres , & qu’ils veulent
faire regarder comme des Ou vra-;
ges achevés de tout point. Mais 4
on les examine avec exactitude -,
qnles trouvera défecfccufes x & mu¬
tilées en grande partie. En effet 5
on n’y trouve point clairement les
çaufes des fqrces, & de la foibfefîg
du corps humain , ni au vpjb celles
qui établirent la. néceffité de la
mort: on n’y dit pas un mot de l’o-
rigine des maladies épidémiques v
qui eaufeiît beaucoup d’embarras
aux Médecins 5 on rejette preique
entièrement les intempéries, les
t ualités veneneufes des liqueurs :
h’y eft rien dit de ces concrétions
qui fe forment dans les y aideau x^,
Sc qu’on nomme polypes, JefqueU
tij '
ccxx Dissertation.
les produifent des maladies incura¬
bles y ni de la correfpondancc mer-
veilleufe qui fe trouve entre les
parties nerveufes, & fans la con-
noiflance de qui à peine peut-on
expliquer une partie des lymptô-
mes des maladies : on y regarde
comme une chofe très-rare la cor¬
ruption fphaceleufe des parties ,
qui conftituë communément la
caufe de la mort, qui furvient tant
dans les maladies aiguës, que chro¬
niques : on y traite nonclialament,
ou l’on paiïe entièrement fous fi-
lence, la connoiflance du pouls ,
qui eft cependant fi utile pour por¬
ter un jugement fur l’évenemenc
d’une maladie 5 êc fi l’on jette les
ïeux fur l’application raifonnée des
actions contre nature de notre
corps , on y trouve une étrange
confufion des opérations de notre
ame, avec les càufes phyfiques , ôç
méchaniques , & des actions mo-
raies avec les phyfiques.
Dissertation. ccxxj
ïl y a encore des Traités de Pa¬
thologie compofes par de très-ha¬
biles gens, où l’on parle beaucoup
plus des matières morbifiques, que
des mouvemens déréglés, c’eft-à-
dire-, qu’on y regarde comme cau-
fes efficientes des maladies , une
infinité de differentes intempéries
des humeurs ; quoi qu’on doive re¬
garder comme la première caufe
des fymptômes l’inégalité des mou-
vemens , leurs vices, Scieurs dé-
reglemens dans certaines parties ,
qui poufïè vers un autre endroit
les liqueurs qu’elles devroient ren¬
fermer.
Quant à la Thérapeutique des
Auteurs modernes, on n’y dit pas
un mot de la cure des maladies par
le moïen de l’abftinence , des dé¬
coctions fudorifiques, 8c déficca-
tlves, de la boiffon de l’eau , & des
eaux minérales, froides , 8c chau¬
des, des bains, du lait, ou du petit
lait, des eaux minérales froides
tiij
ccxxij D issirtaï ion*
marines avec le lait, des vôïaga 3
& des changemens d’air 5 &• de pais’
des diverfés efpeces d'exercice, &
fürïGtit des ÏÜÉiènS, bién que l’on
n’ait rien imaginé dans l’Antiqui¬
té > & dé nos jours, de plus effi¬
cace ÿ & de plus convenable, pour
fût monter lesjpâfiïonSchroniques y
6T Opiniâtrés 4
Enfin , il y a une infinité de
'ï’raités de Pharmacie , qui font
remplis d’Un fatras imménfe dè
médicartiens fimples, êê compofés
galéniques v & chimiques ^ ou l’on
ne trouvé pointAu tout îér vraies
propriétés , &. vertus de ces remè¬
des dans les difilrens cas Ou l’on
peut les êmpLoïer , de maniéré
que cés ou vrages ne font d’aucu-
iie } ou ne font que d’une très-pe¬
tite utilité.
Et , pour finir par les Ouvragés
de pratique * dont le nombre eft
infini, à peiné y trouvé-t’on quel¬
ques obfer vatiOns j & hiftoires gchth
BlSSËkTÂÏÎÔN. ccxxiij
pierres des maladies, e’efl-à-dire,
où l’on ait eu foin de raflembler
routes iés circonftances ; & cepen¬
dant c’eft là je fondement fermé',
& inébranlable , de la Medecinè
théorique, Se pratique.
Comme donc il y a tin grand
nombre d’anhées que j’ai remarqué
les obftacles VGonfidet ables qui ont
retardé les^-progrèsy & la fëtâ&zA
tion de notre Art, je n’ai dès-lors
rien fouhaité avec plus d’ardeur ,
que de pouvoir digeret, èc rediget
notre Art en fy'ftêfne ■ , ôc en uii
corps difpofé fuivant üné méthode
raifonnée , qui ne renfermât qoè
les chofes utiles, néedlaires à Pë*
Xercice de notre profeffion , & je
n’attendois pour exécuter Ce projet
que le tems nécêiairê pour arnaf-
fèr un nombre fuffifant d’obferva-
rions, & pour me mûrir le juge¬
ment. J’ai auffi futvi le fage conieil
de Celle> qui dans la fin de fa Pré¬
face veut que U Medecine raifmne >
ccxxiv Dissertation.
4f°» ïétablife fur des caufes évi¬
dentes , & qu’on rejeîte non de l\C-
frtt du Médecin , mais de U Méde¬
cine , tout ce qui efi obfcur. ( a ) Or
il faut mettre en tête des caufes
évidentes, la liberté , & l’égalité }
du mouvement progreffif, & cir¬
culaire du fang, & des liqueurs ,
& les mouvemens fecretoires , &
excrétoires. Auffi eft-ce le princi¬
pe , & le fondement de tous nos
raifonnemens, 6c de toutes nos dé-
monftrations en matière médici¬
nale. Nous* entendons auffi par
câufès évidentes les railons qui le
puifent dans l’Anatomie, & la Phi-
lofophie naturelle, fans lefquelles
la tneorie médicinale eft entière¬
ment imparfaite, & indigefte.
J ai commencé à publier le pre¬
mier Tome de mon Syftême de
(a ) Rattonalis Medicina ejje dehet , rnftmi
vero ab evidentibus confis, obfcuris omnibus ,
iiAÇàt*** 9 ** * TtifiCiS ^ ipf * mS rejeC "
Dissertation, ccxxv
Médecine, avec le fecours de Dieu,
â la foixantiéme année de mon
âge j 6 c malgré le prodigieux em¬
barras d’occupations, de confuhâ¬
tions , de voiages, 6 c la diminu¬
tion de mes forces - , ma foixante
dix-feptiéme a vu paroître le fep-
tiéme. Si ce travail ne fait rien de
mieux, je fuis du moins perfuadé
que ceux qui commencent à en¬
trer dans la carrière de la Médecine
y trouveront un chemin fraié , 6 c
découvert 5 6 c que, s’ils continuent
de le fuivre, non-feulement il ne
leur fera point aifé de fe tromper,
6 c de nuire, mais qu’ils feront eri
état de donner heureufement des
fecours., 6 c du foulagement aux
malades , avec un petit nombre
de remedes choifis, furtout le ju¬
gement fe formant par l’expé¬
rience.
J’ai d’autant plus de fujet de
croire que mon travail produira
cet effet , que je vois qu’il a eu
ecxxvj DrssEiTÀTtôN.
l’approbation des habiles gens
comme on en peut juger par les
différentes éditions qui ont été fai¬
tes , tant de mon Syflême de Mé¬
decine que de mes Confoitations,
ôt de rries Diflertations , auffi-tot
qu’elles ont été mifés au jour. Car
mes 'Outrages .ont été imprimés
en Allemagne , en Hollande , erl
Suide, & en Italie. Si le Lecteur
ne trouve pas tous mes écrits éga¬
lement châtiés j je le prie de s’en
prendre aux differens travaux de
pratique, qui ont continueilémetiè
interrompu ceux de cabinet, èc dé
faire rédexiôn qu’ils peuvent, où
doivent naturellement fe feiitir des
differens âges où ils ont été com-
pofés. Au refte , bien qite le ftyle
n’en foit pas élégant s il eft cepen¬
dant pur, clairfans embarras,
convenable aux chofes qii’il fâl-
lôit expliquer j j’ai retranché tou¬
tes les inutilités, èc me fuis attaché
a cette partie de la Médecine 3 dàné
D îSSlïtî AT ï ON. COSXvîj
kqüdlë l’Art Côdfrfte principale¬
ment , Sê proprement. Je ne me
fuis pas foucié de rapporter beau¬
coup d’a-iitorités ; mais e’eft fur tout
mt Anciens que j’ai cru devoir re¬
courir J c’eft eux que j’ai confultés,
& que je me fuis fait un devoir de
fuivre, quant aux deferiptions des
hiftoires de maladies, êc tant que
leurs dogmes m’ont paru quadrer
avec l’experiencè. Ce qui me refte
pour terminer cette Préface ,eft de
prier de tout mon cœur le fouve-
rain Maître de vouloir Bien accor¬
der de tels progrès à cet Art diftin-
gué, qu’il a bien voulu donner aux
hommes pour leur confolation
que j’ai exercé, Sc enfeigné pen¬
dant plus de la moitié d’un fiécle,
& à l’avancement duquel j’ai def-
tiné tous les Ouvrages qui font
fortis de ma plume, que prenant
le deiïlis fur tout ce qui eft faux*
& nuifibîe > fa vérité, la certitude *
fes avantages, parodient fans nua-
ccxxviij Dissertation.
ges, & qu’il benifîè allez mon tra¬
vail , pour que ceux qui's’appli.
quent à la Medecine en retirent
alTez de profit pour travailler uti¬
lement à la confervation du genre
humain.
PREFACE
DE L'AUTEUR.
0 E m’acquitte des engage¬
ons que j’ai pris avec le
Publie. Je lui donne dans
cette fécondé Partie de ma Méde¬
cine Rai formée , les fondemens, êç
les principaux points de la fcience
des maladies, qui fait une des par¬
ties des plus interefïàntes de nôtre
Art; mais, je le dis à regret, une
des moins perfectionnées , & mê¬
me des plus négligées. En effet,
c’eft cçtte partie de la Medecine
qui remonte jufqu’aux vraies four-
ces , ou aux çaufes premières des
maladies , qui attaquent de tems à
autre le corps humain, <k Peuvent
£&%% P R E* F A C E
renferment fa vie dans des bornes
très - étroites ; qui expofe claire¬
ment la puiflancc , 5e la force de
tout ce qui peut contribuer à al¬
térer la faute 3 enfin, qui enfeigne
le chemin le plus court, 5 e le plus
uni, pour parvenir à une longue
vie, au milieu des agrémens d'une
fanté confiante.
Perfonnç n’ignore que la Méde¬
cine n’ait été inflituée ideux|i%i
la première , de garantir l’konïffié
des douleurs ^ des maladies , fie
d’une mort prématurée j la fecom
de, de remédier aux maux qu’on
n’a pas prévenus. Maïs autant il
efl aifé , 5e dans la puiffoneç
Médecin de prévenir les effets des
caiifes des maladies, 5e d"entrete*r
nir la fànté > autant il efl difficile
d’attaqu er viélorieufoment
mes maladies, quand elles font dé*
cîarées, 5e d’autant plus que leurs
attaques font plus violentes.
•C’eft un principe univerfèlle-
de l’Auteur. ccxxxj
ment reçu, qu’il n’y a rien de plus
agréable, de plus ddîrabîe, de plus
charmant, qu’une fauté .égale, &
inaltérable du corps, & de i’efprit.
Cependant, admirés le pitoiable
état, & la foibleflede l’intelligence
humaine ! Loin d’être foigneiix
& attentifs à conserver leur Conté ,
& leur vie , Içs hommes font fer¬
mement perfuadésque la longueur,
ou la brièveté de la vie v ia conftan-
ce j ou l’inftabilité de la fanté np
dépendent ni de la raifon , ni de
la fcience , ni de }a volonté de
1 homme j mais d’une deftinée aux
arrefts de qui il eft impolTiblede fe
fouftraire. Ce préjugé n’a pasépar-
gné les Médecins mêmes > &c c’eft
lui fans doute qui efteaufe. qu’ils
Ont négligé la partie de leur Art,
qui a pour objet la recherche des
çaufes des maladies ? les vérita¬
bles moiens deconlèrver la fanté,
iniquement occupés du foin d’i¬
maginer des fecreçs > ou des reme=
ccxxxij Pre’face
des , Se compofitions faftueufes
pour guérir les maladies de toute
efpece ; comme fi quelqu’un d'eux
pou voit ignorer combien leur puif.
lance eft bornée dans la guerifon
des maladies chroniques , ou ai¬
guës , opiniâtres, Se que la Nature
s’eft réfervé le privilège de les gue*.
rir privativement à l’Art !
Pour moi, j’avoue ingénuement
qu’on peut faire la Medecine de
différentes maniérés, ou en s’ap¬
pliquant uniquement au traite¬
ment des maladies, Se à la prati¬
que , ou en embraflant toutes les
parties de cet Art , qui peuvent
Contribuer à fa perfection. La pre¬
mière route eft bien plus abrégée ,
puifqu’elle ne demande point de
théorie raifonnée -, ni par eonfé-
quent la connoifîarice des fçiences,
qui fervent à l’appuier , c’eft-à-
dire, de l’Anatomie , la Phyfique,
la Chimie, la Méchanique, Se celle
de la méthode qu’on fuit dans
T >e l’Auteur, ccxxxiij
la démonftration. L’exemple des
anciens Médecins eft une preuve
parlante qu’on peut fe paflèr de ces
fciences pour exercer la Medecine.
11 eft d’ailleurs certain que le traite¬
ment des maladies ne demande
que la connoifîance de leur gé¬
nie , des différences des corps , 6c
des routes que fuit la nature, fou-
vent la feule , 6c toujours la meil¬
leure Medecine des maladies ai¬
guës, enfin de quelques remedes
doux qui la foulagent, 6c ne l’ac¬
cablent pas.
Mais je ne mets point à fi bas
prix le titre d? faofl , £ Ventâb'ê
Médecin. Je demande à -celui que
flatte ce titre , bien d’autres con-
noiflànces qui ne s’acquerent pas
f-tôt, ni fi aifément. Outre la pra¬
tique , Ôc Pexperience, que les dif
ferens caraéteres des maladies , 6c
des corps , rendent extrêmement
incertaine , 6c trompeufe, je veux
qu’il puife la certitude de fes opé-
TmeIIL u
ccxxxiv Pre’fà ce.
rations; dans les hiâoires, Scies ob-
fcrvations exactes des maladies
écrites , ôc comparées entre elles
avec foie , & jugement. Ce font
én effet les ckfs dés vérités médi¬
cinales j ce font elles qui ouvrent
le faneluairedé là nature, donnent
l’entrée de fes abîmes les plus pro¬
fonds , 8c découvrent fés mouvé-
mens ; 8c fëstfecrets, C’eff la qu’il
fàùraller rechercher les vraies cau-
fes , 8c les- eommeneemens des ma¬
ladies ,< leur génération , leurs dif-
ferens car acier es , leurs effets, les
mèiénS propireSafës prévenir, 8c à
y, remédier , les forces des ehofes
fiuiiiMéSi, 8c foliataites-, enfer c ? eft
là qp ’it faut puifordçs principes né-
ceffakes pqur; affooin un- jugement
foin furl-’évenement des maladies.
-Elles, ont. l’avantage, en effet ; de
rgnver&jE I les fouiËs: fpéeula tiens- >
les kvpotkefes qui. focoptredifent,
ks opinioiis, Ipsiidlions, &des-et-
reprs en matierodsMedecinp^ - i
D É * l’ Âü'T E ü R. CCXXXŸ
Mifô pour fee ; un ufoge raifon-
nabîe des observations , il faut être
muni des connoi (fonces nécdfoires
ÿë&r ëàr tirer parti. Et comme fans.
Fàÿfiqué, fans- Chimie*, fans Mé- 1
eisamiqué, iPefêimpoffibîe de cou-
nèi'tre les véritables califes de la
vie , dé la fonte 3 dé la mort , des?
maladies , Si de leur génération ÿ
On né pou rràfons le Secours de ceS
fiaênéésiæl^^ diffieufo
tes qui fé rencénétenC dans leshif-
toires des maladies y êc en difcuter
éXâêlemenf toutes- les eirconlïah-
ces, aligner, Si dëveloper les eau-
Ses dé ce qui eÉ arrivé y Si doit ar¬
river-, & enfin 1 trouver les remettes
convenables.
Jé dèmande encore au Médecin ,
qui veut s’acquitter dignement de
fa profeffion , qu’il Soit au fait des
dérangemens des parties extérieu¬
res , de la maniéré de les guérir ,
«tes moïens, Si des opérations qui!
fout emploïer fuivant les cas pour
ecxxxvj Pre’f ACE.
y parvenir } & par conféquent je
juge qu’il doit poffeder la Chirur¬
gie dans un degré éminent.
Enfin il y a dans la nature une
infinité de chofes qui peuvent eau-
fer differentes alterations à la fan-
té , & la déranger confidérable-
ment, foit qu’elles foient prifès
dans la clafïe des alimens, des élé-
mens , des médicamens , ou des
poifons s ou que ce foient les varia¬
tions de l’air , & une multitude
d’accidens de differente nature ,
dont il faut connoître à chacun en
particulier le cara&ere , les quali¬
tés, & les forces 5 afin d’être en état
d’en porter un jugement fain, fi
l’occafion s’en préfente.
C’eft forces fondemens que porte
toute la fcience-médicinale. Il eft
trifte fans doute que peu de per-
fonnes parviennent à réunir ces
connoiiïànces , & plus trifte en¬
core , que l’évidence de ces vérités
a’ait engagé que peu d’Auteurs à .
de l’Auteur, ecxxxvîf
travailler à mettre dans un ordre
naturel, ôc clair les principes de la
Médecine , 6c furtout de celle qui
a les maladies pour objet, & qui
en eft fans contredit la partie la
plus importante. Car quelle pro-
digieufe quantité ne voit-on pas
de Livres remplis de termes obf-
curs, êc où l’on cherche vainement
des idées claires , 6c encore mieux
une fuite de vérités, 6c la force des
démonftrations J
G eft pour remédier à ce def-
faut, que j’ai emploié le peu de
lumières qu’il a plû à Dieu me dé¬
partir , 6c celles qu’une longue ex¬
périence , êe un jugement mûri par
fâge peut m’avoir acquifes, pour
exécuter un projet conçu , 6c com¬
mencé depuis que je m’applique à
la Medecine, de rédiger cette fcien-
ee divine en un fyftême clair, ôc de
ranger fes vérités fondamentales
dans leur ordre naturel, fuivant la
méthode ufitée en matière de fcien-
CCXXXVlij P R E* F A G E '
ces , & de démonftrations. C’eft
dans ce dcffein que je donne au
Public cet Ouvrage, fur le but du¬
quel il ne me refte plus que peu de
chofes à remarquer.
J’ai' renfermé dans ce volume y
du mains je m’en flatte, lesfonde-
mens d’une Pathologie & d’une
Pratique raifotmées , dégagées; de
la Paiale^reEptrtieuiere ; M delà*
pratique que demande le traite-*
ment actuel des maladies, que je
donnerai , Ui.eur. aidant:, dans .le
volumeqmi furvraeelui-dn J’ai dtf-
trait de ce Traité ces déirx dernie^-
_res parties^afin qneice valnmepût
être lu, ; .relê médité fepatément
par les amateurs des ; verites medi- -
cinaies attendu qu’il jettera üm
très-grand jour fur îesrvoiumcs fui--
v-a0S j &; que par fon moïen on ex-
piquera plus aifément les luftoireg;
qui y feront rapportées j & qulofâ
en fera- plus sûrement: l’anplinâ.*-
tia»; ai
DE L’ÂÜ.TEÏÏL CCXXXix
Je me fuis furtout appliqué à
démontrer la maniéré donc les ma¬
ladies fe forment, & s’engendrent
dans le corps Humain , & les loix
fixes , & invariables des meuve»
mens , qui eairfent lès maladies, àc
détruifenc la nature, ou la conler-
vent, ô£ la débarràttent des mala¬
dies, afin de mettre le LedlCur en
état dfe nfieux dittingeer ceux qui
tendent an féulagement,, ou à la
dettrüéfcion. -
Je me fuis enfùke attaché à
mettre en évidence: là nature > 8s
les forces de tou telles chnfescon-
traires à la-fenté, des poifons
même-des médicamens , que- leur
grande énergie rend-dangereux;,
capables- d^etre fii nettes, afin d’aps-
E endie à-ceux qui traitent les ma-
lës-a %re circonfpeébs, dans l ? u~
làge des remedes qui peuvent aug¬
menter les cailles des maladies ^
eaulèr la mort 5 ou- même Fa-
v-ancer*
GCxl PRÉFACÉ
J'ai expliqué clairement l’orb
gine de toutes les maladies, en
remontant à quelques principes
clairs , & des plus, (impies, c’efl-à-
dire , aux defïauts, ou au manque
des chofes qui doivent entrer dans
le corps, ou en fortir. Car comme
on jouit d’une fanté entière , 6C
parfaite , tant qu’il y a une jufle
proportion entre ce qui entre dans
le corps, 8 c ce qui en fort , auffî
efl-il prouvé par une expérience
confiante que la diminution, ou la
fuppreffion des excrétions fait ger¬
mer lescaufes des maladies, 8 c les
produit, fi l’on n’en procure le ré-
tablifïement. Combien cependant
de génies du premier ordre fe font-
ils fatigués à découvrir les caufes
des maladies , ou pour mieux dire,
à les imaginer, 8 c à les rapprocher
des hypotefes qu’ils a voient defïèin
d’établir , ou adoptées , 8 c fou-
vent en les tirant de fort loin, pen¬
dant qu’ils négligeoient les caufès
manifeftes,
de l’Auteur, ccxlj
manifeftes, &: qui tombent fous les
fens 2
T ai aufîi fait voir dans cet Ou¬
vrage, que le foier, & la miniers
des maladies fe trouve principale¬
ment dans le canal inteftinal, ou il
fe forme de la corruption que caufe
le trop long féjour des differentes
liqueurs qui s’y ralTemblent, & que
les maladies y établirent leur do¬
micile fixe , ôe leur fîege.
J’y fais voir encore que les pafi-
fions aiguës , 6 c les mouvemens
qui fe font dans les maladies ,
comme font les fièvres , les fpaf-
mes , les douleurs , les inquiétu¬
des , les mou vemens convulfifs ,
font des affections des parties mo¬
trices du corps, & que les caufès
pernicieüfes des maladies agiflent
premièrement fur ces parties, qui
ont une relation réciproque entre
elles , de font d'ailleurs les orga¬
nes dès mouvemens , ôc des feu-
timens.
Tome IIL
%
ecxlij Préface
. Je démontre auffi que le rallen-
tiüemenc du mouvement du fana
produit la pléthore , & l a caco¬
chymie , caufes les plus étendues
fartout des maladies chroniques/
Enfin , je termine cet Ouvrage
par quelques préceptes , & quel,
ques régies , qui indiquent des
moïens aifés pour fie préferver des
maladies. Car je ne me luis point
écarté dans cet Ouvrage du but
que je me fuis propofe dans tous
ceux que j’ai donnés jufqu’à ce
jour, c’eft-à-dire, d’appuier, & de
réduire en fcience fondée, finté-
refïànte partie de la Medecine qui
enfeigne la maniéré de le garantir
des atteintes des maladies. Je laifie
a juger au Leébeur, fi, abandonné
a moi-même ? puifque perfonne
n a couru cette carrière avant moi,
j ai eu béioin d’un grand travail ,
& d une attention confidérable ,
pour ranger tous mes matériaux
tous les titres 3 dans l’ordre qui
t> E l’Auteür. ecxîiij
leur convient naturellement. Or,
qu’il foit difficile , & épineux de
mettre en ordre une fci en ce, pour
ainil dire , inculte , & dont les
principes n’ont aucune liaifon ,
c’eil: ce que jugeront fans peine
ceux qui ont eu la hardieife de
faire de pareilles tentatives.
Je répété donc ici ce que j’ai
dit dans mon premier Tome, que
j’y emploie la maniéré de démon-
trer'dont les Mathématiciens font
tifage; par ou je n’ai pas prétendu
faire entendre que je diftribuerois
chaque fujet que je dois traiter ,
en définitions , axiomes , theore-
mes , problèmes , corollaires /de¬
mandes , obfervations , comme
certaine perforine l’a ridiculement
psnfe ; mais que ' j-établirais des
vérités faciles , (impies, ôC claires,
dont l’arrangement, la difpofition,
la connexion donneraient lieu de
déduire l’inconnu de ce qui ne le
feroit pas.
ccxliv Pre’fàce
J’ai évité dans cet Ouvrage ;
comme dans les autres, de fuivre
fervilement, & en aveugle , fans
réflexion , ni raifon, les ientimens
des autres, comme fl c’étoient des
oracles. La réputation des Auteurs
ne ma point empêché d’examiner
leurs fentimens. J’ai toujours ufé
de la liberté qu’ont tenu les hom¬
mes de pefer, & les façons de pen¬
ser , & la force des raifons. La pierre
de touche qui m’a fervi à décider
de leur mérite, efl: les obfer varions
de pratique 5 avec ce guide j’ai pro¬
noncé fur la vérité' la faufleté, la
fuppofltion des principes , êc fur
ce qui mérite d’être appliqué à la
pratique. J’ajouterai que je ne con-
nois point de meilleur moien de
connoître la vérité , & même que
c’eft le ièul ; bien qu’il foit ignoré
de^ ceux qui ne font faits que pour
fuivre les autres, & non point pour
obferver, ou réfléchir.
Il eft bon que j’obferve encore
dé l’Adtéur. ccxlv
que je me fuis écarté dans cet Ou¬
vrage , ainfi que dans les autresde
plufieurs fentimens que j’avois
adoptés autrefois -, conduite qui
m’a paru la plus propre à la décou¬
verte de la vérité dans les matières
difficiles , & qui -n’ont j’amais été
rédigées dans un ordre diftinct, ni
rapportées à des principes folidesj
conduite , la feule convenable à la
candeur dont les Gens de Lettres
doivent faire profeffiom Rien donc
de plus mal fondé que le reproche
d’inconftance qui m’a été fait il y
a quelque tems, fur ie fondement
des changemens fréquens qu’on re¬
marque dans mes fentimens. D’ail¬
leurs > autre chofe eft de changer ,.
ou plutôt de perfectionner des fen¬
timens fujets à difpute, & qui font
de peu d’ufage dans cette fcience,
ou d’être toujours indécis fur les
vérités d’un grand ufage. Et com¬
me il efk deshonorant de s’attacher
opiniâtrement à des fentimens corn
x iij
ccxlvj pRE’FACE
vainciTS de fauiïètél’honneur, &
laflncerité demandent qu’on quitte
le moins bon pour le meilleur. Je
ne prétens point vanter mon tra^
vail. Je fais trop combien peu je
fuis en état de remplir fon objet ;
je me flatte feulement que les juges
éclairés, èc impartiaux, èi les ama¬
teurs des vérités médicinales , me
fauront quelque gré des foins que
j’ai pris pour leur préienter un Ou¬
vrage moins défeeteux que ceux
qui ont paru jufqu a ce jour fur la
Pathologie. J’ai de plus un titre
pour demander l’indulgence des
Lecteurs. Après l'honneur d’efti-
mer la vérité, j’ai toujours mis ce¬
lui de juger avec équité, & modé¬
ration , ÔC j’ai toujours regardé
comme - un defîàut puniflàble , èc
furtqut entre Chrétiens, la mali¬
gnité avec laquelle quelques Gens
Lettres déprifent des Ouvrages
qu’ils ne font point en état de faire
meilleurs , ôcavec laquelle ils s’at-
de v Auteur, ccxlvij
tachent à décrier les Auteurs, & à
faire tort à leur réputation. Pour
moi , je me fuis mis au-defïus des
croademens de ces corbeaux en¬
vieux ; je les méprife autant qu’ils
le méritent, & je. me tranquillife
fur les jugemens avantageux qu’ont
daigné faire, de mes Ouvrages beau»
coup de grands hommes, qui ont
coutume de diftinguer le vrai du
faux , la lumière de l’obfcurité ,
l’utile d’une vaine fpéculation, ÔC
les caiifes évidentes, & d’nfage des
inconnues, & éloignées. Voilà les
jugemens dont je m’embarradè' - 6c
dont je tire ma gloire. Il ne me
refie qu’a fouhaiter au Ledkeur ,
quihfe ferve de cet Ouvrage en
parfaite fanté, & à l’aflurer , que
i e ne lui ferai pas long-tems atten¬
dre la fuite , s’il plaît à Dieu de
me conferver la vie.
ccxlix
TABLE
DES CHAPITRES
Contenus dans cetroifiéme
Volume*
P Réface du Traducteur, page j
Mémoire pour fervir a la Vie de Monjieur
Frédéric Hoffmann, XXÎ ]J
Dilfertamn' de M. Hoffmann Jervant de
Préface à la Collection de toutes fes Oeu¬
vres y ou l’on examine les differens états
de la Meiecine 3 & des Médecins , &
tes marques aufquelles on peut reconnaître
un bon 5 & habile Médecin , cxxvi)
Préface de T Auteur. 3 ccxxix
PROLEGOMENES.
Sur U nature de U maie ?athalogie,
fes Fondement, Cufage des Obfer-
tel TABLE
vétions Médicinales , & k préja->
dice que caufent les hjpothefes.
Chapjtre I.
F la Nature , la Définition, & des
•&-/ Fondement d’une vraie Pathologie
Médicinales , page i
Chapitre IL
Du préjudice que les hypothefes caufent a la
Medecine , %~j
Chapitre III.
Des vérités fondamentales de la Pathologie ,
qu’il faut tirer de la Phjfiologie , - $ 7
LA PHILOSOPHIE
DU COKPS HUMAIN MALADE,
Ou la Pathologie générais.
PREMIERE PARTIE.
De la nature de la Mort , des Ma¬
ladies , & des mouvement Malar
DES CHAPITRES, ccïj
difs , & des loix que fuit la Na¬
ture dans la génération des Mala-
die s , des Symptômes, & des eau -
fes des Maladies.
Chapitre I.
T\ E l * nature , & des caufes de U mort,
' ^ S>i
Chapitre IF.
De la nature des Maladies 3 & des Symp¬
tômes , y T ;,
114
Chapitre IIL
Des toix des mouvemens qui fe font dans le
corps humain 3 & de la marnere dont ils
produifent les maladies 3 & les fÿmptô-
SHPC JJ 1
E|n de îa Table des Chapitres»
cclij
Errata du troifiérne Tome.
Page ij. ligne i. difant, lifés , dit fans. P. iij.
I. 1 3. nos. lif. mes. P. xxv. /. i. requérir, lif. ac¬
quérir. P. xxxj. /. J. Laurent, lif. Laurea. P. xcj.
/. 10. Vie, lif. Pie. P. ciij. /. 1 6. pour, l. pourvu.
P. eexiv./. 6. fait, lif. fait. P. eexx. L 19. ap.
plication, lif. explication. P. 16. L 17. difïç- ■■
rente, ///i different»
PROLEGOMENES
LA MEDECINE
R A I S O N N E’ E
D E
M> FR, HOFFMANN.
4N -W.W. 1# W. W. W. W;
PROLEGOMENES.
Sur la nature de la vraie Pathologie y
fes Fondewens , Puf âge des Obser¬
vations Médicinales 5 & le préju-
• dice que caufent les hypothejes.
CHAPITRE I.
De la Nature , la Définition , & des Fonde-
mens déune vrais Pathologie Médicinale.
L {jggyaS Bg A Phyfiologie, comme on
5 a vû plus haut, affigne les
PB wÊMrn .raies caufès de la vie, &
ae j a f ant £ } tj es mouve-
mens qui confervent notre corps } &
Terne III. A
2. La Medecine
en explique la nature & lufage ; l’Hy-
gienne donne des régies fur lufage des
chofes non naturelles, qui confervent
la vigueur des mouvemens vitaux ;
l’objet de la Pathologie eft de déduire
du renverfement de l’ordre de ces
mouvemens , les vraies çaules de la
mort, & des maladies, & des effets
de ces dernieres ; & celui de la Théra¬
peutique eft de faire rentrer dans l’or¬
dre ces mouvemens dérangés, ou d’en
prévenir le dérangement par le moïen
des fecpurs qu’elle indique,
ScHÛLIE.
Il eft donc évident que les différen¬
tes parties de la Medecine font fi étroi¬
tement liées, qu’on ne peut avoir une
Intelligence exacte & parfaite de l’une,
|àns l’avoir également de l’autre. Il eft
cependant vrai qu’on doit regarder la
Phyliologie, ou là connoiftance exaéte
dù corps humain vivant & foin > com-
me la fource & la bafe des autres par¬
ties de la Medecine. Cette relation fl
étroite , & même fi néceflàire entre
ces parties s produit un autre bien ; en
prouvant fumfomment la certitude de
notre Art. & le rendant fufceptibledg
^AïSONNsfe, 3
dêmonftration. Car une démonftra*-
tion n’eft autre choie qu’un ordre } 6c
une liaifbn convenable entre differen¬
tes propolitions.
II. La vraie Pathologie eft une fcien-
ce qui décrit méthodiquement, c’eft-
à-dire, dans Tordre 6c la liaifon con¬
venables , l'origine des maladies, leur
génération, leur progrès, leur carac¬
tère particulier, 6c les raifons de leurs
fymptômes & de leur événement 9 des
hiftoires complettes de ces mêmes ma¬
ladies, de la nature & des loix des
mouvemens qui s’obfervent dans l’œ-
conomie animale, 6c qui en fait l'ap¬
plication à la pratique Médicinale ,
au grand avantage du genre humain.
III. Cette définition tirée du fond
de la chofe même, met en évidence la
différence de la vraie Pathologie, 6c
•de la Pathologie d’imagination. L’une
eft fondée fur des obfervations com-
plettes 6c exades , fur dés principes
anatomiques, clairs & certains, & fur
la connoiffance des mouvemens qui le
font dans le corps ; d’où elle tire des
conféquences très-utiles dans la prati¬
que : l’autre, aufli commune que fu-
perficielle s ne s’appuie que lùr des ex-
4 , La Medecine
périences particulières, fur des obfer-
vations imparfaites, fur des opinions
très-douteufes 9 ou même de pures fup-
polirions, qui ne peuvent procurer à
notre Art aucun avantage folide, ou
dçlirable, &: dont il puilfe faire ufage.
SçHpL I/E»
La vraie Pathologie eft auffi éloi¬
gnée de celle qui eft fondée fur des
fuppofjtions, que la fcience l’eft de
l’opinion. C’eft ce qu’Hippocrate fait
allez fentir, quand il dit ; ce font deux
chofei très-differentes que la fcience & l'opfi
nion. Car Vune fait favoir , & l'autre igno t
ter. (a) C’eft daps le même fens qu’il
dit ailleurs , on ne peut trop blâmer ceux
qui fi livrent à l'opinion en fait de Médecine ;
& ceux qui ont la hardieffe $ en faire les
éprouvés fur eux-mêmes , en font punis par
fis effets pernicieux, (b)
IV. La vraie Pathologie a deux fom
demens 5 l’un eft une hiftoire complette
(à) Duo funt fiientia & opinio ; quarum al¬
téra quidem fcire facit , altéra vero ignorart .
Hipp. Leg. f, j.
! b ) Opinio in Medicina maxime in crimen
vertitur eam adhibentibus. Ris vero qui ea in fi
ufi funt perniciem afert . Hipp, Lib. de Dêcenh
#rnat, §. 4, . • .
' RAlSOÜNl'i. " $
de toutes les maladies, 6c de chacune
d’elles en particulier , qui réfulte de
beaucoup d obfervations 6c de remar¬
ques circonftanciées ; le fécond, eft une
connoiflànce approfondie de la ftruc-
ture de notre corps , de fes mouve-
mens, 6c de toutes les chofés qui peu»
vent changer fon état.
ScHOIIL
Deux fortes de vérités concourent
néceflàirement à former une vraie Pa¬
thologie 3 les unes font des vérités de
fait, ou des descriptions de ce qui eft
arrivé, faites avec toutes fes circonfo
tances, quant à la liaifon, l’ordte, 6c
le tems 3 les autres font des vérités de
démonftration , ou de raifonnement,
qui , fur le fondement de principes
clairs 6c connus, établiffent les caufos
des phenomenes 6c des effets quelles
ont produits, la maniéré dont ils l’ont
été, 6c les fins pour lefquelles ils l’ont
été 5 6c qui fur le même fondement
établiffent des Theoremes, ou Axio¬
mes , dont l’utilité eft, quand on en
fait faire ufage, de paffer de ce qui eft
connu à ce qui ne l’eft pas. Les uns
font les enfans de la mémoire, 6c d’une
A iij
€ LaMedecïhe
exadê attention 5 mais les autres vien¬
nent de Inintelligence, qui fait former
un raifonnement folide fur Fhiftoire
complette d’une maladie, c’eft-à-dire y
rapportée avec toutes Tes circonftan-
ees j ou <|ui comprend fa naifîànce >
fon progrès, & fa fin.
V. Les hiftoires exades des mala¬
dies , êc les obfervations faites avec
foin font le premier , & le principal
fondement de la Pathologie, delà
Thérapeutique.
S c h o l 1 e.
C’eft d’obfervations exades & répé¬
tées que fe forme enfin la vraie expé¬
rience , qui eft famé de la Médecine *
l’ornement, & la perfe&ion du Méde¬
cin. La Patholpgie & la Thérapeuti¬
que qui ne s’appuient pas fur la foi des
obfervations, portent en Pair. Il n’y a
même pas de doute que les obferva¬
tions ne foient infiniment plus utiles
que les raifbnnemens pour perfection¬
ner la Medecine ; parce qu’il arrive
tous les jours dans l’homme des chofes*
dont on ne peut découvrir la véritable
caufè. Pour moi j’eftime que fi l’on
veut porter la Medecine au point da
AAI5 G SS - f
perfection dont elle eft fufceptible, if
faut fuivre l’exemple des célébrés Af-
tronomes de notre tems , qui , par
l’exaéte comparaifon dés obfervations
qui ont été faites en différens tems fur
les mouvemens des Àftres font parve¬
nus au point de déterminer leur cours j
de leurs différentes portions refpecli-
ves même cent ans auparavant ; & je
fuis intimement perfuadé que,fi les Mé¬
decins obfervent avec attention tout
ce qui a rapport à la production, au
cours, & à la cure des maladies , s’ils
mettent leurs remarques fur le papier *
pour être en état de fe les communia
quer, ou qu’ils les rendent publiques *
notre art acquerera une certitude par¬
faite, non-feulement pour prédire, &
détourner les maladies, mais pour les
guérir avec toute la dextérité poffible,
& prédire tout ce qui arrivera pendant
leur cours.
VI. Pour tirer des obfervations Me»
dicinales tout le fruit qu’on a droit
d’en efpérer , il faut qu’elles foient
compîettes , entières , de fans omif-
fion d’aucune circonftance qui mérite
attention.
I
La Médecins
S c h o l i e.
Les Médecins doivent imiter la con¬
duite des Jurifconfultes. Quand on
propofe une queftion à Ces derniers, il
faut que lelpece fort parfaitement
éclaircie, c’eft-à-dire, qu’onnomette
aucune des circonftances qui peuvent
changer la nature de la queftion ; fans
quoi leur confultation eft illufoire ; de
même les Médecins ont befoin d’un
détail circonftancié, & complet, pour
affeoir un jugement certain, & folide.
Car fouvent une feule circonftance eft
d’une extrême confidération. Nous ne
pouvons donc rechercher avec trop de
loin les obfervations exades, & com-
plettes , dont le nombre eft extrême¬
ment petit , malgré la foule innom¬
brable d’Auteurs qui ont écrit fur la
Medecine.- En effet s fort qu’on parle
des Auteurs Anciens, ou Modernes, il
eft également vrai de dire qu’ils ont
peu ra malle de ces obfervations qui
peuvent contribuer à perfedionner la
Medecine.
VIL On ne peut faire une hiftoire
exade de chaque maladie,fi elle ne ren¬
ferme unedefcriptîon complette
RAIS O N N l r t. 3
taillée du fujet qui en eft attaqué.
S e h o II E.
Le premier pas, qui me paroît e£-
fentiel, quand on entreprend de trai¬
ter un Malade, eft de connoître exac¬
tement ce que le fujet a de particulier.
Je dis que cette connoifîànce eft effen-
tielle ; & voici fur quoi je me fonde ;
c’eft que la même maladie, & la mê¬
me caufe qui la produit, donne nâifi-
fànce à des fymptômes & des effets
extrêmement différens, fuivant la dif-
pofition du fujet. 11 en eft de même
des caufes des maladies, que d’un cer¬
tain aliment, médicament, ou poifon
déterminé, dont les effets & les opé¬
rations varient infiniment, fuivant la
différente difpofïtion du fujet ; car les
caufes morbifiques, quoique de même
caraétere , produifent des maladies 9
qui, bien que les mêmes au fond, ont
les dehors tout différens, foit à raiforx
des accidens, du danger, ou de la gué*
rifbn, fuivant que le Malade eft cons¬
titué. Cette remarque eft fondée fur
un principe philofophique qu’on ne
peut fe rappeller trop fouvent, que les
forces qui font agir les corps ne font
ïô La Medecine
point abfolues, mais font Amplement
relatives, & conditionnelles, & reçoi¬
vent des modifications extrêmement
différentes, fuivant la différence des
corps fur qui elles agiffent, ou qui ert
reçoivent les impreffions. Mais, pour
développer la difpofition intérieure
d’un fujet, il ne fuffît pas d’en favoir
l’âge, le fexe, la ftru&ure de lès par¬
ties , le tempérament, les forces, la
difpofition héréditaire à certaines ma¬
ladies , le genre de vie, les mœurs, &
les habitudes, il faut encore favoir quel
eft, ou a été, î état de toutes les excré¬
tions , de quelles maladies le Malade
a été précédemment attaqué, fi elles
ont été parfaitement guéries > fi elles
ont laiflè une foibleffe dans quelque -
partie , & une difpofition à quelque
autre maladie, enfin qu’elle en a été la
crilè. Il eft encore important d’obfer-
ver quel eft l’état du fang, c’eft-à-dire,
s’il eft en trop grande abondance, ou
trop gâté, quelle eft la difpofition des
vifeeres, & du genre nerveux, forte ,
ou foible ; la combinaifon que fait un
Médecin judicieux de ces différentes
connoiftànces eft d’un extrême ufage
pour connoître , diftinguer s ôc guérir
RA î SONNE'E. ï!
les maladies, & furtout indifpenfable-
ment néceflàire pour tirer parti des ôb-
fervations que les autres ont faites.
VIII. Il faut pour que les oblèrva-
tions des Médecins foient utiles, qu 5 el¬
les contiennent lefpece & le caradere
de la maladie , fon origine , fes pro¬
grès , & les différentes caufes qui ont
concouru à fa production*
S C H O L I E.
Quand on connoît la difpofition du
corps du Malade, le premier foin dis
Médecin doit être de connoître le gen¬
re , le caradere , & les caufes de la
maladie. Car chaque maladie a fon ca¬
radere particulier & propre, &, pour
ainfi dire, la marche particulière ; pudi¬
que non-feulement elle garde un cer¬
tain type, de certain tems, un ordre *.
des périodes réglés dans fes commert-
cemens, & fon augmentation ! qu elle
fe termine de certaines maniérés , par
de certaines voies, ou excrétions ; mais
que chacune d’elles a fa maniéré par¬
ticulière de déranger, ou de renverfer
les moüvemens, & les adions naturel¬
les , ou de produire des fymptômes »
ce qu’il faut bien, connoître x §c diftin-
Î2 . La Médecine
guer, pour bien connoître, & diftJrt-
guer les maladies. Il faut auffi f âV oir
les fautes qui ont été commifes dans le
régime, & l’ufage des chofes dont no-
tre corps a tous les jours befoin pour
fa confervation, parce qu’elles aident
merveilleufement à connoître le com¬
mencement^ I’originedes maladies,ce
qui eft d’un très-grand ufage pour s’en
préferver. Il faut furtout s’appliquer
à découvrir les caufes prochaines des
maladies ; car c’eft un principe confiant
parmi tous les Philofophes, & Méde¬
cins , un principe même qui a toujours
été regardé comme tel, que, quand
elles font découvertes , on a trouvé la
maniéré de guérir. C’eft ce que dit ex-
preffément Hippocrate , fi Von connoît
bien les caufes des maladies , Von eft en état
de donner au corps les fecours dont il a ht-
foin j ceft-a-dire , de leur oppofer leurs con¬
traires, (a)
IX. Il faut que les obforvations des
Médecins contiennent les opérations
des remedes qui ont été emploies, fi
(a) Si qui s caufas corperis affeSH probe cogne-
•verit, in quoque potens eft eu ajferre que. corport
commodem , nimirum contraria . Hipp. Lié, de
ftatib. §. 3. rr
RAISONNE^. ïf
l’on veut qu elles contribuent à rendre
la maniéré de guérir plus aifée, & plus
fûre,
SCHOLIE.
Rien ne peut mieux contribuer à
augmenter i utilité & la dignité de la
Médecine, qu’une connoiffance exade
delà force & des opérations des reme-
des qu’on y emploie. Car elles font
très-différentes, foivant la différence
des corps, des temperamens, des ma¬
ladies , & des tems. Car chaque re -
mede, &: furtout les plus forts, ont
une maniéré particulière d’agir, & d’o-
perer, que le Médecin doit connoître
avec la derniere précifion. En.effet,
j’eftime qu’on n’a droit de prétendre
au titre de Médecin , que quand on
fait préparer des remedes choifis, êg
qu’on lait parfaitement leurs vertus,
& leur maniéré d’agir dans une infinité
de cas três-différens, afin qu’en confié-
quence il puiflè s’en fervir avec juge¬
ment. Car il n’y a point de médica¬
ment qui ne fbit auffi difpofé à faire
mal que bien, félon la main qui l’em¬
ploie. Hippocrate a donc grande rai¬
son de recommander fort expreffçmenf
ï4 La. Médecine
aux Medecins .de faire une étude par¬
ticulière des vertus des médicamens.
Aies foin 9 dit-il , devous fouvenir des mé¬
dicamens , de leurs facultés connues par tra¬
dition , ou par les livres.. Souvenez.-vous aujfi
de ce qui appartient a la cure des maladies,
de la forme qu’elles ont prife , des changement
qu’elles ont foufferts , & de leurs différentes
maniérés d’être dans les différent fujets. Car
ce fi le commencement , le milieu } & la fin
de la Médecine, (a) '
X. L’ouverture des corps morts de
chaque maladie eft extrêmement utile
pour en donner une hiftoire complette.
S € H O X I E.
11 ferai t difficile d’imaginer un moïen
(a) lirmd memoria tenete médicamenta, &
fimplices facultates , & defcriptas ,fi modo taies
exiftant. Sint in memoria tïbi morbdtum cu-
ratianes , & horum modi , quotupliciter , & quo-
modo infingulis fefe haheant. Hoc enim princf
pïum efi in M.edicina , medium > & finis. Hipp»
Lib. de Decent. ornât . §. 8. Le mot fimplices étant
mis en oppofîtioa avec defcriptas , qui lignifie
écrites dans les livres, j’ai cru ne pouvoir le ren-
àreraifonnablemçnt qu en difant connuéspar trn -,
dition. Au refte , quelque Toit le lèns de ce mot »
il eft peu interelTant-de le rendre. Il fuflît que le
fond de la penfée foit rendu. Le Grgc ne
fourni aucune lumière.
râisonne'e. ï£
|>lus propre à découvrir les caufes des
maladies, ck de la mort , que l’ouver¬
ture des corps qui font morts de ces
maladies , quand elle eft faite par une
main habile. Car quoique tout ce qu’on
découvre dans ces. ouvertures ne foit
pas toujours la caufo première , ou pro¬
chaine, des maladies , que fou ven t il
foit l’effet de ces caufes, & de la mort
tnênîe ; il arrive pourtant allez fré¬
quemment qu’on y trouve les -caufes
des maladies & fymptomes extraordi¬
naires. Je fuis témoin d’une infinité de
cas où des plus célébrés Médecins fo
font trompés en affignant des caufes de
maladie fort éloignées de la vérité ,
comme Touverture l’a fait voir. Car
on a trouvé dans les fujets des concré¬
tions polypeufes dans le cœur ou les
grands vaiffèaux , des abfcès dans le
mefentere, des pierres dans la veficule
du fiel, ou la veflie, des vaiffèaux fan-
guins ou lymphatiques ouverts , des
gonflemens confidérables de glandes ,
des vifoeres corrompus, l’uterus crevé,
tous accidens qu’on ne foupçonnoit
feulement pas auparavant. On ne peut
donc trop recommander aux Mede-
.©ns habiles en Anatomie d’ouvrir les
1 6 La MEDECINE
çorps des perfonnes mortes, parce que
c’eft un moïen de découvrir les caufes
des maladies ; or la çonnoiflance de
leurs vraies caufes, &: l’adminiftration
prudente des remedes, font les deux pô¬
les fur lefquel.s tourne toute la Méde¬
cine.
XL Les pbfervations exades des
Médecins procurent beaucoup, & de
très-grands avantages à'notre Art, en
contribuant à fa certitude ? & à fa pet”
fedion.
Se h o LIE.
: En effet, il n’y a pas d’autre voie,
oü d’autre méthode, pour parvenir à
diftinguer les différentes efpeçes des
maladies , & leurs caufes , qui dif¬
férentes auffi beaucoup les unes dey
autres, qu’en multipliant les bonnes
obfervations. 11 n’y en a point auffi de
meilleure, & de plus certaine, pour
former un prognoftic prudent, ou un
jugement fur i’évenement des mala¬
dies 5 & cette connoiffançe contribue
infiniment à la réputation, & a la per-
fedion du Médecin. Car combien ne
trouve-t’on pas dans Hippocrate , &
les Anciens, de régies, qui, loin de
devoir
RAISON Ne'e. ÏJ
devoir être regardées comme des axio¬
mes , ou des aphorifmes, font abfolu-
ment fauflès, & trompeufes ! La rai-
fon en eft très-fimpîe ; c’eft qu’elles ne
.font point tirées d’hiftoires complettes
des maladies, mais de quelques frag-
mens, où les circonftances eflfentielles
ne fe trouvent pas : pour perfectionner
donc les réglés des prognoftics, il faut
amafîer beaucoup d’obforvations exac¬
tes, & où Ion ne defire aucune cir-
confiance intereffonte. On ne fouroit
dire combien d utiles corollaires pour
l’ufoge, foit à raifon de la méthode de
guérir, de l’application des remedes *
& de la connoiffîmce de ce qui peut
être utile en l’un ou l’autre cas, peu¬
vent fe tirer des obfervations de cette
efpece. Il né faut donc pas que le Mé¬
decin perde jamais de vue les obferva¬
tions , & les expériences , de quelque
petite confequencequ elles puiflent pa¬
raître. Pour moi je n'e laiffè guère paf-
fer aucun fait de Medecine fans y faire
attention ; parce qu’il ne s’en préfente
guère qui ne ferve à mon inftru&ion >
ne fut-ce qu’en fervant de confirma¬
tion à ce que je fois, ou que,j’ai déjà,
découvert.
Tome ILL B
i§’ La Médecine
XII. Les obfervations médicinales^
ainfi que les hiftoires exa&es des ma¬
ladies font extrêmement propres à dé¬
cider du mérite des hypothefes médi¬
cinales qui fe contredifent , de celui
des différens fentimens , & même à
terminer les difputës qui furviennent
dans la pratique»
SCHOLII.
On peut dire de la Medecine plus
que de toute autre fcience, qu’elle eft
noïée dans de pures fictions, des dif*
putes , & des opinions particulières à
quelqu’une de fes feétes» Or je ne vois
pas de meilleure manière de Ibrtir de
ce labirrnthe de contrariétés, que de
les eflaier à la pierre de touche des ob¬
fervations médicinales,, qui renfer¬
ment l’ordre immuable que luit la na¬
ture dans ce qui concerne la vie , te
tenté, les maladies. Pour lors leur fté-
rilité fautera aux*yeux, quand on verra
à combien peu de phenomenes & de
circonftances ils peuvent fournir d’ex¬
plication. Combien n’y a-t’il pas de
différens fentimens fur l’ufage des re-
medes les plus efficaces de la Medeci¬
ne , comme la faignée 5 . les cautères *
K A ï S O K N E*E« ï 5
les veficatoires, les purgatifs , ceux ti¬
rés du pavot , le quinquina, les Tels
volatils , les martiaux 1 Les uns les
donnent pour des fpécifiques dans cer-
. taines maladies, les autres les y trou¬
vent extrêmement dangereux, inuti¬
les , ou même funeftes ; & tous en ap¬
pellent à 1 expérience , qu’ils citent
pour garand de leur fentiment. Il n’y
a pas d’autre moïen de fe tirer de cet
embarras, que de confulter des obfer- s
varions faites avec toute l’attention né-
cellàire fur les maladies où ces médi-
camens ont été nuifibles ÿ ou falutaires»
Car alors on verra clairement que ces
différens effets ont été caufés par les
différentes circonlfances où le Malade
s’eft. trouvé , qu’ils ne font point nuifi-
bies en eux-mêmes, & que c’eft à la
mauvaife application qui en a été faite 3 ,
qu’il faut s’en prendre de leurs mau¬
vais fuccés.
XIII. Le fécond fondement de la
vraie Pathologie, & de la vraie Thé¬
rapeutique , eft la connoiffance exaâre
de l’anatomie du corps humain, ôc de
la Méchanique quy fuit la Mature^
20 La Medecinsï- -
S C H O L I E..
Notre corps eft une machine que
Dieu a faite avec un art infini, & une
fageffe merveilleufe , pour produire
des mouvemens convenables à l’arran¬
gement de fes parties. Le Médecin ne
peut fe difpcnfer de les connoître par¬
faitement ; puilque ce font eux qui
confier vent la vie , &: préfervent notre
corps de la corruption à laquelle il a
de kii-mêmo tant de difpofition 5 que
ce font eux qui-règlent toutes fies ac¬
tions conformément à l’ordre * &: à
l’inftitutîon divine, c’eft-à-dire, qui
donnent la fianté •> qu’enfin ce font eux.
qui par leur dérangement , ou leur defo
truétion totale caufont les maladies
meme la mort. La connoiflànee de ces
mouvemens. eft encore néceffaire aux
Medecins,parce quede leur étatdépend
l’explication de tout ce qui arrive dans,
le corps malade ou en fanté, & de tout
ce qu on lit dans les hiftoires des mala¬
dies. Et c’eft ce qui fait que tous les Mé¬
decins Modernes recommandent fans,
celle de recourir toujours aux principes
Méchaniques ; tandis que les ouvrages
desAnciens nous renvoient uniquement
RAÎSONN e'e. 11
aux différentes qualités & températu¬
res de la matière, fans jamais parler
du mouvement, qui eft cependant le
premier principe de la Méchanique. Il
eft donc évident que rien n eft plus
utile pour fie perfedionner en Méde¬
cine que d'avoir une connoifîànce exac¬
te de la Méchanique, èc de la Phyfi-
que, qui comprend auffi la Phyfiolo-
gie du corps humain.
XIV. Quand on fait bien l'Anato¬
mie , & la Méchanique de notre corps,
on eft très-capable de donner l'expli¬
cation de beaucoup de difficultés, 8 ç
de phenomenes obfcurs qui fe paffent
au-dedans de nous-mêmes.
SCHOLIE.
Je conviens volontiers que la Mé¬
chanique du corps humain eft infini¬
ment mpérieure à celle des machines
faites de main d'homme., Audi les con-
noiflànces de l’Etre fouverain furpaf-
fent-elles infiniment les nôtres. Ne
nous flattons donc pas de développer
les reflorts des corps vivans avec la
même précifion avec laquelle nous
pouvons développer ceux de nos ou¬
vrages. Cependant nous devons don-
ii La Mf.de cïné
ner tous nos foins pour condbftre-ïes
loix du méchanifme, la maniéré dont
il fe fait, les raifons de fes phénomè¬
nes , aufïi parfaitement que la foiblefle
de nos lumières peut nous le permet¬
tre ; bien qu’il en doive toujours relier
d’inexplicables. Caron ne fauroitdou¬
ter que des avions, qu’on dit venir de
l’àme, n’aient leur origine dans un mé¬
chanifme 3 très - délicat à la vérité>.
mais cependant méchanifme vérita¬
ble , c’efl-à-dire, fans une difpolitioii
du cerveau, quand on voit fur tout que
les inclinations, les habitudes, les dé¬
lits , les vices, les vertus , la prudence
même , & la folie dépendent telle¬
ment du méchanifme „ & de l’état du
fang , quoiqu’on ne ptrifîè expliquer
comment cela fe fait, que le régime
& les médicamens y peuvent apporter
des changemens eonfidérables.
" XV. "Il n’appartient qu’au Phyff-
cien , & au Méchanicien, de recher¬
cher la caufe des changemensdes dé-
rangemens } des maladies que produit
dans notre corps l’ufage des chofes-
corporelles dont nous avons continuel¬
lement befoin pour entretenirou ré¬
tablit notre Xante.. . i
m.Ai sonkê'e* 25
S C H O L I E.
II eft évident par toutes les remar¬
ques que nous avons faites que la con-
noiflànçe de la Phyfique eft d’une ex¬
trême utilité pour parvenir à la décou¬
verte des vérités médicinales. Ceft ce
que les plus habiles des anciens Méde¬
cins, je dis même des premiers tems *
au nombre defqtrels 011 nè balancera
pas fans doute a mettre Hippocrate s
ont penfé comme nous. Je. n’en veux
pas d’autre , preuve que fes Traités de
Phyfique , fur la nature de- l’homme , le
cœur , les lieux dans l’homme , les vents , les
différons régimes , la nature de l’air , des
eaux , & des lieux , où il établit que le
régira#, & l’air, non-feulement produis
fent différentes efpeces de maladies s
mais donnent de la fagefîè, ou appe-
fantiffent Tefprit des hommes. On ne
peut donc trop s etonnerqu’il fe trouvé
encore parmi les Médecins gens qui
prétendent que la Phyfique eft tres-
peu utile à la Medecine 5 fondés prin¬
cipalement fur la remarque qu’ils ont
faite que les affeétions perverfes de
l ame caufent diverfes maladies. Quoi¬
que nous convenions, de cette vérité s»
*4 Là Medïcike
nous n’en comprenons pas mieux que
lame doive être la caufe & le principe
de tons les mouvemens, & de toutes
les aérions. Eft-il en effet quelqu’un
affez hardi pour entreprendre d expli-
' quer par ce principe les opérations tou¬
tes particulières, & totalement diffé¬
rentes des caufes morbifiques, des mé-
dicamens, & des poifons ?
5 XVI. Puifqu’il y a deux fondemens
d’une Pathologie véritable, & raifon-
née, lavoir une obfervation exade , &
la connoiffmce de la méchanique du
corps, il s’enfuit naturellement que les
Anciens qui n’ont pas bâti fur ces fôn-
demens n’ont rien donné de folide
dans notre Art.
SCHOLIE.
On ne peut trop louer les Anciens
en ce qu’ils ont fait plufieurs remar¬
ques litr la nature, fur le génie, le pro¬
grès , & l’évenement des maladies j
mais comme ils n avoient qu’une cou-
noiffance fuperfîcielle de l’Anatomie *
& par conféquent de la ftrudure du
corps humain, qufeftle fujet de cette
fcience , & que d’ailleurs ils ne fa~
voient, ni la Méchanique, ni la Phy-
fiqne *
fique, & que leurs obfervations font
en petit nombre * courtes& inco Em¬
plettes , il n’eft pas étonnant qu’ils
aient fubftitué prelque partout de purs
noms aux vraies caufes, & qu’ils aient
ignoré les véritables caufes de la vie ,
delà mort, & des maladies , & les
moïens de guérir ces dernieres. On ne
peut donc tirer d’utile de leurs écrits»
que ce qui concerne l’hiftoire des ma¬
ladies. Car les maladies avoient autre-'
fois la même nature qu’aujourd’hui ;
leur marche eft .toujours, & conftam-
ment la même ; & fur ce point les ob¬
fervations des Anciens, fi elles étoient
en nombre fuffifant, auraient le même
avantage que celles des Modernes.
XVII. Il eft étonnant, que, malgré
les excellentes découvertes dont on a
de nos jours enrichi l’Anatomie.» la
Phyfique, la Botanique, fa Chimie ,
& la Méchanique, on ait fait fi peu
de progrès dans l’établifièment d’une
vraie Pathologie,
SCHOLI E.
On peut donner plufieurs raifons du
peu de progrès de la Pathologie. La
première, que beaucoup de Médecins
Tome II A C
i6 La Mp.de ci ni
modernes négligent de compofer des
hiftoires exades des faits dont ils ont
été témoins 5 la fécondé, qu’ils Rap¬
pliquent pas, ou qu’ils appliquent mal
aux hiftoires des maladies, & aux ob-
fervations, les belles découvertes qui
~ ont été faites dans la Phyfîque. Je ne
veux d’autre exemple que celui de la
circulation du fang. & je demande
qui en a fait un ufage convenable pour
-réduire en véritable feience la Patho¬
logie, & la Thérapeutique. Ne voit-
on pas au contraire tirer tous les jours
des conféquences fauffes , foires des
principes des Anciens , qu’on s’accor¬
de à rejetter depuis long-tems, & qui
font manifeftement contraires aux loix
de la circulation î Une troifiéme rai-
fon du peu. de progrès de la Patholo¬
gie , & quieft fans, contredit la prin¬
cipale , c’eft que la. très-grande partie
des Médecins établirent leur dodrine
fut des principes Tuppofés, & .for de
pures hypothefes, qu’ils fe pîaifent à,
en imaginer de nouvelles , & qu’ils
tâchent d’attirer l’Antiquité dans leur
parti. Ï1 arrive à beaucoup d’entr’enx,
ce qui: arrive à nombre de ceux qui
s’appliquent aux autres.Sciences > ccâ
RAISONS E / E. 17
de faire un mauvais ufage de leur juge¬
ment. y de s’attacher fervilement aux
fentimens d’autres Do&eurs , qu’ils
s’imaginent incapables de tromper , &c
d’être trompés, & de ne vouloir pas fe
départir de la doctrine qu’ils en ont ap-
prife ; &, ce qui eft pis encore',, de vou¬
loir à toute force, que leurs, opinions
s’ajuftent aux hrftoires des maladies >
fouvent infuffifantes, imparfaites, &
mal compoféeS. Voilà les principaux
ohftacles aux progrès de notre Art.
CHAPITRE IL
Du préjudice que les hypethefes caufent
d lu Medet ine »
I. TJ Ien ne fait plus de tort à la dé-
XVcouverte des vérités médicina¬
les, & à la certitude de la Medecine,
■que la quantité d’hypothefes, d’opi¬
nions , ic de feétes.
S c h o 11 E.
Il y a une différence infinie entre
les vérités , & les fictions , qui font
Ci)
iS La MEDECINE,
des fources fécondes d’hypothéfes, &
de variété dans les opinions. Car la vé¬
rité eft une, Ample, fans embarras, &
âifée à entendre ; les opinions au con¬
traire font pleines de variétés, compo-
fées , fouvent éloignées diamétrale¬
ment lune de l’autre, & difficiles à
entendre. Elles font- d’ailleurs incer¬
taines', & douteufes ; tous attributs qui
fie peuvent convenir à la vérité. La vé-
' rite encore eft la fille d’une intelligen¬
ce faine ^dégagée, & libre ; les opi¬
nions les hypothefes, au contraire
font les enfuis d’une imagination vive»
&: échauffée ; enfin le fruit de toutes
les vérités eft l’explication, la démonf-
tration, ou la découverte d’autres vé¬
rités inconnues ; <k les opinions font
des fources fécondes d’erreurs, & de'
différens interminables.
IL Les hypothefes font des princi¬
pes fiélifs , qui peuvent fervir a l’ex¬
plication de quelques phénomènes ,
mais ne peuvent s’accorder avec tous
ceux qui fe préfentent.
S C H O L I E.
" SI les hypothefes étoient des princi¬
pes vrais, & non imaginés,, elles fer-
S. AÏSÔNN E / Ei 19
Viraient à l’explication de tous les phé¬
nomènes; il ne s’en enfuivroit aucune er¬
reur , & les explications en couleroieiit
naturellement. Au relie , je ne blâ¬
me pas en entier les hypothefes ; par¬
ce qu’elles contiennent ordinairement
quelques vérités utiles , quoiqu’elles
ne foient point univerfelles.
III, C’eft avec raifon que nous avan¬
çons comme un principe inconteftable
qu’on ne peut trop dégager de toutes
fixions, hypothefes, & opinions in¬
certaines j un Art qui promet la fanté,
& une longue vie aux hommes ; dont
le but ell d’en écarter les douleurs, &
les maladies ; & à qui fon excellence
mérite à bon droit le furnom de divin.
S c h ou E.
J’ai regret, & honte de le dire, quoi¬
que rien ne loit plus vrai ; il y a entre
les Médecins une infinité de fentimens
differens , non-feulement dans leurs
écrits, mais même quand ils font ap-
pellés en confultation. Ils s’accordent
rarement ; que dis-je ? Ils font fouvent
diamétralement oppofés fur la nature,
& les caufes de la maladie, & plus en¬
core fur la maniéré de la traiter, èc les
C iij
3 ° La Médecin*
remedes qu’il convient demploier. Y
a-t 3 il rien de plus commun que de voir
condamner par un fécond ce que le
premier a fait ? Cette diverfité d opi¬
nions ne vient que de ce que leur fa¬
çon de juger, & d’agir, n’eft fondée
que fur de pures fêlions, & fur le jeu
d’une imagination erronée, au lieu de
l’être &r des demonftrations, & des
vérités inconteftables, ïl eft rare en
effet de voir des difputes dans les
Sciences qui ne font fondées que fur
des vérités , & fur des vérités mani-
feftes , comme font les Mathémati¬
ques ; mais rien n’eft plus commun
dans celles ou la vérité n’eft point en¬
core découverte, & qui fourmillent
d’incertitude, & d’opinions. Tel eft le
privilège de la vérité,en qualité dè fille
d’une intelligence pure, & lumineufè,
quelle frappe tout à coup les ïeux auf
quels elle le préfente, qu’elle porte la
conviction avec elle-même , & force
de lui donner fou fuffrage ; tandis que
les opinions, fruits de la feule imagi¬
nation , ne font que répandre & biffer
des doutes dans Tefpric des hommes.,
& ne font imprefïion que fur ceux qui
ont plus, d’imagination, que de juge-
R A 1 S O N ¥1 f/e, 31
meot -, malheur d’autant plus grand ,
qu’ils fàififiènt le faux plus avidement,
& qu’ils fe persuadent aifément que
c’eft la vérité. Les différentes hypo-
thefes n’entretiennent donc pas feule¬
ment la difeor-de entre les Médecins ;
elles font même pernicieufes aux Ma-
lades, & aviliflent, même parmi le
commun des hommes, une profdïion
qu’on ne fauroit trop eftimer. Ce mal
au refie 11’eS pas nouveau, Hippocrate
s’en plaignoit atifîi amèrement que
nous. Le peuple , dit-âl, eft fi éloigne de
refpecter la Médecine , qu’il s’imagine au
contraire que c’efi un être de raifort. Il y a
tant <k différetne -entre les façons de penfitr de
trax qui la profefimt 9 quand ils &m à trimer
des maladies aiguës } que Vun condamne com¬
me pernicieux , ce que Vautre trouve excel¬
lent y de forte que par cette raifon le peuple
la regarde comme purement conjecturale , &
incertaine, {a} Il faut donc fôuhaicer ar¬
demment , ( & y travailler de toutes
(a) Qalumniam incurrit tout Ars apud vulgus
aieo mxgnam , ut ne que omnino Medicinœm ejfe
patent. Nam in acutismorbis in tantum in fe dif¬
férant artifices, ut qu& alter exbibet , optima ejfe
put ans , ea alter jammala exifitmet-, & fere ob
id Artem vaticinationi fimïlem ejfe dixerint. Hipp.
Lïb. de Vict. in Acut. §.4.
3 * La MEDECINE
les forces ) que notre Art fe débarraffe
de toutes les hypothefes pernicleufes
dont il eft accablé ; au moïen de quoi
il y a tout lieu d’efpérer quon verra la
fin des contradidions , des diiputes,
des haines, & des animofités quon a
vu régner jufqu’à ce jour entre les Me-
depins, au grand préjudice de la Mé¬
decine , & des Malades.
IV. On peut réduire les hypothefes
médicinales à trois efpeces ; l’une a
pour objet la caufe, ou le principe qui
opéré , régie , conduit toutes les
adions qui fe font dans le corps ; 4 fé¬
condé , les caufes des maladies ; & la
troifiéme , la méthode de traiter les
maladies, & de juger des vertus des
remedes.
SCHOLIÏ.
Toutes les hypothefes médicinales .
ne doivent pas être mifes au même
"rang, & les unes font préférables aux
autres. Car il y en a beaucoup qui ne
roulent que fur des chofes qui rie tom¬
bent , ni fous lés fens, ni fous l’intelli¬
gence , dont on ne peut concevoir
l’exiftence ; pendant que d’autres ne
font contraires, ni à l’un , ni à l’autre.
RAISONNE' 1 !*
& qu’on ne peut leur reprocher que
leur infuffifànce à fatisfaire aux expli¬
cations , ou aux conféquences qu’on a
befoin d’en tirer.
V. Les plus mauvaifes de toutes les
hypothefes font celles qui établirent
de purs noms pour caufes univerfolles
de la vie, de la lànté } de la conforva-
tion, de la guérifon, en un mot, de
tout ce qui fo fait dans le corps ; parce
qu’elles font entièrement inutiles dans
la ipécuîation, & dans la pratique.
SCHOLIE.
On doit làns contredit mettre dans
cette clafîè celles des Anciens , qui
n’aiant jamais connu la ftru&ure du
corps j ni par confisquent les mouve-
mens qui en font les fuites, non plus
que la Force & la puiflànce des corps,
qui réfulte principalement de leur réac¬
tion mutuelle, n’ont pu concevoir les
"vraies caufes de la fanté, de la vie, ou
des maladies, aulqu elles ils ont fubfti-
tué de purs noms qui ne lignifient
rien, comme la chaleur innée, l’hu¬
mide radical 3 l’efprit infus , la nature
fage, l’ame douee de prudence , de
raifon, d’intention ; le principe a&if.
14 La Médecine
qui. a en lui-même le fentiment &z le
mouvement, fans le recevoir du de¬
hors ; le principe qui dirige , meut, &
gouverne tout avec fageffe ; l’efprit vi¬
tal doué des facultés néceffaires. Nous:
mettrons encore dans la même claie
les rêveries de quelques Modernes ,
comme l’Archée de Van-heîmont, fon
dnum-virât , & fa direction occulte
de la vie, l’ame fenfitive nichée dans
l’orifice gauche du ventricule, la flam¬
me de la vie, le phofphore du cœur
& du cerveau $ tous principes d’une
mauvaife Medecine , qui ne doivent
leur être qu’au peu de eonnoiffànce
phyfique delà nature des corps ; qu’à
l’idée où ëtoient les Auteurs que les
corps font purement paffifs, & dénués
entièrement de toute aââon & de
tout mou vement ; & qu’à l’attribution
qu’ils faifoient à un principe intérieur,
agiffimt avec jugement , dont ils ne
peuvent prouver l’exiftence par aucune
raifbn fblide, & au-deffus de la répli¬
que , des mouvemens qui fe font dans
le corps humain dans la proportion ,
1 ordre,& le tems déterminé, & pour
des fins certaines ; mouvemens , qui
font les effets de l’art infini avec lequel
raisonne'e. ff
notre machine eft conftruite , & de
l’a&ion réciproque des folides, & des
fluides. Mais je pofe comme un prin¬
cipe certain qu’il ne faut jamais remon¬
ter à des caufes -inintelligibles, ou ex¬
trêmement difficiles à eonnoître , tant
qu’on en trouvera de manifeftes pour
expliquer les phenomenes qui fe pré-
fentent-j & fi quelques-uns d’eux dé¬
pendent de caufes que la raifon, & le
jugemenr,ne puiflèntfaifir furie champ,
confia tons les faits, &c gardons le fi-
Icnce fur les caufes qui nous font ca¬
chées y plutôt que d’en apporter qu’on
me peut, ni concevoir, ni expliquer,
&: qui ne font d’aucun ufàge , parce
-qu’elles,ne peuvent recevoir d’applica¬
tion à rien de ce qui fait l’objet de la
Medecine.
VI. Il faut anffi mettre dans la claffe
des hypothefes vuides, &: très-dange-
reufes , la doâxine qui affigne pour
-caufes de toutes les maladies l’intem-
perie des quatre humeurs, qui eft celle
de Galien,& desGaleniftes 5 ou l’acide,
le vifqueux , &: la bile , comme fait
Sylvius; ou l’acide , èc le vifqueux,
comme Bontekoé ; ou une infinité
de fols, ou de fermons morbifiques,
La Mede« iisfE
comme plufieurs Modernes l’ont ima¬
gine*
SCHOLIE.
Bien que toutes ces caufés aient beau»
coup de force pour déranger les mou-
Vemens naturels, elles font cependant
très-infuffifantes pour l’établiflement
des claflès des caulcs morbifiques. Car
elles ne touchent point aux caufes vraies
& prochaines qui prôduifent les mala¬
dies, & qui confident dans le déran¬
gement de l’ordre des mouvemens, &
elles ne peuvent fervir à expliquer
pourquoi certaines maladies font pro¬
pres à certains âges, ôc comment les
violentes pallions de lame, où les poi-
fons prôduifent fi promptement des
affedions très-graves dans des corps
parfaitement fàins.
VII. Les hypothefes de ceux qui
déduifent toutes les maladies d’une in¬
tempérie faline , acre , ou fcorbuti-
que, ne méritent pas un meilleur trai¬
tement.
SCHOLIÏ. .
f Les cauftiques font une preuve fans
réplique de la grande énergie des fels.
raisonne'e. 37
par les picotemens, les irritations, les
eorrofions qu’ils caufent aux parties
folides de notre corps ; mais il y a en¬
core bien d’autres caufes qui produi-
. fent les maladies , ou les difpofitions
morbifiques. Car qui peut dans ce fy£
tême expliquer les maladies qui vien¬
nent de l’abondance du fang , & des li¬
queurs , & de leur ftagnation dans les
yifceres ? Ôn peut encore moins dans
ce fyftême expliquer la naiftànce, &:
les caufes , des maladies héréditaires,
& de celles qui font propres à certains
âges, & qui font en grand nombre,
& d’une grande violence, ou pourquoi
ceux qui s’écartent beaucoup des loix
de la tempérance ne deviennent pas
âufli-tôt malades.
VIII. La feule abondance exceffive
du fang & des liqueurs,&la fuppreffion
-de leurs excrétions ne fuffit donc pas
pour expliquer d’une maniéré fatisfe?
iante tous les effets des maladies.
SCHOLIE.
Il eft fans contredit qu’une afïèz
grande/abondance de fang pour faire
obftacle à la circulation, eft quelque¬
fois la première, & la principale caufe
5S La Medecine
de beaucoup de paffions, &~furtout de
paffions chroniques ; témoin la dimi¬
nution , la fuppreffion, ou l’arrêt fo-
bit, des évacuations par l’utèrus, ou
les hemorrhoïdes. Mais comment dé-
duira-t’on de ce principe les maladies
qui n aillent du défaut de-fang, ou cel¬
les qui attaquent ordinairement ceux
qui font convalefcens d’une maladie
aiguë, où chronique, ou qui ont fouf-
fert de grandes hémorrhagies ; en un
mot, qui font reffés fort foibles après
quelque accident ? 11 fera encore bien
plus difficile de déduire de cette hy-
pothefe la naiflance des maladies épi¬
démiques , qui font en grand nombre,
& que produit'le ¥ice de l’air , fou
changement fubit , ou la difpofition
contre nature des faifons. Outre la
fuppreffion des évacuations fanguines ,
celle des évacuations qui.fo font par le
bas ventre , la tranfpiration infenfrble,
par l’expedoration, caufe auffi des ma¬
ladies très-graves, La pléthore , & la
Stagnation qui en eft la foi te, & fuite
fi contraire à l’œconomie de notre
corps , donne quelquefois naiflance
àux maladies , & fortout aux chro¬
niques $ & la diminution* de la plethü-
raisonne' êN-' f 9
re contribue fans doute inerveiüeufe-
rnent à les détourner ; cependant com-
rxte elle donne lieu à des ikgnations,
des ftafics, des engorgemens, des obfi-
trudions, des fchirres, des corruptions»
& des éxuleerations des vifcercs, d’où
.naiffent des cachexies, differentes for¬
tes d’hydropifie, des fièvres lentes &
hediques , quand ces accidens paroifi-
fent, il ne s’agit plus en traitant ces
maladies d’avoir attention à la caufie
première, mais plutôt à fes effets. La
pléthore ne fuffit donc pas pour expli¬
quer les accidens de ces maladies.
IX. On ne peut auffi donner toute
la généralité poffibie à la proportion
qui diroit que le bon état des excré¬
tions hiffit pour entretenir la vie » & le
bon état du corps.
SciIOLI E.
Il n’eft pas befioin de prouver que la
iànté, & la vie, ne peuventfo foutenir
long-tems làns les excrétions. Cepen¬
dant elles ne fiuffifient pas absolument
pour la conforvation de la vie 3 & de la
lanté. Car fi les fia es que les excrétions
emportent continuellement n’étoient
réparés par d’autres louables » & ccn-
4 ° La Medecine
venables, ce feroit bien-tôt fait de îa
vie, & de la fanté. Le Médecin doit
donc, pour conferver la-fanté, non-feu¬
lement faire attention aux excrétions,
mais à la bonne, ou mauvaife qualité ,
de ce qui entre dans le corps, éc y re¬
courir pour trouver lacaufe des mala¬
dies.
X. Ce feroit encore bleffer la vérité
que d’adopter le fyftême de ceux qui
prétendent que les caufes materielles
des maladies n’en font que les occa-
fions, &£ que la nature prudente n’a
inftitué les maladies , que pour faire
fortir ces caufes du corps.
Scholie.
Il feroit fort à fouhaiter qu’il y eut
- au-dedans de nous-mêmes un agent
capable de prévoir de loin les effets
des caufes morbifiques, & d’en arbi¬
trer , au moins moralement, la force >
pour s’armer contre elles de différens
mouvemens fecretoires , réfoîntifs, &:
excrétoires. Mais je ne vois point com¬
ment on peut concilier avec un agent
fi fage une infinité de phenomenes ,
comme la production de mouvemens
très-violens, & même mortels qu’on
remarque
1AI SONNî'e. 4ï
remarque dans différera cas, & même
pour des caufes très-légeres, par exem¬
ple à l’occafion des vents renfermés
dans les inteftins, ou le ventricule, de
la piqueure caufée aux nerfs par des
Vers, par le dard d’une gtiefpe / ou
quelque infiniment piquant fou par
les pointes de l’arfenic qui s’attachent
aux membranes de ïeftomac. J’ai en¬
core plus de peine à concilier les vues
d’une fagefle/elle que celle qu’on fup-
pofe, avec ces reflerremens, fpafmodi-
ques fi confidérables quelle caufe dans
les vaîffeaux excrétoires, &: les éxtrê-
inités 3 pour faire fortir du corps les cau-
lès des fièvres, quand je vois que non-
feulement ces refîèrremens caufent un
dérangement dans la circulation du
fang, mais le repoufîènt dans les vaif-
feaux de l’intérieur du corps , ce qui
retarde l’exclufion des caufes morbifi¬
ques , fur tout quand il y a une maniéré
beaucoup plus fimple , & plus fûre ,
d’ouvrir les excrétoires,& d’augmenter
& d’exciter le mouvemenrdu cœur,&
des arteres , d’où dépend l’exclufion
de ces caufes. Je ne vois point d’ail¬
leurs pourquoi on veut feulement éta¬
blir des caufes occafioneiles des mala-
• TomeIII. D
4 l La Médecins
dies , pendant qu’elles ont en elles-
mêmes , & de leur propre nature ,
tou te la force néceflàire pour troubler*
déranger / détruire , les mouvemens
qui fe font dans notre machine ; c’cft
cependant ce qui eft clair, & évident,
par l’effet de la chaleur exceffîve de
l’air, fa froideur , fon humidité , les
alimens très-forts, & toutes les efpe-
ces de poifons. Eft-il quelqu’un qui
ofè refufer à ces caufès une puiflànee
capable de nuire , qu’elles ne peuvent
cependant mettre en aâtion que par un
mouvement de trouble, & de dcftruc-
tion ?
XL J’eftime qu’il faut aufti rappor¬
ter aux hypothefes l’idée de certains
-Médecins qui regardent comme le
principe de la Medecime , & de tous
les mouvemens qui entretiennent la
vie, & guériftènt les maladies, la na¬
ture , ou une ame raifonnable , qui a
de la prudence, des deffeins, & une-
fcience intérieure.
ScHOl I E.
Puifque fans ame intelligente il fe
fait non-feulement dans l’univers, mais
4 ans les végétaux, & les animaux, des
RAISONNE 7 fi 4|
mouvemens très-réglés, & îiibôrdon-
nés à une fin déterminée , par quelle
raïfon vraifemblabie refuferons-nous
à notre corps, qui eft compofé avec
tant d’art,ces mêmes mouvemens qui
dérivent plutôt activement que paffi-
vement de la difpofition de la matière !
Perfonne ne peut nier que notre corps
n’eft point une pure machine, & qu’il
n’y Toit joint un principe d’une nature
beaucoup plus parfaite, qui influe fur
certains mouvemens des parties , fi
Pon fait attention qu’ils fuivent immé¬
diatement la détermination de la vo¬
lonté , & que le dérèglement des idées
trouble, le mouvement des folides, &
des fluides -, mais il n’en faut pas Con¬
clure que tous les mouvemens qu’on
remarque dans le corps, dépendent de
lame , puifqu’il eft certain qu’avec
quelque force quelle le veuille, elle
ne peut, ni retarder, ni augmenter, lè
mouvement du cœur, & des arteres,
ou le mouvement periftaltique du ca¬
nal inteftinal. D’ailleurs, peut-on igno¬
rer que la fageffe, les inclinations, les
mœurs, dépendent beaucoup du mou¬
vement deS fluides , & des folides ,
mouvement a qui les chofes corporel-
44 La Medecine
les caufent des alterations confidéra-
bles ? 11 faut donc établir un commer¬
ce mutuel entre lame & le corps ;
parce qu’à raifon de ce commerce on
peut donner Texjplication de plufieurs
phenomenes, & foudre plufieurs diffi¬
cultés.
XII. La troifiéme clafle d’hypothe-
fes renferme celles qui ont été imagi¬
nées fur la force des remedes, & la
maniéré de traiter les maladies ; &
nous mettons en tête l’idée très-répan¬
due de l’exiftence d’une Medecine üni-
verfelle.
SCHOIIE.
Il y a eu, & il y a encore beaucoup
tl’Auteurs, furtout parmi les Chimiftes
qui annoncenfavec emphafe une Mé¬
decine propre à guérir toutes les ma¬
ladies , & ils ajoutent que cette pana¬
cée fe tire principalement de l’or, qui
eft propre à fortifier le principe mo¬
teur de notre corps. Si les effets ré¬
pondaient aux promeflès , & fi l’on
n’apportoit point de raifons folides
pour en prouver la futilité , leur tra¬
vail ne ferait point en pure perte. Mais
comme ils ne réalifent pas leurs pro-
R A I S G N H e'e, 4|
aieflès s ceux qui favent diftinguer les
forces de là nature de celles des reme-
des, ont grande raifon de révoquer en
doute les merveilleufes vertus de leurs
prétendus élixirs. Pour moi , je me
luis toujours perfuadé que ces remedes
univerfels font incapables de nuire ,
parce qu’ils le font d’agir, & qu’ainli
l’on ne rifque point de les emploïer
dans toutes les maladies. Car je ne
connois dans la nature aucun remede
capable d’agirqui ne le foit de nuire,
s’il eft mal appliqué. Je fais d’ailleurs
que les forces de tous les êtres corporels
ne font pas abfoluè's , mais feulement
conditionelles, & relatives 5 & j’appli¬
que ce principe aux forces des reme¬
des , dont la puiflance } bornée à cer¬
tains effets, varie encore dans l’appli¬
cation, fuivant les difpofitions dés fu-
jets qui en ufent, foit en leur faifant du
bien, ou du mal. Si l’on fait encore at¬
tention que les mouvemens qui font
les caufes prochaines dés maladies 3 ne
font pas de même efpece, que les uns
pêchent par leur augmentation,& leur
violence, pendant qu’on reproche aux
autres leur diminution , & leur foi-
bleffe, à d’autres l’inégalité, ou le ren-
4^ La Medecine
VerFement, comme lorsqu’ils portent
les liqueurs du dehors au dedans, on
verra clairement que le même remede
eft incapable de rétablir tous ces mou-
vemens oppofés, & qui ne le reflem-
bîent qu’en ce qu’ils Font contre nature.
' Ce raifonnement aura encore plus de
force li l’on met en ôppofition ce re¬
mede unique avec une fi grande quan¬
tité de cauFes, qui occafionnent des.
mouvemens déréglés, &: qui pêchent
par la quantité, par le défaut, la tem¬
pérature , ou le trop d’aéfivité.
XIII. J’en dis autant des remedes
honorés du titre de fpécifiques pour
certaines maladies , & qui fe trouvent
en grand nombre.
Sc h pu e.
C’eft une façon de penFer três-faufte
que de croire qu’il y a des remedes
tellement Ipécinques dans certaines
maladies , qu’ils les guériflfent fûre-
ment , ou du moins qu’ils les foula-
gent infailliblement. C’eft l’idée du
peuple ; c’eft même celle de beaucoup
de Médecins. Auftï fi quelque remede-
de marque leur a réuffi une, ou deux
foiSjdans le traitement de quelque ma-
raîsonnï'l 47
kdie , les voilà difpofés à l’emploier,
toutes les fois que la même maladie fe
préfonte. Mais réuûiffent-ils toujours 2
C’eft fur quoi je m’en rapporte à leur
bonne foi. C’eft cependant dans cette
idée que l’écorce de Quinquina a été
érigée en fébrifuge fpécifique, le mer¬
cure en and -venerien, le kit en anti-
phtnifique & anti-arthritique, les mar¬
tiaux , & les eaux minérales froides en
anti-mélanchoîiques, le caftoreum en
ânti-hyfterique, llpecacuanha en anti-
dyfenterique, i’alemelle, & la pareira
brava en and-néphrétique , le fang
d’ane en anti-maniaque. Je ne prétens,
point ôter à ces remedes bien appli¬
qués la gloire qui leur eft due dans ces
maladies $ mais je fondais qu’on ne
doit point les adminïftrer indiftinâe-
ment, & fans attention aux fujets, ou
aux caufes , & je foutiens encore plus
leur infuffifance pour opérer fouis la
guérifon de toutes ces maladies : & ce¬
pendant on eft à l’affût de tous les fpé-
cifiques s & de tous les focrets, quoi-
3 u’il foit certain qu’il n’y en a aucun
ans la nature qui mérite ce titre, que
la fcience, & la prudence des Méde¬
cins.
4^ Là Médecine
XIV. C’eft encore un préjugé qu’on
ne peut trop combattre, que de dire
que le même traitement convient à
toutes les maladies de même efpece.
SCHOLIÏ.
11 eft étonnant combien on fe trouve
éloigné de compte , quand on veut
traiter une maladie quelconque, com¬
me la fièvre quarte, la colique, la fup-
preiïion des régies ,1’épilepfie chroni¬
que, l’afthme, Scc. de la même ma¬
nière quon a traité ces maladies une
autre fois , bien qu’avec fuccès. Car
ori fe trouve arrêté par la diverfité des
caufes de la même maladie, & par lès
différentes' difpofitions des fujets, qui
varient infiniment. Or comme la vé¬
ritable Medecine confifte à trouver la
proportion entre les caufes des mala¬
dies , & les forces des remedes, à fa-
voir corriger la matière défedueufe -,
& la faire fortir quand il convient de
le faire ; il eft évident qu’on ne peut y
réuffir par un feul, & même moïen.
Celfe a donc eu raifon de dire. Livre
III. eh. XI. que les mêmes feccurs ne
conviennent pas à tous les Malades ; &
• Sydenham d’aflurer 3 fondé fur fa pro¬
pre
raisonne' e. 45
pre expérience , qu’une méthode qui
lui a parfaitement réuffi dans la guéri-
fon d’une fièvre épidémique, par exem¬
ple , non-feulement nuit dans un autre
tems, mais même donne la mort au
Malade. Car chaque maladie, & cha¬
que fujet demande un traitement par¬
ticulier. If faut donc bien approfondir,
& pefer les maladies, & leurs hiftoi-
res, afin qu’une férieufe attention fur
toutes leurs circonftances faflè trouver
au Médecin -judicieux la maniéré con¬
venable de les traiter. Car la méthode
nécefïàire pour traiter chaque maladie
en particulier comme elle le doit être,
ne peut fe trouver que par une judi¬
ciaire excellente. Auffi meilleur elle
eft, meilleur eft le Médecin.
XV. En traitant les maladies, il ne
faut pas trop étendre l’empire de la na¬
ture.
SCHOIIL
Hippocrate a eu raifon de le dire,
êc tous les Médecins Grecs de le répé¬
ter ; c’eft à la nature qu’il appartient de
guérir les maladies. On ne fauroit trop
dire ce qu’ils entendent dans cette oc-
cafion par le terme de nature. Car les
Tome III\ E
50 La Medecine
Anciens lui ont donné bien des figniff- ...
cations différentes. Mais dans le fait il
eft vrai que beaucoup de maladies,
furtout de maladies aiguës , guériffent
fans le fecours du Médecin. La con-
noilfance de cette vérité a fait naître à
quelques perfonnes la penfée qu'il y a
dans notre corps un principe qui fait
.comment, en quel teras, dans quelle
quantité, & par quel chemin, il doit
agir , mouvoir, & faire fortir la caufe
morbifique , & d’établir en colifé-
quence que le Médecin doit imiter, &
fuivre cette voie, & cette méthode,
& venir au fecours des efforts que fait
ce principe pour le rétablillèment du
Malade. Mais , quoiqu’on ne puifie
nier que les mouvement qui fe font
dans notre corps, quelle qu’en foit la
caufe, c’eft-à-dire ,«iatérielle, du im¬
matérielle , fuivent le plus fouvent la
proportion , l’ordre , le tems conve¬
nables , & que, bien qu’ils foient exci¬
tés par une caufe morbifique s ils ne
tendent pas moins à faire fortir du
corps cette caufe mçme à qui ils doi¬
vent l’être -, cependant cela n’arrive
pas toujours , &: il y a beaucoup de
maladies, & de mouvemens maladifs*
RAISONNE^. 51
qui non-feulement ne font pas falutai-
res, mais font au contraire fi perni¬
cieux , que le Médecin ne peut les cal¬
mer trop tôt. C’eft ce qui- fevoit évi¬
demment dans çes mpuvemens , &
ces excrétions, que caiife une matière
acre &: canftique, ou la picqueure des
parties nerveuies par des vers, l’irri¬
tation qu’y caufe une pierre, la ftagna-
tion du fang dans le cerveau, les ex-
halaifons fermentatives qui tranfmet-
tent les maladies , ou le poifon pris in¬
térieurement. D’ailleurs ces mouve-
Jnens convulfifs font inutiles, & ne
fervent en aucune maniéré à enlever
la çaufe des maladies chroniques ,
comme ou le voit dans la maladie hy-
poçhondriaque s ou hyftérique , &
même ils ne font que les augmenter.
Il y a même piufieurs maladies chro¬
niques , où la nature ne fait rien , ou
très peu., & quil n’appartient qu’à
l’art de guérir, comme les maladies
vénériennes, fcorbutiques, ou cachec¬
tiques. La nature eft également inca¬
pable de vaincre un poifon narcoti¬
que , ou cauftique, fi l’art ne vient au
fecours. 11 en eft de même du choiera-
morbus , de la pafîion iliaque caufée
Ei)
5 * La Medeciné
par une hernie, de la colique appeîlée
convulfive , & de l’épilepfie chroni¬
que. Il faut donc connoître les juftes
bornes de l’empire de la nature, avant
que d’en tirer des induélions dans la
pratique.
XVI. Les faufifes hypothefes des
Médecins, & leurs préjugés en ma¬
tière de Pathologie, ont été caufes de -
pluiieurs erreurs, & même très-perni-
cieufes dans la pratique.
S c h o L 11.
Je pourrais établir cette vérité fur
une infinité d’exemples, s’il en ëtoit
befoin ; mais je me contente de quel¬
ques-uns. Il y a encore beaucoup de
Médecins qui redoutent la fàignée dans
la plupart des maladies, quelque grand
que fbit ce remede 3 ou même n’en veu¬
lent point faire ufage, fur le fondement
que le làng eft le tréfor de la vie , ôc
qu’ils ne s’imaginent pas qu’il puifle pé¬
cher par la quantité. D’autres rejettent
totalement les émetiques, parce que,
fùivant leur fyftême , la plupart des
maladies aiguës, Sc chroniques, font
eaufees par la Pléthore, ou la fuppref*
fion des évacuations de lang ordinal
RAISON N^E. | j
tes 5 caufes aiifquellés les vomitifs ne
remédient pas. Quelques-uns, s’imar-
ginant que les maladies chroniques
font caufées par un acide furabondant,
ne prefcrivent que l’tifage des remedes
qui abforbent, ou adoüciflent l’acide *
comme les martiaux , & les alkalis
terreux. On n’a pas d’autres raifons
pour croire que le Quinquina eft un
fébrifuge excellent', & prefque infail¬
lible dans les fièvres intermittentes, fî
ce n’eft que, fuivant l’idée de certains
Médecins, il change* & corrige le fer¬
ment fébrile qu’ils s’imaginent réfider
dans les premières voies. Quelques-
uns ont condamné l’ufàge des remedes
tirés du pavot, & des caïmans en gé¬
néral , & même du caftoreum & des
médicamens vaporeux, parce que non-
feulement ils ne diminuent point la
pléthore, & ne facilitent pas les excré¬
tions fanguines, mais qu’ils les empê¬
chent plutôt. Quelques Médecins mo¬
dernes condamnent l’ufage de la fai-
gnée dans les fièvres intermittentes, &
aigues, parce que leur fyftéme les en¬
gage à croire que le but dé la nature
dans la guérifon des fièvres, n’eft pas
tant de faire fortir le fang furabcn-
E i\)
54 La Médecins
dant , que de le confommer. Tous
ceux enfin qui fuppofent que î acide
eft rarement caufe des maladies, ou
même ne l’eft pas du tout, j ugent qu’il
y a peu de cas où l’on puifîè emploïer
les remedes alkalis, lixiviels, & les
Tels volatils.
XII. Le Médecin ne peut faire trop
d’efforts pour fe défaire de tant de pré¬
jugés , & d’hypothefes douteufes, qui
font plus de tort que de bien à notre
fcience. à
ScHOLIE.
S’il faut éviter tout ce qui fent la
fede dans quelque fcience que ce foit,
parce que c’eft le'moïen de s’éloigner
de la vérité, il faut le faire avec bien
plus de foin en Medecine, parce que
les opinions, qui font des fourçes fé¬
condes d’erreurs, n’y font point feule¬
ment préjudiciables à l’efprit de celui
qui les adopte, comme il arrive dans
les autres fciences , mais qu’elles in¬
fluent fur la pratique d’un art deftiné à
guérir les maladies , & à éloigner la
mort, & caufent quelquefois des ra¬
vages extrêmes.
Xyill. Le meilleur moïen, & le
H A I S O N ne'ê. 55
plus certain, de fc défaire de cette foule
d’opinions qui inondent notre Art, eft
de douter méthodiquement de tout,
<k de ne fe livrer à aucun dogme, fans
l’avoir éprouvé à la pierre de touche
des obfervations de pratique , & fans
avoir examiné s’il eft de quelque ufage
dans la pratique, & pour la refolution
des difficultés qui le prélèntent dans
î’hiftoire des maladies. De plus com¬
me la Medecine eft une philofophie
perfectionnée , le Médecin n’y doit
rien admettre qui ne foit clairement
connu , & démontré, & il doit telle¬
ment ranger les vérités connues, qu’il
en tire par voie d’analyfe celles qu’il
ne connoît pas.
SCHVLIE.
Il feroit fort à fouhaiter que dans les
Academies, deftinées à donner aux
Eleves les Elemens des Sciences, on ne
leur prefentât rien que d’excellent, &
de débarraffé de toute erreur, & opi¬
nion. En effet on remarque, & Quin-
tilien l’a obfervé il y a long-tems, que
ce qu’on a appris dans la jeuneflè fait
de fortes impreffions, & s’efface rare¬
ment de la mémoire. Mais par malheur
E iiij
5^ La ,Mede-c ini
il eft rare qu’on remporte cet avantage
des Academies ; parce que beaucoup
de ceux qui y enfeignent regardent
comme un deshonneur de s’écarter des
fentimens qu’ils ont adoptés inconfidé-
rément dans les premiers tems, ou
même de les reélifîer. Pour moi telle a
toujours été ma coutume , & j’en re¬
commande Pufage à tout le monde ; je
ne jure fur la Foi de perfonne ; je doute
méthodiquement de tout ; je décide du
mérite des fentimens, par Pufage qu’on
en peut faite dans la pratique ; je m’ap¬
proprie ce que j’y trouve de bon , & je
tâche de donner à mes idées 3 l’ordre, &£
rarrangement le plus naturel qu’il m’eft
poflible. J’eftime même que c’eft à ce
travail qu’il faut que tous les Sa vans,
amateurs des vérités utiles, qui portent
le caraétere de la Divinité, fa cri dent
tout le tems de leur vie, & je recom¬
mande cette pratique, &: même de fe
rompre à ce travail, à tous ceux qui fe
chargent d’enfeigner aux autres notre
profeffion. Car il eft certain que celui
qui n’apprend Part de guérir qu’en li-
lant, ou en entendant parler , ne peut
etre qu un écho qui répété ce qu’il a
lü 3 ou entendu. C’eft donc avec fa f&=
RAISONNEREZ
geflê ordinaire qu’Hippocrate (a) afin-
re qu on fera trompé dans fon attente 9
fi Ton efpere parvenir a la connoiflàn-
ce du vrai , à travers les écueils des
opinions dont la Medecine eft rem¬
plie , â moins que l’on ne s’exerce
avec confiance à le chercher.
(a) Lib. de Pr&cept. n. io.
CHAPITRE IIL
If es vérités fondamentales de la Pathologie 3
qu'il faut tirer de la Phyfiologïe.
L /^Omme: toute fcience , & dé-
V^/monftration fuppofe quelques
vérités connues, qu’on peut regarder
comme des principes, defquelles on
peut découvrir parvoie d’analyfe, c’effc-
à-dire , fui vaut un certain ordre, &
dans une certaine fuite, des vérités in¬
connues 5 fi l’on veut traiter géométri¬
quement la doélrine des maladies , il
faut fuppofer des vérités démontrées »
qui tiennent lieu desLprincipes, & de¬
mandes que les Géomètres avancent
avant de faire leurs démonftrations.
' La MEDECINE
SCHOL IE.
C’eH de la philoSophie du corps hu¬
main vivant, & Sain , ou de la Phy-
fiologie, qu’il faut tirer la plupart des
vérités qui fervent de bafe aux. dé-
monftratiôns pathologiques. Car com¬
me on ne conrioît l’oblique, que par
comparaison à ce qui eft droit, l’état
du corps , cpiand il eft en fanté, doit
Servir de réglé pour le connaître en
maladie.
II. Une des premières, & principa¬
les vérités qui fervent à établir une Pa¬
thologie folide, eft la vraie définition
de la vie , qui n’eft, félon nous, qu’un
mouvement circulaire du fàng, & des
Jîqueurs, caùfé par le relâchement,
le reflérrement Succeflîfs des folidesl,
qui preServe le corps d’une corruption
imminente.
SCHOIIE.
En fait de Mathématique , & de
Phiîofophie , les vraies définitions des
chofés font les meilleurs principes de
demonftrations. Auffinous Servirons-
nous tres-utilement dans nos démons¬
trations pathologiques de celle qui ren-
rai sonne' fi. $9 .
ferme la nature, la génération , & la
eaufe formelle, & efficiente de la vie»
En effet le premier, êt le principal de¬
voir du Médecin étant de conferver là
vie, & d'éloigner la mort, comment
le fera-fil avec raifonnement 3 s'il
ignore les caufes de la vie ?
III. La vraie définition, de la fanté 9
qui eft, félon nous, l'intégrité des ac¬
tions du corps, en conféquence de l’é¬
galité 3 & de la liberté de la contrac¬
tion , & du relâchement des folides,
êt de la circulation , fuivies des fècre-
tions 3 ôt des excrétions dans l'ordre
convenable, eft encore un des princi¬
paux fondement de la Pathologie.
Schoiïe.
La connoiffance entière, §t parfaite
des mouvemens de la nature, de leur
ordre, de leurs loix, & des avantages
qui en reviennent à la fanté, eft abso¬
lument néceffaire pour parvenir à celle
des mouvemens qui forment les mala¬
dies. La liberté de la circulation con-
fifte dans la facilité que trouve te fang
à paffer de l'intérieur à l’extérieur du
, corps , fans rencontrer aucun empê¬
chement dans les vaifîèaux qui le por-
to -La Medecini
tent ; fon égalité confifte, à n’ètre, n!
trop^lente-, ni trop vite , & à garder
une jufte proportion dans le degré, h
fuite, l’ordre, & le tcms. Ces mou-
vemens font de telle nature 5 qu’ils
gouvernent toutes les fondions vita¬
les , naturelles, animales 5 luivant les
loix & rinftitütion de la nature.
iy. Les mouvemens qui fe font
dans l’économie de notre corps, font
de deux efpeces ; car ils fe font dans
les parties folides, ou dans les fluides.
• r V. Ceux qui fe font dans les folides,
font extrêmement Amples; car ils corn
liftent feulement dans la contradion,
& le relâchement alternatifs , que les
'Grecs appellent fyftole , & diaftole j
& ces deux mouvemens font les cau¬
sés de l’impulfion des fluides , de leur
mouvement progreffîf, de leur circu¬
lation , des fecretions, & des excré¬
tions.
VI. Ces deux mouvemens , tout
Amples qu’ils font, fontjes feules cau-
fes des effets merveilleux qu’on remar¬
que dans le corps. Il y a cependant
quelque différence d’eux à eux-mê¬
mes , a railbn de différentes parties,
oc on leur donne différens noms qui
RALSONNï'e. éî
leur font propres. Ils forment le pouls
dans le cœur, & les arteres ; le mou¬
vement periftaltique dans le ventricu¬
le , les inteftins, & les canaux excré¬
toires de toute elpece, comme les bi¬
liaires j les uretheres ; le ton, la force â
la relîftance, & le reflort, dans les fi¬
bres motrices, & une elpece de mou¬
vement d ondulation dans les parties
nerveufes..
VIL Les mouvemens des fluides
lont auffi de différentes efpeces ; car ils
font progreffifs 3 quand les liqueurs
lont portées d un lieu dans un autre s
& inteftins 3 lorfque les parties des li¬
queurs changent continuellement de
fituation refpedive , & font agitées
dun mouvement de tourbillon 3 & ce
font ceux qui caufexit la chaleur, &&
fluidité.
VIII. Le premier , & le principal
des mouvemens progreffifs 3 & celui
de qui dépendent les inteftins 3 & les
auteres , eft le mouvement de circula¬
tion,
Schou e.
Les mouvemens fecretoires qui le-
parent de la malfe du fang les fucs uti-
<5z La Médecins
les, &: les' excrétoires qui font fortir
du corps les fuperflus , & les perni¬
cieux , fui vent tellement le mouve¬
ment circulaire du fang , que plus il
aborde aux vaifleaux fecretoires , &
excrétoires avec liberté , & viteffe ,
plus les fecretions, & les excrétions fe
font promptement, & abondamment, '
Sc au contraire- Il y a auffi deux efpe-
ces de mouvemens inteftins, qui font
réglés par le mouvement progreffif du
fang. Le premier, eft celui qui caufe la
chaleur -, le fécond , celui qui donne de
la fluidité aux liqueurs, & fait un mé- \
lange exad, & intime de leurs parties
folides s & fluides. Car la forte , &
continuelle contraction du cœur , &
des. arteres, prefîb le fang contre les
paroits des arteres, & fes parties ful-
phureufes s’échauffant par le mouve¬
ment inteftin 5 & le broiement quelles
fouffrent , communiquent à tout le
corps la chaleur q u’elies ont conçue ; &C
la contraétion des folides , aidée de
V agitation intérieure des parties des li¬
queurs , mêle intimement les parties
folides du fang, avec les fluides, afin
quelles puiflent paflèr librement par
les plus petits vaifleaux capillaires. Il
RAISON N e' î. 6$
J à encore deux àutres mouvemens in-
teftins des liqueurs, qui ne dépendent
pas du mouvement progreffif du fang,
mais plutôt d’une efpece de repos -, ou
du moins d’un rallentiffement du mou¬
vement de cette liqueur. Je les appelle
mouvement de fermentation , & de
tranfmutation. Le premier, fe voit prin¬
cipalement dans les premières voies,
où il opéré la réfoîution du tiflu des
alimens, les volatilife-, & leur donne
une efpece d’acidité ; le fécond, eft ce¬
lui qui fait prendre à une liqueur la
forme d’une autre, qui l’adapte à cer¬
tains pores, & la rend propre à cer¬
taines parties ; tel eft celui qui change
le chyle en fang, la férofité fulphu-
fetife en bile, le chyle en lait, & qui
dans l’état de maladie fait prendre aux
humeurs bien temperées la qualité nui-
lible de celles qui croupiflent. Car.
comme on voit un peu de levain aigrir
tine mafTe confidérable de farine , un
peu de vinaigre , aigrir une grande
quantité de vin, de même on voit les
humeurs de notre corps, furtout quand
elles ont croupi pendant quelque tems,
avoir la vertu d’imprimer le carac¬
tère pernicieux qu’elles ont contraaé
€Af La MEDECINE
à celles qui viennent s’y mêler.
IX- Le cœur, les artères, & les fo»
lides de toute efpece, mettent en mou?
vement , & en action les fluides , &
règlent leur mouvement circulaire ;
mais comme ils n’ont point de mouve¬
ment par eux-mêmes, & de leur na¬
ture , il eft néceflaire que celui qu’ils
ont ait un principe qui leur eft étran¬
ge
SCHOIIE.
Les Anciens fèfoient dépendre tous
les mouvemens qui fe font dans les
animaux d’une ame , a qui ils don-
noient un mouvement intérieur , &
qui devenoit le premier mobile. Mais
comme on ne conçoit pas ce que c’é-
toit que cette ame, ni de quelle nature
elle étoit, on peut regarder cette cau-
fe comme une pétition de principe,
pour me fervir d’une expreffion ufitée
çn Logique. Car de ce qu’à certaines
penfées, certaines impreffions, ou mê¬
me quelque ade de volonté, il fe fait
des mouvemens dans les parties ioli-
des, il ne s’enfuit pas que tous les mou¬
vemens qui fe font dans le corps, èc
fartout ceux qui entretiennent la vie .
raisonne 'fi. 6 $
& îa fanté, doivent fe rapporter à là
même caufe. Car toutes les perfonnes
imbues des principes d’une Phyfique 3
& d’une Medecine folide, nTgnorent
point, ou ne doivent point ignorer,
que tous les corps ont une force aétive
innée pour fe mouvoir ; que l’un agit
fur l’autre ; que de-là s’enfuivent diffé-
rens effets ; & que les Anciens étoient
-dans une erreur groffiere , quand ils
penfoient que tous les corps étoient
purement paffifs , & a voient befoin
d’être mis en mouvement par un autre
agent, ou ame diftinguée eflèntielle-
ment de îa nature du corps.
X. Le mouvement, la vigueur » le
ton , la force de contra&ion , & de
reffort du cœur, & dé routes les par¬
ties motrices , dépendent des fluides
extrêmement déliés qui font dans le
cerveau, les nerfs, & le fang même*
SCHOLII. |
Ce théorème étant d’un très-grand
tîfage pour les explications raifbnnées
des maladies, mérite d’etre établi fur
des raifons folides. i°. Une expérien¬
ce invariable nous apprend , que tout
organe,, quelque fain que foit lénifia
Terne IIL F
66 La Medecxne
de Tes parties , quelque entier qui!
foit, & exempt de toute léfion , eft
incapable de Elire le moindre mouve¬
ment , fi on lie , ou l’on coupelles
nerfs, ou les artères qui s’y diftribuent;
preuve évidente que fon mouvement
dépend des fluides que ces parties y
apportent. 2 Voici une expérience
que nous avons répétée plufieurs fois,
êç qui mérite une attention particu¬
lière. Le cœur d’un poiflon jetté dans
l’eau chaude, peu de tems apres avoir
été tiré de fa poitrine , celle de fe mou¬
voir , ce qu’il eut continué de faire en¬
core long-tenus ; & recommence à fe
mouvoir, li on le jette dans l’eau froi¬
de ; d’où je -conclud qu’il y a dans le
cœur une caufe matérielle de mouve¬
ment ; fans quoi la chaleur, & le froid
n’y cauferoient pas d’altération. Une
autre obfervation , non moins digne
d’être remarquée , c’eft que fefant for-
tir le fang des veines coronaires , au
moïen d’une incifion , les pulfations
ceflent tout à coup. 11 eft donc très-
vraifemblable, que non-feulement le
fluide qu’apportent les nerfs , mais le
fàrig diftribué par les àrteres capillaires
dans les organes du mouvement, les
R A I S Ô N N e'e. 67
fibres motrices, & les membranes muf-
culair.es , les nourrirent moins, qu’ils
ne fervent à leur donner le reflort, la
vigueur, & la force de fe contra&er ;
& c’eft la raifon pourquoi les . trop
grandes pertes de fang diminuent la
force, le ton , & le reflort des folides,
& que les forces du corps, quelques
affoihlies qu’elles foient, augmentent
par la formation d’un fang abondant s
& bien conditioné.
XL La partie la plus dépurée , la
plus fubtile, étherée. & élaftique d’un
fang bien conftitué, eft le, principe ac¬
tif, & moteur de notre corps, èc cet¬
te partie eft principalement engendrée
par la portion la plus fubtile, & la
plus pure de l’air, & des alimens.
ScH OLI E.
Comme on voit dans la nature des
fluides extrêmement tnobiles } tels que
l’air 3 & la matière étherée 3 caufer des
effets furprenans, il n’y a pas lieu de
douter que les parties les plus fubtiles
de l’air, de l’éther, & des fouffres qui
fe trouvent dans le fang, êz la lym¬
phe , n’aient une très-grande force
pour caufer des mouvemens dans les
6 % La Médecins
corps des animaux ; furtout quand vmè
expérience invariable fait foi que les
alimens , & les médicamens compo¬
sés de parties Subtiles, & même un air
pur, augmentent évidemment k force
au corps 5 & que les alimens pefans 3
&: Pair impur les diminuent. C’eft
donc dans le Sang qu’il faut chercher
le tréfor de la vie, & des forces, com¬
me. les Anciens y plaçoient leur efprit
vital. Hippocrate (^).afluroit que lame
de l’homme Se nourrilfoit d’une Subs¬
tance pure, & diftinguee ; qui Se fé-
paroit du làng ; peut-être par la raifon
qu’il remarquent qu’un làng bien tem-
peré, & bien, conftkué , contribuoit
beaucoup à entretenir la làgelle,
XIL L’air eft indilpenfabfement né-
celïaire pour entretenir la vie des ani¬
maux j tant à raifon de fon relïbrt, &
de Sa peSanteur, qu’à caule de Son mé-.
lange avec Vêlement três-limple 3 U
três-agih^de l’éther, que quelques-uns
regardent comme une ame, &: un ef¬
prit j dont l’air eft le véhicule*
SCIIOLIE.
Hippocrate a donc raifon de dire ,
(a) Lib. de Cord. §. 8.
iAISOSNB^ éf
qtlV/ /kùe beaucoup fîattention a la
force de l’air , ç&’i/ influe puifaniment
fur tout ce qui arrive au corps > (a) Et plus
bas, que l’air donne aux hommes les mala¬
dies j & la vie y - (b) & que c’eftfa cor¬
ruption qui caufe îes maladies dont les
hommes font attaqués,.. Car qti’eft-ce
qui ignore que c’eft aux changemçns
que l’air éprouve , que les maladies
épidémiques, fimples, ou peftilentiel-
îes, & celles qui reviennent dans cer¬
taines faifons déterminées , doivent
leur naiffance î D’où il -fuit naturefle-
inent,, que l’air a plus de force pour
altérer la conftitution du corps >. que le
régime même ; parce que noir-feule¬
ment l’air dans la refpiration eft reçu
dans les poumons ., & que notre corps
en eft entièrement enveloppé » mais
qu’il pénétre dans le fang meme au
moïen des alimens qui lui fervent de
véhicule. Or fa pefaateur , & l’aug¬
mentation de fon reflort dans les pou¬
mons y y hâte la circulation du fang 3
' {a) Aer in omnibus spu& covpori acciduntma-
ximusefi autor & dominas, cujus patentiam di¬
ligenter refpicere oportet. Hipp. Ltb. de flatib. §.4,
(b), MonaUbus vii&ac morbsrum stgrotït aer ejb
autor. Ibid- §;. 6 .
e>7 La Medecini
I anime, & le rend propre à parcourir
tous les vaiffeaux du corps ^ ce que Ton
épaiffeur le rendoit incapable de faire ;
au dehors là pelànteur conferve l'équi¬
libre entre celui du dedans, & celui
de dehors ; & celui qui eft contenu
dans le fang, à raifon de fon refîort,
& de fa vertu expanlive , anime les
mouvemens des folides ; de forte qu’il
n’eft point étonnant que la force de
l’ame, & du corps, augmente, ou dimi¬
nue , fuivant les differentes dilpolitions
de l’air. Et même li l’on confulte les
Anciens, & furtout Hippocrate , on
verra clairement que ce qu’ils enten¬
dent par l’ame , n’eft autre chofe que
l’air.,.ou pour mieux dire l’éther- C’eft
ce que prouvent ces paffages , dont
l’un tiré de fon Traité du Régime , porte
que tome augmente , & devient trés-fage ,
quand elle eft également temperée de feu >
& d’eau ; (a) &r un autre, c’eft dans la
chaleur que conftfte l’ame qui nous fait vi¬
vre i (b) un troiliéme , le fang corrompt
- (a) Anima kominis augetùr ,-fapientijftma eft ,
qu& ignis & aqu& habet tempéramentam. Hipp¬
ie. de Di&t. §,. g. "
Calere commetur anima qua vivimuz*
Hipp. Lib. de Sanit. tuenL
R A î S O N N e' e» 71
famé ; (afi & enfin , famé des hommes fs
produit continuellement , çéft-k-dire, végété
jufqu'a la mort, (b)
XIII. La ftru&ure des parties foli-
des, qui font les organes des mouve-
mens, ne contribue pas peu à confier-
•ver l’égalité de l’impulfion , & du
mouvement du fang.
ScHOlI E*
' Perfonne n’ignore que les parties fo~
lides de notre corps 11e font compofées
que de fibres, & de filamens. Ileft done
très-important de connoître la difpofi-
tion de ces fibres élémentaires des par¬
ties folides ; fil elles font tendues, ten¬
dres , folides , compactes , fiafques
groffieres, épaiffes ; parce que, fiuivant
ces difpofitions , elles ont plus , ou
moins’de force pour réfifter à l’effort
des fluides , ou pour les pouffer. Il ne
l’eft pas moins de fia voir fi le corps eff
compofé de vaiffeaux plus gros, & en
moindre quantité , ou jaltis ^petits, &
en plus grande quantité; Car j’eftime
(a) Sanguis animant vitiat. Ibid.
(b) Rominum anima femperproducitur , idjfi *
vegetatur ufque ad mortem. Hipp. Lib, VI. Epi~
7* La Médecins
que c’eft du différent tifîu , & de U
différente ftrudure des parties folidcs,
que dépendent pour la plus grande
partie les temperamens, & le mouve¬
ment du fang. Et comme la difpofi-
tion des fibres varie fuivant Page, le
fexe, & même fuivant la difpofition
originaire qu elles reçoivent dans le
fein de la mere, il nef! point étonnant
que les âges, & les fèxes , aient leurs
• maladies particulières, & que quel¬
ques-unes foient héréditaires.
XIV. Cefl: une loi confiante du mi-
crôcofme, que le maintien des mou-
vemens vitaux demande une jufte tem¬
pérature, & proportion dans le fang,
ék. les humeurs.
ScHOIIEr
L’expanfiou , & la contradion li¬
bre, & convenable des membranes des
vaiffeaux qui fervent à la circulation
des liqueurs , demande que les hu¬
meurs ne pechent, ni par excès, ni
par défaut. Car un trop gros volume,
ou trop de réfiftance dans les liqueurs,
diminue confidérablement le reflort
.des vaifîeaux ; ce qui rallentit la circu¬
lation a contribue beaucoup à eau-
fer
B. A I S O N K è' Ê . 7 |
fer des ftagnations, & des corruptions
■des liqueurs ; & fi elles font en trop
petite quantité, la dilatation des vait
féaux eft infuffifante , pour quelles
■puiffènt fe diftribuer aux extrémités
des vaifleaux capillaires des membra¬
nes qui compefcnt les canaux qu elles
parcourent, &: qui doivent aider leur
mouvement de refîort. Il ne faut donc
point setonner, que dans ce cas la pul-
fation du cœur, & des arteres devien¬
ne plus languiflante , & que tout le
corps s’aftbibliCe.
XV. C’eft encore une loi de la na¬
ture, pour que le fang foit propre à
entretenir les mouvemens vitaux,que
les parties eflèntieîles dont il eft com-
pofé foient exactement mélangées.
ScHOIIE.
Les élèmens dont le fang eft compofe»
font rhuiIe,lefoüffre,laterre,& l’eau,&:
la perfection de leur mélange, confifte
en ce que le folide ne foit que la qua¬
trième partie du tout, ou aux envi¬
rons; comme il paroît par l'évapora- ,
tion faite à feu lent du fang d un hom¬
me fain. On ne peut déterminer de
même la proportion du principe ful-
Tame III. G
74 La Médecine
phureux au terreux , par rapport au
changement qu’y caufent la différence
des ali mens , 5c les mouvemens pro-
greffif, 5c inteftin du fang. Il étoit né-
ceffaire que le fluide excédât le folide
dans la proportion marquée, afin que
le mélange qui en réfuite , put paffer
librement par les défilés extrêmement
jétroits qu’on trouve par toute notre
machine, qui eff entièrement hydrau¬
lique.
XVI. La meme loi de la nature
veut qu’il y ait un mélange exad des
parties folides, fulphureufes, terreu¬
ses , 5c mucilagineufes,
SCHOLIE.
À faute du mélange exad des folides
5c des fluides ., ces derniers fe fépare-
roient aifément des autres ; ce qui cau-
feroit néceflàirement des obifeudions
d une partie des petits vaiffeaux. C’eft
pour prévenir cet inconvénient, que
la prévoiante nature a compofé plu-
fleurs vifceres, furtout les poumons,
5c la rate, d’un nombre infini de petits
vaiffeaux, dont la preffion, 5c la con¬
traction obligeant le fang de paflèr par
une infinité de détroits, féparent ftl
parties fotides en globules très-petits s
. qui,nageant dans le liquide qui les en vi¬
ronne , ont plus de facilité à achever
leur circulation par tout le corps. Et
c’eft par cette raifbn que Pobftrudiois
qui fe forme dans ces vifceres, favo-
rife la génération de beaucoup de ma¬
ladies , en caufant des altérations efïèn-
tielles au tiffu du fàng.
XVII. Il eft aufîi dans l’ordre, 8c
conforme aux loix que la nature a éta¬
blies pour la confervation du micro-
cofme, que le fàng foit bien temperé ÿ
c’eft-à-dire , dégagé , & purifié de
toutes parties falines , fulphureufes »
mucilagineufes, excrémenteufes ; fans
quoi il y a du dérangement dans les
fondions qui fe font dans le corps hu¬
main,
SCHGLIE.
C’eft par cette raifon que la nature
a. tant multiplié les excrétoires , qui
-doivent donner continuellement i fine
aux parties inutiles, &: ufées, de diffé¬
rentes efpeces. Car plus le fang eff char¬
gé d’impuretés excrémenteufes, moins
il convient pour la fanté 5 il devient
même une caufe de maladie, & de la
Gij
7 6 La Medïcïne
tnort. Par où l’on peut juger de l’ex-
trcme néceflité des excrétions pour
conferver la fanté, & la vie.
XVIII- Les mouvemens vitaux du
fang, que nous avons .appellé progref-
fif,& inteftin, font de telle nature,
qu’ils aétruifent à la fin le mélange
éxad du fang le meilleur, & le mieux
proportionné , & le rendent intem-
peré, & inutile à la confervation de la
vie. De-là vient qu’il eft nécelfaire
que les parties inutiles, & excrémen-
teufes fe féparc-nt, & feient pouflfées
Lors du corps, & remplacées par d’au¬
tres d’une nature témperée. 6
S C HOLI E.
Ce theoreme fait toucher au doigt
la railbn pourquoi l’on ne peut vivre
long-tems, être fort , ou jouir d’une
bonne fanté, fans alimens, & fans ex¬
crétions. Car la chaleur, qui a’eft au¬
tre chofe que le mouvement inteftin
du làng , en conféquence du mouve¬
ment progreffif, attaque fans cefîe la
température de cette liqueur , qu’elle
change en excrémees falins - fulphu-
reux, mucilagineux, dipofé à la cor¬
ruption , de forte qu'elle a confe
K A i s o n hb's.' 77
Mieilement befoin d’être rafraîchie par
îaflbciation de nouveaux fucs bien
conditionnés. Ceft donc- au moïen de
l’alternative continuelle de fucs intro¬
duits dans le corps, & d’expuMion d’au¬
tres , qu’il fs conferve f & fe préferve
de la corruption t Ceft donc avec là'
fageffe ordinaire , qu’Hippoerate {a}
demande pour la fanté de l’homme y
& la bonne dilpofition de tout le corps»
l’intégrité de toutes les circulations .»
de l’ulage des alimens , & des fbcre-
tiens. Mais il explique ailleurs plus-
pofitivement, & plus particulièrement
la nature de la fanté, qu’il fait conlif*
ter dans l’alternative réglée de fucs in¬
troduits dans la mafie du £ang, fë-
parés dé ce liquide. Voici comme il
en parle., Ceft par le moïen des alimens
que les liqueurs viennent dans le corps 3 & y
demeurent. Maïs s 'il en feraient de nou-
y elles le lendemain, les premières répandues
fart ont , ■& atténuées' par la chaleur , font
ehaftées par les fécondés, & prenant avec le
tems une mauvaife odeur y fartent avec les ex
erémens grojjiers 3 & l’urine en égale quan¬
tité , & en même poids que tes alimens que
mt été pris fou , s’il en demeure quelque
(a) Hipp. Lib. de Infomn. §. la.
G Ü),
7$ Là Medeçiw*
partie dans le corps , elle en efi ch affée te trê*
fi'eme jour par l’ arrivée de nouvelles liqueurs $
& ceft ainfi que la fant'e fe conferve. (à) If
dit au même endroit, que l’humide qui
refie dans le corps lui donne de la force ; (b)
&: un peu aprèsil ajoute , fi l’humide-
refie plus de trois jours dans le corps, & qu’il
s’en joigne d’autre en grande quantité , les
veines venant à s’échauffer , & fie tendre 3 il
taufe plus , ou moins de mal. (e)
XIX. Enfin e’efî; une loi de la natu¬
re , pour qu’une perfonne qui ne croît
plus j fe porte bien, il faut que le poids;
(a) Per ingefia humer ad corpus venir, & m
■go manet ; fipoftridie vero alius ad ipfum accedii,
'tum prior caliditate diffufus, & tenais faBus , à
recenti expellitur , tempore graveolens faBus ,
nna cum fier cor e & urina exit copia ipfejîbi &qun“
Us , conjtmilir, & equilibris ; etiamfî pars qm-
Bam fit que, maneat in corpore , tamen tertia die.
Jinovus injluit humor , rurfus fecedere debet ,at~
que hoc modo fanitas conîingere folet. Hipp • do-
morb. Lib.IV. §. 16 .
(b) Humor in corpore manens rohur exhiber..
Ibid.
(c) Si humor plüribus quam tribus diebus in¬
corpore permanent, aut alius multus implens ac~
cédât-, venis calefcentibus, & fiantibus , majus-
aut minus malum facit. Ibid. Ces trois paflage»;
ne font qu’un extrait du texte d’Hippocrate s
trouvera en entier aux p. $03. & §04. dt"
l’édition de fis Œuvres par fo’éfius..
k A i é 6 n N /t. jp
de cé que les excrétions font fortir y
foit égal à celui des alimens qu’il a-
pris.
SéHoiiÊ.
Pour prouver cette vérité , qui elt-
d’un très-grand ufage; en Pathologie *
il ne faut qu’une balance. Car fi l’on
pefe exactement une perfonne , & les
alimens liquides , ou folides qu’elle
peut prendre en trois jours, alimens f
qui, fi elle efi robufte, 8c qu’elle fati¬
gue , peuvent monter aifément à cin¬
quante livres, & qu’on la repefe apres
les trois jours, on ne la trouvera pas
augmentée de poids, ou, s’il en eff au¬
trement , il s’enfuivra plufieurs incom¬
modités. D’où il fuit, que dans l’état
de fanté, l’on perd autant quei’on ga¬
gne. Il eft donc très-important pour
prévenir les maladies , & s’affurer de
la fanté, d’examiner attentivement fi
les excrétions répondent aux alimens
3 ui ont été pris. Car li elles n’y répon-
ent pas , les femences des maladies
font déjà jettées. Et en effet, tout l’art
de la Diettetique fe réduit à entretenir
cette proportion.
XX. Suivant le calcul de San€to
G iii’j.
^o. La Médecine
rius, l’excrétion qui Te fait par la tranf-
piration infenfible eft beaucoup plus
confiderable qu’aucune autre. Ainfi fa
fuppreffion , ou fa diminution, porte
beaucoup de préjudice à la fanté.
S C H O L I F.
C’eft donc avec vérité, & juftelfe,
qu’Hippocrate avance ce principe, que
fi ion trouve la jûfie mefure d’aliment , &
de travail qui convient, à chaque ’fujet , de
forte qu'on ne peche , ni par excéj,nipar défi
faut , on a trouvé le moïen fur de cdnferver -
lapante, (a) La râifon en eft claire ; puif-
qu’il eft notoire que le travail , &
l’exercice du corps , animent parfaite¬
ment la circulation du fang, &: par
conféquent excitent, <k augmentent
la tranfpiration.
XXI.. Comme la force du mouve¬
ment périftaltique doit pouftcr fans
ceflè vers le dehors du corps les feces
qui reftent dans les inteftins après la
folution , & l’extraélion des aîimens,
(à) Si inventa, fuerit ciborum menfura., & la~
horum ad unamquamque naturam numerus , ita
ut excejfus nequefupa , neque infra modumfiaï,
inventa, fane exacte fuerit homïmbus fanitaè.
Hjpp. Lib. I. de Dut. §.3.
' RAISONNEES. $1
Sz avec,elles lefu perdude labile, &
= ; beaucoup de mucofîté , il eft évident
que rien ne contribue plus à entrete¬
nir la fànté, que la confervation de la
liberté, de l’égalité, & du degré con¬
venable de force de ce mouvement,
& que fon dérangement caufe au corps
des maladies très-férieufes.
Scholie.
H eft inconcevable combien une li¬
berté convenable du ventre, qui a fa
caufe dans la jufteflè du mouvement
périftaltique, ou vermiculaire des iri-
' teftins, contribue à entretenir la fànté,
& à éloigner les maladies. Un autre
avantage du bon état du mouvement
périftaltique, c’eft que la diffolution
des alimens, leur extraétion parfaite 9
rentrée du chyle dans les veines lac¬
tées , & fon mouvement progreftif
dans ces mêmes veines, fè font beau¬
coup mieux. C’eft donc travailler très-
utilement à la confervation de fa fàn¬
té , que de fe mettre parfaitement au
fait des chofes qui peuvent conferver ,
détruire , ou affoiblir le mouvement
périftaltique.
XXII. Comme les excrétions ne font
Tome 111* ! G
§2 La Medecini
prefque jamais géométriquement pra-
portionnées à la quantité d’alimens
quon a pris, & que les corps de cer¬
tains fujets font plus difpofés que d’au¬
tres à amaflfer une grande quantité de
fucs, que quelques-uns y contribuent
pa.r leur vie oifive, & fèdentaire il fe
fait ordinairement plus de'fang, qu’il
n’en eft befoin pour la nourriture du
corps , & la confervation de l’égalité
des mouvemens vitaux ; comme on le
remarque principalement dans les fem¬
mes , & dans les hommes d’un tem¬
pérament 'fanguin-, & qui ont l’habi¬
tude du corps fpongieufe. C’eft donc
avec beaucoup d’utilité qu’il furvient
dans cet état un mouvement fpafmo-
dique contre nature , qui évacue le
fuperflu des humeurs, même bien con¬
ditionnées , chez les femmes par les
vaifleaux de l’uterus, &: chez les hom¬
mes , par les hemorrhoïdaux.
XX1IL On ne fauroit dire combien
ces excrétions fanguines font fàlutai-
res. Il n eft donc pas étonnant, que
leur dérangement, ou leur fuppreffion>
produite par une caufe violente , en¬
gendre une fi grande quantité de ma¬
ladies , comme on le fera voir plus au
long. r
ràïsonhe's.
XXIV. Puifque rien ne contribue
plus à la fànté , 8c à la vie, que la li¬
berté qu’ont les liqueurs de circuler
fans celle dans notre corps 3 machine
purement hydraulique , & unique¬
ment tiflue.de vaiiTeaux, 8c même de
s’écouler quand il en eft befoin, il s’en¬
fuit qu’il faut non-feulement que ces
liqueurs foient fluides , mais que les-
infinimentpetits canaux dont font corn-
pofés 3 furtout les vaiiTeaux fecretoires*.
8c excrétoires , fe maintiennent ou¬
verts , 8c ne s’affàiflènt pas.
S c h o r i Ei»
Par où l’on voit clairement combien;
eft nuifible 8c contraire à la fanté ^
ïépaiTeur.j Ou la vifcofité du fimg, 8c
des humeurs. En effet , elles devien¬
nent une fource féconde d obftrudions;
dans les petits canaux qui compofenr
prefque tous lesvifceres. Or je ne crois-
pas qu’on trouve de Médecins qui
©fent nier que les obftruétiôns dès vif»
ceres , qui dégénèrent promptement
en fchirre 3 ou en-corruption 5 ne foient:
les caufes d’une grands quantité da
maladies chroniques-
XXV. Puis donc que fa bafe: de m
^4 La Médecins
corifervation de notre corps, très-difo
pofé de lui-même à la putrefadion,
eft 1 écoulement continuel des liqueurs
inutiles , & intemperées , & l’abord
continuel de licjueurs bénignes , &
bien conditionnées, il faut faire ufàge
de ce qui entretient lés excrétions, &
de ce qui peut utilement remplacer c£
qu’elles font perdre.
Sc H Ôil E„
C’eft ce que fait l’ùfage raifonnabîe
des fix choies que Galien a appellées
non naturelles. Car c’eft lui qui donne
la faute , &: la vie , comme l’abus de
ces mêmes chofes caufe les maladies ,
& la mort. Quelques-unes de ces cho¬
ies, comme les aKmens , le repos de
l’efpritj & du corps, le fommeil y con¬
tribuent à produire, & retenir.les focs
utiles à notre corps ; d’autres, comme
le mouvement, & l’exercice , & la;
veille font fortir celles qui font inuti- ■
les.- Quant à l’air , & aux paffions de
l ame , telle eft leur nature que félon
leurs différentes difpofitions , ils- af-
fedent principalement les parties foli-
des, & leur impriment différons mon-
vemçns.'
RAISONNE*®.
XXVL L’ulage des chofes non na¬
turelles étant indifpenfable pour la
eonfervation de la vie, <k de la fanté,
& étant caufe de la mort, &: des ma-*
ladies , le Médecin ne peut trop s’ap¬
pliquer à connoître ce qui eft nuifible,
& propre à caufer des maladies, & ce
-qui pçut faire l’effet contraire.
S e h o l 1 E.
C’eft ce qui fait voir évidem¬
ment combien il eft utile au Médecin
de connoître parfaitement la nature,
les forces, & les propriétés de l’air,
des eaux , des alimens , des pais ,
& de la maniqre .de vivre , & com¬
ment toutes ces chofes contribuent à
la fanté, ou à la génération des mala¬
dies. C’eft une vérité que le foin , &
l’exa&itude avec lefquels Hippocrate
a traité des matières purement phyfl-
ques , comme le régime,, l’air / les
■eaux , & les lieux, les alimens, l’ufa-
v ge des chofes humides, les vents, prou¬
ve qu’il connoifloit parfaitement. Nous
parcourrons, Dieu aidant, tous ces ar¬
ticles par la fuite, & nous feront voir
au long comment chacune de ces cho¬
ies peut concourir à caufer des mala¬
dies.
%6 La MEDECINE
XXVII. Un des principaux fonde-
anens de la Pathologie, eft que notre
corps eft -une machine fi artiftement
.compofée, qu’il y a une telle liaifon
■entre fes parties folides , & fluides,
qu’elles agiflènt réciproquement l’une
contre l’autre , comme il arrive dans
les machines de notre invention ; &
que tout vice, ou léfion , de quelque
partie folide, ou fluide, influe fur le
tout , & dérange la téralité des mou-
vemens*
S .C HO X I E.
On ne peut rendre raifon de düfé-
rens fymptômes, & fouvent infolites,
flans favoir parfaitement comment les
léfions des parties fluides, à râïfon de
leur température, & de leur mouve¬
ment , fe communiquent aux parties
folides , mufculeufes , & nerveufes ,
Sc comment les mouvemens défordon-
siés de celles-ci dérangent la tempéra¬
ture , le mélange, & le tiffii des flui-*
«des ; & comment une léfion confidéra-
ble d’une partie nerveufe fe communi¬
que à tout le fyftême des nerfs, & des
membranes , & caufe des altérations
flans les fluides» Je renvoie fur ce fuj et
RA I S <3 N N E * £. tj
k ma Dijfertation , j’établis que les mou*-
vemens Jj/mpathiques font le principal fonde*
ment de la Pathologie , & de la pratique
Médicinale, (a)
XXVIIL C’eft une chofe étonnant?
«que la correfpondance, &c la commu¬
nication qui le trouvent entre les par¬
ties nerveufes, & prefque tout le corps,
Sc HO LI E.
C’eft cependant une vérité que beau*-
coup d’exemples rendent fenüble. Car
qu’eft-ce qui ne fait pas que la bleffure
d’un nerf, ou d’un tendon, par exem¬
ple , dans une faignée mal faite, la pic-
queure d’une guefpe, la comprefïion
violente 9 le picotement, ou le tiraille¬
ment des membranes nerveufes, par
un ver, ou des vents,'caufe des fiè¬
vres , des délires, des foiblefles, des
mouvemens épileptiques, des convul¬
sions ?
XXIX. Le ventricule, & les intes¬
tins , font de toutes les parties celles
qui ont les rapports les plus intimes
avec les parties nerveufes, & tout le
corps.
(a.) Dijfertatio de confenfu parttum pr&cipuê
Pathologie,, &prxzeos M.edïc&fimdamenio,
SS ,La Médecine
S C H O L I E.
C’efl: ce que prouve évidemment ,
fans parler d’autres preuves, la quanti¬
té de fymptômes cruels qui naifîent de
Térofion du ventricule par un poifon
qui y eft entré ; tels que font le froid
des extrémités , accompagné d’une
fueur froide, la difficulté d’uriner, la
fynoope , les convullions, des tran¬
chées violentes, d’extrêmes inquiétu¬
des dans les parties voifines du cœur,
la difficulté de refpirer, l’épilepfie ,1a
•paralyfie , l’inflammation du gofier,
la difficulté d’avaler, les agitations in¬
volontaires , une infinité d’autres
accidens. Audi eft-ce ce merveilleux
rapport de l’eftomac avec tout le corps
qui a déterminé Van-helmont à met¬
tre dans l’eftomac le liège de l’ame
fenfitive. t -
XXX. Il y a un rapport très-étroit,
& une communication réciproque en¬
tre les opérations animales, le fluide
nerveux, & celui du cerveau, Sz iss
fondions vitales.
SCHOIIL
C’eft par çette raifon que les blefîu-
res
& X I s o nn e'E. 8 V
ï'cs de la tête , accompagnées de pic-
queiire, ou d’irritation de la dure mere,
font fuivies de vomiflèmens, de mou-
vemens convulfifs , Bz même de fiè¬
vres ; que Fextravafation du fang dans
la bafe du: cerveau, arrête enfin le
mouvement du cœur, Bz des arteres y>
que la force, le fentiment, Bz la nu¬
trition diminuent dans les parties pa¬
ralytiques , que la circulation du fang,
s y ralientit, & que le pouls y devient
plus foible ; que dans les paffions vio¬
lentes , comme la colere le cœur pal¬
pite, de fe contraire très-fortement y
de forte que le làng coule dans les vaifo
féaux, comme pendant la fièvre ; que
la fraïeur reflèrre les parties extérieu¬
res du corps, arrête le fang: dans le vol-
finage du cœur, rend le pouls petit
foible , & inégal 5 que les longs cha¬
grins , les longues inquiétudes, les mé¬
ditations profondes , dérangent la ten-
fion , dé le mouvement périftaltique
de Feftomae, Bz des inteftins, Bz trou¬
blent la digeftion , Bz Tes excrétions-
qui fe font par le. Sas ventre j que le-'
dérangement de l'imagination impri¬
me aux vifceres un mouvement étran¬
ger . comme le vomiflèment, ou l’en-
Tome. ILE. Hl
90 E, MEDECINE
vie de vomir à la préfence d’un objet
défagréable , un influx abondant dir
lang , & du fuc nerveux dans les par¬
ties génitales à l’afp eéfc dune femme
aimable, & les marques avec lefquél-
les naît quelquefois le fétus, à l’occa-
flon des mouvemens déréglés de l’ima¬
gination de la mere; enfin qu’une odeur
agréable caufe de violentes convulfions
aux vifeeres du bas ventre , & que les
défagréables appaifent ces mouvemens.
Ces exemples font des preuves parlan¬
tes de la correfpondance intime qu’il
y a entre le cerveau, & les nerfs, &
les parties folides, <k fluides de notre
corps.
PHILOSOPHIE
du Corps Humain balade ,
o v
LA PATHOLOGIE GENERALE.
*58 -W. *(¥. .«H* #f -W. W,
PREMIERE PARTIE.
De la nature y de la Mon r des Mœ*
■- ladies é* des mouvemens-Mala¬
dif s, & des lôix que fuît la Na¬
ture dans la génération des Mala¬
dies y des Symptômes, & des eau-
fes des Maladies r
C H A P i T R E I.
Be la nature y & des caufes de U Mm*
L A vie étant îk marque de la
||^J| confervation du corps animé*.
& de lui-même très-difpofé
U- là- corruption , au moïen du mouve>-
5)2. La Médecins
ment interne des folides, & des flui¬
des , & furtout de la circulation du
fang, la mort eft une deftrudion tota¬
le de la circulation du fang, & la par¬
faite celfation des mouvemens qui fe
doivent faire dans les folides, & les
fluides, qui entraîne après foi là cor¬
ruption , & la putréfaction du corps...
ScHOLIE.
Hippocrate a très-bien donné lès
eaufes méçhaniques de la vie, & de la
mort | quand il. dit que., tant qu an hom¬
me eft vivant 3 fesfteines font ouvertes , reçoi¬
vent , & laiffent fortir les humeurs , & que
quand il eft mort , elles fe ferment , & s’af-
faijfent.. (a). Mais les moins clairvoians
s’a pperçoi vent que les- définitions que
les Anciens nous ont données dé la
mort, en difant que c’eft la féparation
de l’ame & du corps, la ceflàtion des
opérations de l’ame fur le corps , la
deftruéHon du lien qui unit la chaleur
innée &: l’humide radical , ou , fui-
vant Galien, l’abbattement, ou ladef*
(a) Donec vïvit homo vena aperU funt: y &
fttjeipiunt & dimittunt humorem ; ubi 'vero tnor-
tuus fuerit., dauduntur, & exténuantur, Hipf»
Lib, IV, de Morb, §,
& A ISO NÎÎff % ■ ;$'f
ffuâîon totale des forces, oü despuif*
lances du corps , par le défaut de la
chaleur innée dans le cœur , ne font
rien moins que parfaites,& complexes;
Car ces termes, dame, de chaleur in¬
née , d’humide radical, que l’ignoran¬
ce a inventés, & que les Anciens nous
ont donnés pour des eau fes de la vie r
ne préfentent point une idée allez clai^
. re pour connoître par oppofition ce;
que c’eft que la mort, & pour fervir
de. baie à un raifonnement folide ; ce
qui eft cependant eflentieî à une défi¬
nition réelle. Il faut pourtant excu-
fer ces erreurs dans les Anciens s qui ne
■eonnoifloiéae point la circulation du
fang, découverte d’un prix infini, &
à qui , entr’autres obligations , nous
avons celle de fa voir, que quand l’a¬
bord de cette liqueur dans une partie y
©il dans tout- le corps, ou fon retour au
cœur , trouvent- des obftaeles infur-
montabîes , non-feulement toutes les
fondions du corps cefîent, mais qu’il
tombe fur le champ dans la corrup¬
tion } & la putrefaétion.
IL Une expérience certaine , inva¬
riable , & confirmée journellement
par desexcmples, prouve quel’extinc?
$4 MËDïcïïrË'
don totale de la fyftole & de îadîaf-
tole du cœur , & des arteres , & la
perte complette du ton, & de la force
des fibres, caufe non-feulement un ar¬
rêt du mouvement progreffif du fiing r
mais l’extinélion fubite des penfées, des
fenfations , de la chaleur, dès forces ^de¬
là refpiration, & du mouv-ement de$
parties.-
S e H O E I E„-
II faut fe garder de confondre avec
la mort , qui eft une deftructîon fi
complette des mouvemens, qu’ils ne'
peuvent être rétablis y une fyncope,
qui n’eft qu’une eefîation pafîagere du-
mouvement du cœur , & du fèng, fi©
vie cependant de celle des penfées , des-
fenfations des forces , & des mouve¬
mens. La méprife ferait extrêmement
dangerenfecomme il paraît par le
malheureux exemple du reftaurateur
de l’Anatomie, lexélébre Vefàle, qui r
appellé pour ouvrir une femme hyfte-
rique qu’on croioit morte, n’eut point
précaution de bien conftater lé fait,
avant de procéder à l’opération. Au©
a peine eut-il enfoncé le biftouri, que
ses mouvemens 3 . &: fes cris lui firent
k A’rs e'^ îî'îV» . ff;
Cônnoître fon imprudence; quîrendit
cet homme malgré toutes Tes bonnes ;
qualités, l’objet de la haine, &de l’a~
verfion publique, & îe précipita dan&
un abîme de malheurs.
III. Il y a dès-marques pour diftin-
guer la mort véritable de la fÿncope:
qui eft fon image.
Se h ©lie;
Il eft quelquefois trés-difficiîè de dis¬
tinguer les morts de ceux qui font atta¬
qués d’une fynçope violente parce;
que le mouvement alternatif de l’air
qui entre dans là poitrine, & en fort §,
celui du cœur „& des arteres 3 eft telle¬
ment imperceptible , qu’il échappe à;
l’attention la plus fcrupuleufe. Il y
cependant des indices certains de la-*
mortcomme là froideur „ &: la pe-
Êmteur du corps, êz de toutes fes par¬
ties, l’infenfibilité aux plus fort fier-
nutatoires qu’on puiflè faire entrer
dans les narines ,1’abolition entière du
mouvement dans la région du cœur
& au col, où lès carotides font fituées ,,
enfin l’éclat d’un miroir qu on a laifîe
quelque tems appliqué fur la bouche
& qu’on en ôte fans qu’il foit terni à
r f 6 \ La MedêcïnI
mais le ligne le plus certain de la mort
sft un commencement de putréfac¬
tion.
IV. Quoique la corruption j ou la 1
putrefadion ne foit pas uniquement la
eaufe- formelle , & complette de la
mort, on remarque cependant bien
fouvent qu’elle en eft la caufe pro¬
chaine , & toujours qu’elle en eft-
l’effet.
S C H O L I El
Ce qu’il y a de fur , ceft que le
corps 3 ou une de fes parties, eft mor- S
te, quand elle eft atteinte de putréfac¬
tion , parce que fon effet eft de dé- r
truire le tifîlr des corps où elle s’en¬
gendre ; mais il n’eft pas également
^rai que. le corps ne foit pas mort,
parce qu’on ne voit point de veftige
de putrefadion. On eft'tous les jours
en état de prouver là vérité de cette
proportion par l’exemple de ceux qui
meurent d’une mort violente, caufée
par la bleflure de quelque partie no¬
ble , comme le coeur , quelque grand
vaiflèau , ou la bafe du cerveau , ou
enfin, par l’excès dit froid; Car la pu-
ttefadion dépend moins de fextinc-
tios-
•- f -J
RAISONNE E. pJ
lion des mouvemens de la machine
animale , que du long repos des li¬
queurs , & de l’a&ion d’une atmos¬
phère chaude, & humide, fur un corps
déjà rempli d’humidité.
V. Le repos parfait du cœur, &du
fang , étant la caufe prochaine de la
mort, il s’enfuit que tout ce qui peut
annéantir la fyftole, & la diaftole du
cœur, &: le mouvement circulaire du
fang , eft capable de donner la mort.
VI. C’eft avec juftefïè qu’on remon¬
te aux caufes du mouvement du cœur,
èz de la circulation du fang , pour
trouver les vraies caufes de la mort,
puifque ces caufes pofées, la vie fub-
fifte, & que leur deftrudion entraîne
la fienne.
VH. La machine du cœur ne peut
fe mouvoir, fans l’abord du fang par
les vaiffeaux, du lue nerveux par les
nérfs de cette partie, 5z fans l’entrée
du lang dans les poumons. Il faut donc
regarder comme caufe de mort infail¬
lible ce qui empêche le fang d’aborder
à fes ventricules , le fluide nerveux
dans les fibres dont il eft compofé, &
l’entrée de l’air dans les poumons»
Tome IIL
l
$$ Là Me.decins
S C H OLIE.
Nous avons vu dans la Phy biologie
que,tous les nerfs qui vontau cœur étant
coupés, fon mouvement cefle ; que h
diaftolc du cœur que caufe l’abord du
iang, eft caufe de la fyftole, & la fyfi
tole à fon tour de la diaftole, ou que
le fang meut le cœur, & en reçoit à
fon tour le mouvement. Il faut encore
remarquer qu’il y a dans les fibres du
coeur une difpofition merveilleufe, en
conféquence de laquelle leur reffort ai¬
de merveiileufement la preffion du
%g.
VIII. Une violente apoplexie, eau-
fée par l’extravafation du fang du ple¬
xus choroïde dans les ventricules du
cerveau, & la fraélure des vertébrés
du col, font des caufes de mort fubite,
à caufe de l’interception de circulation
du ftic nerveux du cerveau , ou de h
moelle de l’épine , que ces acçidcns
empêchent de le porter librement au
cœur s & aux vifceres.
IX. Une hémorrhagie exoej^ive, une
concrétion polypeufe, qui bouche l’o¬
rifice de quelque vaiffeau du cœur, l’ia-
?. I 5 0 H K e I. 9 ?
fereeption de l’air, caufent une mort
libite.
SCHOLIE,
On voit clairement en conféquence
de ces principes, pourquoi les bleffii-
res confidérables des grands vaifleaux »
la fuffocation dans l’eau , l’étrangle¬
ment, & la perte du reffort de l’air par
le mélange d’exhalaifons fulphureufes,
ou de vapeurs de charbons , ont la
force de donner fi promptement la
mort.
X. Il eft nécefîàire que les bleflures
de la fubftance du coeur , fiirtout fi
elles pénétrent jufqu’aux cavités s cau¬
fent une morr très-prompte.
S C H O L I E.
C’eft ce qui n’arrive pas feulement à
caufe de l’écoulement du fang, mais s
parce que cette machine, de qui dé¬
pend le mouvement & l’impulfion des
liqueurs, n’eft plus entière, ou eft dé¬
truite.
XI. lies poifens très-cauftiques, la
.morfijre, & la picqure des animaux
veneneux, ne caufent fi promptement
la mort, qu’au moïen des convulfions
Iij
ïoo La Médecine
violentes qu’ils excitent dans tout le
fyftême membraneux , & nerveux,
lefquelles détruifent entièrement l’é¬
quilibre des mouvemens des folides,
6c des fluides, & la liberté de celui
du cœur , & de la circulation , à
raifon des ftafes fphacéleufes, & in¬
flammatoires , qu’ils produîfent dans
îe ventricule,
XII. D’autres poifons font mortels
à caûfe d’un fouflre délié, vaporeux, v
& narcotique, qui gâte le fluide très-
fubtil ? que contiennent les membra¬
nes , & les nerfs, &: font perdre au
cœur, & aux autres folides, leur for¬
ce j &: leur contraction.
XIII. Outre ces caufes de mort
violente, il en eft de naturelles , qui
donnent la mort dans les maladies ; &
entre celles-là , l’atonie , ou le trop
grand relâchement des parties folides ,
qui donne lieu aux ftagnations, à la
ftafe parfaite des liqueurs, & à leur
corruption, mérite de tenir le premier
rang.
XIV. On remarque ordinairement
dans les corps morts de maladie des
epançhemens de fang, ou d’une férolitp
corrompue, dans la poitrine, la tête 3 U
RAISONNE^. ï 61
bas-ventre 5 ou des vifceres corrôm-
pus, fphacélés , & folides.
S c m o l 1 F.
C’eft une chofe très-digne d’être re¬
marquée , que dans la diffeéfcion dés
corps morts de mort violenté, on né
s’apperçoit, ni de maüvaife odeur, ni
de corruption , & que dans ceux qui
font morts de maladie, on remarque
prelque toujours en les dilTéquant une
puanteur conlidérable, de la putréfac¬
tion , de de la corruption.
XV. On trouve toujours en ou¬
vrant un corps, ce qui lui a caufé la
mort, quelle foit naturelle, ou vio¬
lente. -
ScHOLIÉ.
11 eft à propos de lire fur ce füjet ma
Difertation fur la génération de la mort
dans les maladies , (a) où j’ai apporté
beaucoup d’exemples , & d’obferva-
tions de fujets ouverts , après être
morts de différentes maladies , & j’ai
fait voir qu’on avoit trouvé partout
des liqueurs extravafées, ou corrom¬
pues , ou des concrétions polypeufes.
(a) Dijfertatio de générâtione mortis in morbis.
liij
toi Là Medbciks
II faut cependant prendre garde de
donner les caufes de mort pour celles
des maladies , comme font quelques
Médecins, qui veulent en impofer aux
affiftans, en leur fêlant croire qu’une
maladie caufée par une léfion suffi no¬
table de quelque partie, étoit une Ma¬
ladie incurable. Car la mort n’arrive
pas fans caufes évidentes , & mani-
feftes, mais elles ne font point tou¬
jours celles des maladies ; elles en font
plutôt les effets. La queftion dans l’ef-
pece fe-réduit à favoir fi l’on ne pou¬
voir pas détruire les caufes des mala¬
dies j & en conféqtienee empêcher la
génération de celles de la mort, que
la diffè&ion fait connoître.
XVI. La caiifê la plus ordinaire de
la mort dans les maladies, eft la cor¬
ruption de quelque vifcere, ou de quel-
S artie de l’intérieur du corps, que
fifent três-promptement les fta-
îès inflammatoires dans les maladies
aiguës, & les ftagnations du fang, &
des liqueurs dans les maladies chroni¬
ques.
S G H O L IE»
Pour prouver la vérité de ce thcore*
R À f S O N N E f'É, ÏOf
îlie, il fuffit de dire qu’à l’ouverture
des corps morts de maladies aigues ,
ou chroniques , bien que faite peu
d’heures après la mort, on voit foiï-
Vent au-dedans dtï corps la plus fétide
de toutes les putréfactions. Car les vif-
ceres, comme le ventricule, ou quel¬
que partie de%inteftins ;5 l’épiploon, le
foie, la rate, l’utérus, font fphacélés,
& rendent une odeur très-puante, du
bien il y a dans les cavités un épanche-*
ment d’une féroftté , ou d’un pus très-
fétide , ou I on trouve ça & là des abf-
eès pleins de matière purulente ; ou
enfin on trouve dans la tête des li¬
queurs eitravaféds, & corrompues-.
D’où l’on à raifbn de conclure qu’une
dès eaufes des plus ordinaires de là
mort, eft la putréfaction de quelque
vifeere , & que la putréfaction de tout
le corps j èft une fuite nécefîàire de la
mort. Je fuis donc bien éloigné dé di¬
re avec quelques Médecins , que le
fphacéle fe rencontre fi rarement, que
de cent mille hommes , à peine en
meurt-il un. Je dis au contraire que:
de cent mille , à peine s’en trouve-t’if
unqui meurefàns corruption fphacéleu-
ie, de fétide, de quelque partie interne-
ÏQ4 La M-edecine
XVII. La putrefa&ion eft extrême¬
ment contraire à la vie , parce que
non-feulement elle ôte aux parties fo-
lides, & fluides, toutes les forces qui
les font mouvoir, mais qu’elle caufe la
diffolution de la ftru&ure, & du mé¬
lange des unes, & des autres.
S c h o l i e. 7
La nature de la putrefa&ion eft telle,
qu’elle fe répand très-promptement,
& fe communique avec la même vi-
teflè aux parties voifines ; & en fécond
lieu > qu’elle abbat en peu de tems
toutes les forces, comme il paroît évi¬
demment chez ceux qui font malades
d’un cancer ulcéré , ou qui ont quel¬
que partie extérieure attaquée de fpha-
céle.
XVIII. La putrefa&ion ôte les for¬
ces , & enfin la vie, parce qu’elle pé¬
nétre , & corrompt par là puanteur
fermentative cette partie la plus pure
du fang, & du fuc nerveux, d’où dé¬
pendent la force, le ton, & le mouve¬
ment du cœur, des fibres élaftiques,
en un mot de toutes les parties lolides.
RAISONN e'e. IO|
S C H O I I E.
On fe fouviendra que nous avons dit
plus haut, que la principale caufe du
mouvement du cœur , & des autres
parties folides, eft la partie la plus fub-
tiÏ0 * firiphureufe, étherée-aê’rienne du
fang, qui fe fépare dans le cerveau.
XIX. Donc toute maladie qui caufe
une prompte corruption dans le corps,
détruit aifément les forcés, & la vie,
& doit palier pour maligne dans un de¬
gré éminent.
S'cfiOLIE.
C’eft ce que prouvent les fièvres pes¬
tilentielles, petechiales, & autres épi¬
démiques , & exanthématiques mali¬
gnes , qui font produites ordinaire¬
ment par un ferment corruptif , qui
difpofe le corps à une putréfaction très-
prompte. Mais fi la corruption putri¬
de agit, plus lentement, & réfide plu¬
tôt dans la lymphe, que dans le fang,
comme il arrive dans le fcorbut, & la
maladie vénérienne, quoiqu’elle n’ôte
pas fi promptement la vie, elle laifîe
une grande laflitude. Auffi eftime-je
quon doit toujours juger du degré de
iàS La Medécïnë
malignité, & du danger des maladief
par le degré de laiïaibligemem. *.
XX. La corruption qui eaufe la
mort dans les maladies , eft produite
par la ftafe, & le parlait repos du fang,
ou par 1 extinélion totale de 1k circu¬
lation.
SCHOLI E.
Ôn ne remarque aucune puanteur,
ou corruption, tant que le fang circu¬
le dans lès vaiflèaux ; mais lorfqu’iî
s arrête parfaitement, & qu’il perd en¬
tièrement fon mouvement progreffif,
la mort des parties, ou la corruption
iphacéîeufè du corps , s’enfuit fur le
champ. Hippocrate a donc fort bien
explique ce' que c’eft que la vie, en
dilant, que c’eft le mouvement , & la cha¬
leur du fang , & ce que c’eft que la mort,
quand il dit, que c’eft fa congellation 3 &
fon repos, (a) '
. La première, & la principale
intention du Médecin doit donc être
d empêcher dans les maladies toute
itaie , & tout arrêt parfait du fang,
(s.) A motu & calore fanguinis vita , ah ejm '
lcVorbf e t( CemU & ******
it Âï*s CfSNt'Ê. téy
afin que k mort ne s’en enfûive pâ$.
C’eft à quoi il réuffit en conférVant, &
entretenant tes forces avec tout le foin,
& toute l’attention poffible,
SCHOUE*
On voit par ce theorême clé quelle
utilité font dans les maladies aiguës ,
& malignes les analeptiques, &: les
remedes qui câufont un mouvement
modéré du fang & une tranfpiration
raifonnabîe ; &c combien il y a de dan¬
ger a emploïer dans ces maladies ce
qui arrête les mouvemens, & abbat
les forces, comme font les purgatifs ,
les faignées 3 tous les anodins, & fom-
niferes, à quoi nous joindrons ce qui
caufe du trouble dans Pâme. Plufîeurs
exemples funefies nous ont appris que
rien n’eft plus pernicieux dans ces ma¬
ladies , & que la mort eneft très-fou-
vent le fruit.
XXII. La mort qui termine les ma¬
ladies , vient, ou du trop grand affoi.-
blififement, eu d’un fpafme qui la pré¬
cédé. -
SCHOIIE.
La chaleur exceffive s lés veilles
ïo8 . La Medeciné
continuelles, la longue abftinence* fe
ferment malin qui le trouve mêlé aü
lang, venant à détruire dans les fièvres
continues la température des fucs bien
conditionnés, & le mélange naturel
du fang, détruit en même tems les for¬
ces^ qui confervent les mouvemens des
folides, & des fluides ; ce qui fait que
le fang commence à le corrompre dans
différentes parties, furtout dans le cer¬
veau , les poumons, quelque vifeere
du bas ventre, le ventricule , ou les
intefiins, corruption qui affoiblit le
mouvement du cœur , & des artè¬
res. Je pourrais apporter une infinité
<d exemples de Malades qui fe font eaufé
une mort fubite, & inopinée dans des
maladies aiguës qui les avoient fort af¬
faiblis , pour s’être tenu fur leur féaflt
un peu trop long-tems. La raifon de
cet accident, eft, que dans cette fitua-
tion le fang trouve plus de difficulté à
monter au cerveau , furtout à catife
de a affoibliflement du mouvement du
coeur. S’il celle donc d’y monter, ou
s il n’y monte pas en fuffifante quan¬
tité, le fuc nerveux n’eft plus pouffé i
dans les fibres du cœur, & fon mou¬
vement s’arrête entièrement. Ceftdone
raisonnée, 105
avec raifon , qu’Hippocrate regardé
comme un mal dans toutes les maladies aiguës „
que le Malade foit ajfis fur fon feant pendant
la force de la maladie (a). Il arrive en¬
core fort fouvent que le Malade meurt
dans la force , &c 1 état des fièvres ai¬
gues par une congeftion de fang qui fç
fait dans le cerveau, fort affoibli d’ail¬
leurs par la maladie, congeftion occa-
nonnee par la roideur la tenfion con-
vulfive des extrémités, & qui caufç
ane ftafe , une inflammation dans les
méninges , ou une convulfion mor¬
telle , fi une hémorrhagie par le nés n$
vient au fecours. C’eft donc un très-
mauvais ligne 5 & un fignç mortel ?
fi , furtout en jour impair, jour ou ,
-îuivant Hippocrate (b) , & l'expé¬
rience , il eft ordinaire que meurent lès.
Malades attaqués de fièvres aiguës ,
petites veroles, pourpre miliaire, fiè¬
vres pétéchiales, & autres épidémi¬
ques aiguës & malignes, ilfurvientun
friffon avec des urines claires, & des
rêveries lans hémorrhagie. Car il eft
(ï) -I» omnibus acutis morbis malum ? Jt ager
ereStus in vigore morbi fedeat. Hipp, Lib. Pranotr.
5 • 4 -
Iky Hipp. Lib. IL Egid.Seft. 3,
•no La Med ecine
très - vrai, comme Hippocrate le re¬
marque (a), que le frifîbn eft mortel
dans les maladies aigues s lorfque le
corps eft affbibli. On voit auffi du
même coup d’œil, pourquoi la noir¬
ceur des ongles , les doigts froids &
xeflerrés, les levres pendantes, & froi¬
des les oreilles froides & refîèrrés,
les tempes affaiftes font des lignes de
mort prochaine.
XXIII. Le défaut des forces eft une
fuite ordinaire de la vieillefte 3 & tous
les hommes doivent tribut à la mort s
avec quelque exaditude qu’ils iuiyent
|e régime le plus falutaire.
SCHOEIÏ.
Quelque pur que foit l’air qu’il ref-
pire , qui eft cependant en cet état le
meilleur foutien des forces, & des ef~
prits, quelque exaditude qu’il.ait dans
i’ufage des alimens les plus fainsquel?
que calme qui régne dans Ion ame ,
une extrême vieillefte ôtera cependant
à l’homme la force, & la vie. Ge n’eft
donc point dans les fluides, mais dans
te tilfu des lolides, qui change confî-
dérablement dans les différens âges *
f a ) Hijpp. Vr&ditl. Cmp, '
. X Â I s 0 N N E / fi.' -îîf
dî'éil faut chercher la caufe de ces ef¬
fets.
XXIV”. La caufe véritable, & mé-
chaniquedu deffaut des forces, & de la
mort des perfonnes fort âgées paraît
-être la trop grande folidité, Ôc la dure¬
té des fibres 3 & des membranes, & le
vice des vaifïèaux devenus trop étroits,.
Sc h o L I E.
^ Ç’eft une ohfervation confiante, &€
invariable que les fibres, & membra¬
nes , qui font les principales parties qui
entrent dans la compofition des vaif-
feaux du corps , deviennent d’autant
•plus dures , & plus denfes ; que les ani¬
maux deviennent plus vieux ; ce qui
•rend leurs chairs plus difficiles à dige-
i*er. Or tous les Ânatomiftes faventque
c’eft par l’entremife dé vaifleaux capil¬
laires extrêmement petits 5 qu’il fefépare
dans le. cerveau, pour être conduites
dans les nerfs, & les membranes 5 des li¬
queurs indifpenfàblement nécefîaires
aux forces & au mouvement. Il eft éga¬
lement connu que les petits vaifleaux
qui font fous lapeaufontfbrtirdu corps
aine liqueur excrementeufè extrême¬
ment déliée. Les membranes étant
Yri La Medecinf
donc devenues plus dures > & plus
épaiffes dans un âge décrépit, les ca¬
naux quelles forment deviennent plus
étroits, ou fe bouchent entièrement,
deforteque les liqueurs néceflaires à la
nutrition, -& au mouvement, ne peu¬
vent plus fe diftribuer en fuffi&nte
quantité dans les parties, ni les excre-
menteufes fortir du corps. Il n’eft donc,
point étonnant que les organes des
mouvemens, <k des fentimens, foient
destitués de leurs fondions, & que les
Lues, bons par eux-mêmes, foient gâtés
par le mélange d’impuretés excremen-
teufes. Là nutrition ne fe fait donc plus
dans les organes des fens, les forces-
manquent , des liqueurs excrcmen-
teufes s’amaffent dans le corps ; par
confisquent il eft néceflàire, & inévi¬
table qu’il arrive une ftagnation,
enfin un repos parfait du fang, & des
humeurs. Puis donc que la mort dans
les vieillards a des caufes méchani-
ques, & dépendantes de la conforma¬
tion des parties foîides, le fentiment
qui établit la néceffité de la mort des
animaux, fur le decret de Dieu qui a
prefcrit des bornes aux opérations de
leur ame , croule par les fondemens.
xxv.
RAI SONNE'E. Il J
XXV. Ceux qui ont l’habitude du
corps fpongieufe, mollafîè , pleine ,
& les vaiflèaüx étroits, petits, & en
quantité, meurent plusaifément, & le
rétablirent de leurs maladies plus diffi¬
cilement que les perfonnes maigres, &
qui ont les vaifîeaux plus larges.
S C H O LI E.
Cette vérité n’a point échappé à
Hippocrate, comme il paroît par Ton
Âphorifme 44. de la Sed. II. & il n’eft
pas difficile d’en trouver la caufe mé-
chânique. Car il fuffit d’obferver que
les fibres folides, & tendues, ont plus
de confidence, & de force motrice,
que celles qui font lâches, & que la
circulation au fang eft plus libre dans
" des vaifîeaux d’un plus grand diamè¬
tre, que dans ceux d’un plus "petit $
d’où il fuit qu’il fe fait plus aifément
dans ces derniers des ftagnations, &
des ftafes, qui, comme nous l’avons
dit, font des caufès de mort, ôc qu’el¬
les y font plus dangereufes.
TmsIIL
K
La MEDECINE
114.
CHAPITRE IL
De la nature des Maladies , & des-
I. X) Uisque le corps humain eft fu~
X jet à beaucoup d’alterations,qui
détruifent non - feulement la fanté
mais même la vie, il eft indifpenfa-
ble au Médecin, dont le devoir eft de
détourner la mort, & de rétablir k
fànté, de connoître la nature,. & les
caufes de ces altérations.
II. Quelques Auteurs définiflènt k
maladie,. le changement de l’état natu¬
rel en un état contre nature. ,
S e h o 11 b.
Cette définition n’eft., à proprement;
parler , que celle, du nom de maladie v
car elle ne renferme , ni l'effet, ni k
caufe du changement dont elle pârle.
Ce n’eft point la feule définition que les
Anciens aient donnée de la maladie, a
laquelle on puifte reprocher ce défaut.
Je n’eftime pas davantage leur affeética
K À ï % & ÎT TT É # £.- tl$
Contre nature , leur difpofition contre
nature, Ou leur altération ftable des
fondions du corps. Je ne fais pas plus
de cas de celles des Modernes qui di-
fent que la maladie eft un effort pour
mourir, ou une complication de fymp-
tome ? ou même un effort, ou bien un
mouvement extraordinaire de la natu¬
re fubordonné a une fin qui eft l’expuî-
fion de ce qui eft contraire à la tempé¬
rature du corps, & par eonféquent la.
prefervation de k mort, ou de la cor¬
ruption. Car le terme de nature ne don¬
ne point d’idée claire , non plus que
Ion effort fatetaire ; & fer ce principe
on ne concevra jamais comment les
maladies fé terminent fi fouvent par la
mort, ou laiffent dans le corps une dîff
pofitioa à d’autres maladies.fbuvént de
plus mauvais caradete.
III. On définir bien plus régulière¬
ment la maladie , en difant que c’eft une
altération , & un dérangement nota¬
ble de proportion, & d’ordre, dans les.
mouvemems des folides, & des Suides „
accélérés , ou retardés dans tout le
corpsou certaines parties», dérange¬
ment accompagné d’une léfton confi-
derable des {barétions excrétions. d£
nS La Médecine
autres fondions du corps, tendant à fa
confervation. , fa deftru&ion ou à la
production d’une dilpolition à prendre
d’autres maladies.
S c h o l i
Cette définition , qui explique ce
que c’eft que la maladie en général,
ou qui diftingue letat de maladie de
celui de fanté, eft vraiment réelle ; car
elle contient non-feulement la raifon
formelle de la maladie, qui eft la lé-
iion, 6 c la dépravation des fondions,
mais encore fa génération ,, 6 c fa caufe
prochaine, 6 c continente, qui eft le
dérangement de proportion des mou-
vemens dans tout le corps, ou l’une
de fes parties, 6 c enfin l’effet delà ma¬
ladie fur le corps.
IV. Comme la fanté confifte dans
l’intégrité des fondions, du corps 6 c
de l’ame , Tétât de maladie confifte
dans le dérangement, 6 c la léfion des
fondions de ces deux fiibftances.
V. Il ne faut pas regarder fur le
champ comme urie maladie route lé¬
fion legere, 6 c pafîàgere des fondions
du corps. Il faut qu’elle foit ftable s
fcÀϧOiîNE f ï, xi7
' te qûéîîô continue pendant quelque
têms.
Schoiie.
L’homme efl obligé de faire ufage
d’un fi grand nombre de chofes, qui
peuvent altérer, &• même déranger
puiflàmment la fanté, qu’il ne peut
gueres fe flatter d’en goûter conftam-
ment » & parfaitement les charmes.
Àuffi ne doit-on pas traiter de maladie
une mdifpofitîon îegere, te pafïagere ,
bien quelle foit une maniéré d’être dif¬
férente de la fanté ; on ne doit donner
ce nom qu’aux dérangemens, ou aux
renverfemeas durables de l’équilibre a
& de Fordre des mouvemens ae la ma¬
chine du corps. Et comme les caufes
qui peuvent déranger, & intervertir
l’ordre de tous lés mouvemens ne font
pas fi communes,, il eft nécefîaire qu’om
nefbk pas fouvent maîadé.
VL Dans chaque maladie il y a vice
& dépravation, ou des fondions vita¬
les , reliés que font les forces la pul-
fation des arteres la refpiration ,1a
circulation du fang; ou des fondions
animales , telles que l’exercice dés
fèns, le mouvement arbitraire des par-
ïil La MedeCî^m
îies, le fommeil, & la veille, la force ^
& la confidence de l’efprit ; ou des
fondions naturelles, telles quel’appe-
tit, la digeftion , & I’expulfion des
parties excrémenteufes pairies gros in-
teftins j la veffie, &C les excrétoires dé
la peau.
VII. C’eft par le degré de renverfe-
ment, ou de dérangement de ces fond
dions qu’on connoft le degréde force
de la maladie ,j &: de la caufe qui là
produit. ;
ScHOIIE. Vf.
L’effet étant néceflàiremént propor T _
tionnéàfa caufe, le dérangement Gp^-
lidérabîe des fondions du corps animé
cft une marque certaine de la force
de la puiiïance, de îa caufe morbifique.
¥ III.. Gomme la modération, la li ¬
berté , l’égalité de la circulation dit
làng > & des liqueurs, fuite néceffàiie^
d’une jufte proportion entré la fyftole»
&: la diaftoie, ou le relâchement, & là
èontradion des parties folides qui pouf¬
fent , & livrent paflàge aux fluides dans
tout le corps, entretient la fanté ,
les excrétions dans la proportion re~
quife j, lê dérèglementl’embarÉâS: »
R A ï s çj>» n ï⣠, r rje
Tifrégularité de la circulation du fang*
& des liqueurs, caufés par le dérange¬
ment de proportion entre la fyftole, &
la diaftole, ou de tous les Folîdes du
corps, ou de certaines parties Feule¬
ment , à l’occalion de leur augmenta¬
tion , ou diminution notable, caufe un
trouble dans les fondions de la ma¬
chine y & par conféquent une maladie».
IX. C’eft donc le changement nota¬
ble des mouvemcns des folides, & des
fluides, ou leur deffaut de proportion s
foit qu’ils pêchent par augmenfation,otE
diminution, quieft la caufe première *
& eflentielle des maladies, telle en un?
mot qu’elle pofée la maladie s’enfuit,
comme fon annéantilfement entraîne;
fa deftrudion.
ScHOIII»
Tous les changemens qui fè font
dans l’univers dépendent du mouve-
-ment, & le corps humain eft fùjet %
cette loi comme tous les êtres. C’eft le
mouvement qui donne la vie ; c’eft lui'
qui entretient la fauter ; c’eft aufîi lui
qui blefte plus ou moins grièvement
les fondions dans les maladies, qui fe
trouve quelquefois tellement difpofë.
ïiô La Medïciné
^ u 3 il caufe la deftru&ion du cofps ,&r
da mort ; &: enfin c’eft lui qui, repa*
rant ledefordrequi! a caufé, rétablit
la fanté, & reftitue les parties léfées
en même état où elles étoient ayant
lattaque de la maladie. Comme les
anciens Médecins ne connoiffoient pas
ïa circulation du fang, & qu’ils ne dé-
duifoient les explications des Phéno¬
mènes que des différentes difpofitions
de la matière qu’ils fuppofoient pêcher
par fa trop grande quantité, fon in¬
tempérie , fes facultés, fes différentes
qualités, au lieu de remonter aux mou-
vemens des folides , & des fluides, ils
n’ont pu donner en Pathologie rren de
lolide , ou de démonftratif ; c’efl ce
qui paraît clairement par leurs ouvra¬
ges dogmatiques, dont la plus grande
partie, qui aurait dû être emploïée à
expliquer les caufes des maladies , &
des fymptômes, ne préfente que de pu¬
res fi&ions, auxquelles ils ont taché de
donner le plus de vraifemblance qu’il a
été poffîble.
X. Les mouvemensdes fluides qu’on
oblervé dans le corps malade font prin¬
cipalement de deux elpeces j car les li¬
queurs fe portent du centre à la circon¬
férence 5
IâI S0 NSe'e. lit
férence, on de l’intériêür du corps à
l’extérieur ; ou la diredion de leur
mouvement eft oppofée , c’eft-à-dire
de la circonférence, ou des parties ex¬
térieures , & des extrémités, au cen¬
tre, ou aux parties intérieures,
S c II o L I JE.
Les ffiouvemens dont la diredion eft
du centre à la circonférence ne font pas
fi contraires à la nature• & produilcnc
fou vent des effets falutaires, ftirtout
s'ils font forts , & véhemens, parce
qu’ils fervent à faire forcir du corps les
impuretés excrémenteufes. 11 n’en eft
pas de même de ceux qui ont une di¬
redion oppofée, lefquels font extrê¬
mement contraires au corps, & mèri-
, tent par excellence le nom de maladifs,.
parce que de leur nature ils font tou¬
jours nuifibles , qu’ils ne deviennent
utiles que par accident, & que leur
violence caufc ordinairement la def-
trudion du méchaniime qui entretient
la vie du corps.
XL Si l’augmentation confidérable
de là contradion du cœur, & des artè¬
res fait circuler le fang avec vîteflè, &r
impétuofitç dans tout le fyftême vafou-
Tomÿ ///. L
111 La MEDECINE
leux, ce mouvement s’appelle fébrîl
& fe connoît à une chaleur immodé¬
rée, & la vîteffe du pouls.
XII. Si la contraction des folides
membraneux, & principalement de la
dure mere, devient trop forte, le fuc
nerveux fe porte trop rapidement aux
parties deftinées aux mouvemens vo¬
lontaires , & caufe dans les mufcles
trop de tenfion, de contraction, d’agi¬
tation ; & ce mouvement fe nomme
épileptique.
XIII. La trop grande augmentation..
du mouvement périftaltique, qui ?
dans l’état naturel confifte dans l’alterr
native d’une contraction, & d’une di¬
latation douces, qui n’eft pas feuler
ment propre aux inteftins, mais ap¬
partient auffi aux canaux excrétoires
de différais volumes, & fa trop gran¬
de vivacité , précipite les excrétions
qui fe font par le bas ventre, la peau,
la veffie, & les canaux biliaires.
Xi¥. Le mouvement fyftaltique ne
peut augmenter dans les glandes eon-
gîobées, dont la fonction eft d’aider
par leur reftertement le mouvement
"progreffifde la lymphe dans les vaif
fcaux qui lui font dsftinés, fans accès
, S.A ISO NîiE'f, rtf
îerer le mouvement, & l'excrétion de
h lymphe, & même de la fali ve.
XV. On appelle fpafme le relferre»
ment, ou la contra&ion des parties
quelconques du corps , foit qu’elles
ioient tiffiies de fibres mufculeufes 9
membraneufès, ou nerveufes.
XVI. Il y a deux efpeces de fpaf-
mes, l’uni verfel, & le particulier. Le
premier commence par les extrémités,
& les parties les plus éloignées du cen¬
tre, & afFeéle tout le fyftéme des fi-
:bres charnues , & des vaifleaux , qui
ioiit compofés de membranes nerveu-
iès, & mufculeufes. -Ce mouvement
fe remarque principalement au com¬
mencement des fièvres intermittentes,
dans les accès des maladies chroni¬
ques j & dans les affeétions fpafmodi-
ques , & fè connoît par un roidiflè-
ment, un frifionnement 3 un froid, un
refferrrement de l'habitude du corps ,
tine inquiétude des parties intérieures
la dureté } & la foibleflè de la pulla-
tion des arteres.
XVII. Lorfque le fpafme fè com-
munique, des extrémités 3 ou il a com-
- inencég aux membranes douées d’un
fcntimcnt exquis, & furtout aux mem-
L ij
ii4 La Medecine
brades du cerveau , & aux nerfs de
cette partie, il dégénéré en épilepfîe |
mais s’il n’attaque que les nerfs qui
vont à certaines parties, ou ceux qui
fortent de la moelle de l’épine, il ne
çaufe que des mouvemens convulfifs.
SCHOIIE.
Il n’eft pas rare que les vives dou¬
leurs quelles enfans reflèntcnt dans les
inteftins a ou celles que leur caufent
les dents qui ont peine à fortir, & les
grandes douleurs des inteftins dans les
adultes, ou celles qui accompagnent
le calcul 3 & la cardialgie * dégénèrent
en mouvemens épileptiques. Nous
voïons même fouvent les accès épilep¬
tiques commencer par les extrémités,
comme les doigts des pieds ; d’autres
difent que la première impreftïon que
l’accès leur faffe fentir , commence
dans les inteftins, d’où elle fe commu¬
nique à la tête par la moelle de l’épi¬
ne j & s’emparant des membranes du
cerveau , elle les jette dans des con¬
trarions convulfives. Qu’il y ait au
refte des parties internes fiijettes a cer¬
taines efpeçes de convulfions j c’eft ce
. RAÏS o nne'é. tî 5
qüe prouvent évidemment les coli¬
ques , les toux, les afthmes convulfifs,
les palpitations du cœur, les vomiflTe-
mens, & les hoçquets violens.
XVIII. Les fpafmes qui fe fixent à
certaines parties nerveüfes, ou mem-
braneufes, caüfent les douleurs , qui
ont difFérens noms, fuivant les diffé¬
rentes parties qui en font attaquées*
ScHOl i E.
L'on appelle cardîalgie la douleur
qui réfide dans la membrane ncrveule
du ventricule, ou de' fes orifices ; ilia 5 -
que, ou colique, celle qui attaque les
intcftins ; céphalalgie, migraine, cé¬
phalée , celle qui afflige les membra¬
nes de la tête ; fhémotrhoïdale a
pour fiége l’inteftin reétum. Les arti¬
culations ont leurs douleurs particu¬
lières, toutes renfermées fous le nom
de goûtes ; celle des pieds, connue des
Grecs, & des Latins, par le nom de
podàgrd s celle des mains, par celui de
chiràgra , & celle des genoux, par cepii
de gona.gr a ; une quatrième efpece atta¬
que les os ifchium s & s’appelle ifehia-
dique , par corruption, fciatique ;
nC La Medi-ci.nï
©n appelle faufile pieu refie, la douleur
qui attaque les membranes des côtes
& rhumatifme, celle qui attaque celles
des mufcles.
XIX. L’extérieur de la peau, &les
vaiftèaux excrétoires quelle recouvre
font auffi fujets à une elpècé de Ipaf-
me, qui fe connoît à une maniéré de
friflonnement, & qui fait que les vaifi-
feaux excrétoires fe ferment, que la
franfpiration éft interceptée , & que
cet excrement eft repoufifé vers l’inté¬
rieur du corps.
XX. ' Non feulement le refiferrement
fpaftique des inteftins y renferme les
vents, & en empêche la farcie, mais
il rend le ventre pareflètix& même
retient les excremens qui doivent avoir
iflue par ce canal. S’il attaque les vaif-
feaux deftinés à la fécretion de l’urine r
ilen empêche fécoulement, où bien
il le rend difficile, & au moins doü-v
loureux. S’il s’établit dans les canaux
qui portent la bile du foie au duode-
num , il empêche l’écoulement de cet¬
te liqueur dans les inteftins, & caufe
promptement la jaunifîe, en obligeant
la bile de regorger dans les vaiftèaux
lymphatiques.
. v . iif SOÎÎNÉ'è. ïly
Xth II n’y a pas de parties plus fil¬
lettes aux contrarions fpaftiques, que
le ventricule , & les inteftins , parce
que ces vifceres font compofés de
membranes extrêmement fenfibles, à
caufe-de la quantité de nerfs qui s’y
diftribuent.
S CH o LIE.
C’eft ce qui paroît évidemment dans
les coliques, les affections hypochon-
driaques, & hyftériques, & dans diffé¬
rentes maladies chroniques, & fpaf-
modiques, dont le principal fiége, &
comme le champ de bataille où ces
maladies déploient leur fureur, efi le
Ventricule, & les inteftins *, & comme
cer parties ont une correfpondancc
très-étroite avec la tête, la poitrine,
les reins , le foie , & plufieurs autres
vifceres très-nobles, au moïen du nerf
intercoftal qui fe diftribuë dans toutes
ces parties, il n’eft pas étonnant que
les maladies fpafmodiques foient ac¬
compagnées d’une fi grande quantité
de fymptômes, & même de fymptô-
mes violens.
XXÎL Comme la trop grande con¬
traction des parties fblides , ou leur
L iii>
îi§ La Médecins
fpafme eft caufe de plufieurs maîadïes 3
la foibleflè, & la langueur des parties
folides, ou leur trop grand relâche¬
ment , & leur inhabileté-à fe mouvoir,
que les Grecs nomment atonie , eft
tres-nuifible aux fondions de l’écono¬
mie animale.
XXIII. Autant l’augmentation de'
fyftole eft-elle propre à accélérer le
mouvement des fluides, autant l’ato¬
me l’empêche, & la retarde-t’eîle, ou
dans tout le corps, ou dans certaines
parties.
XXIV. Comme il y a un Ipalme
«niverfel , &: un particulier , il y a
aüffi une atonie univerfelle , &: une
particulière. L’extrême abbattement
des forces, & furtout la fyncope, font
des exemples de la première, & la fé¬
condé fe voit principalement dans les
maladies chroniques, & héréditaires.
XXV. L’empêchement , ou le re¬
tardement du mouvement des. liqui¬
des caufe des arrêts , des engorge-
rnens, des obftruciions, des endurcil-
ïèmens, & des corruptions des vifee-
res ; la trop grande atonie des parties
eft dont caule des pallions chroniques 3
& opiniâtres.
k À l S 0 N N,!^.
X XXVI. Le retardement de la circu¬
lation du fang, & des liqueurs, difpofe
beaucoup aux maladies ; parce qu’il oc-
éafionne lepaiffiflement des liqueurs,
qui ne peuvent d’ailleurs qu’être im¬
pures ÿ 8c en abondance, par rapport
à la rétention d’une quantité d’impu*
tétés excrémenteufes qui fortiroient
par les vailïeaux excrétoires , fi leurs
fondions fe fefôient d’une maniéré
convenable. Ce retardement caufe
donc la pléthore , 8c la cacochymie *
deux fources fécondes de paffions chro¬
niques.
XXVII. L’altération notable des
mouvemens des bolides , 8c des liqui¬
des , caufe des iéfions r , & des déran-
gemens de différentes efpeces dans les
tondions du corps ; c’eft ce qu’on ap¬
pelle communément fymptômes.
ScHOIIî.
On ne voit dans les Auteurs que con-
fufion entre lesmaladies,&les fymptô-
mes : car ils regardent beaucoup de ma¬
ladies comme des fymptomes > & Beau¬
coup de fymptômes comme des : mala¬
dies. D’où l’on doit conclurre qu’ils
p’avoient pas d’idées nettes des uns^
ï?ô La Medïcïne
& des autres , ni de la maniéré donf
chaque maladie eft produite.
XXVIII. Il y a des fymptômes de
deux efpeces ; car les uns font une fuite
immédiate, & prochaine des mouve-
rnens maladifs , & ils fe nomment
fymptômes eiïèntiels ; les autres s ap¬
pellent fecondaires , & ce font ceux '
que' produit la complication , ou le
concours d’autres caufes.
SCHOLIE,-
Les fymptômes eflentiels fuivent
pas à pas la maladie , ou , pour mieux
dire , les mouvemens maladifs parti¬
culiers à une certaine efpece de mala¬
die, dont ils ne peuvent être détachés,
ni féparés ; aufli donnent-ils des indi¬
ces^ , & des figues certains pour con¬
coure les maladies, & les diftinguef.
les unes des autres. A-infi les fymptô¬
mes de la fièvre , qui eft un mouve¬
ment trop accéléré des folides, & des
fluides , font chaleur immodérée du
corps, une foif infatiable, des veilles
affiduës, & continuelles, la confomp-
tion des forces , & des liqueurs , là
perte d® lappetit, la refpiration plus
haute, la rougeur dés urines ; car tout
s : , RAlSUfINÏEt XJ f
ces accidens font les fruits, & les effets
de la trop grande accélération de la
circulation. De même les fymptômes
de l’inflammation , qui fervent auflf
de fignes pour la connoître t font la
douleur , l’enflure , la rougeur de la
partie affe&ée , ôê la forte pulfàtion
de fes-artères ; parce que toutes ces
chofes font des fuites nécefîàires de
l’embarras de .la circulation du fang,
caufée par les ftafes qui fe font dans
les vaiiïeaux, & la eontraébon fpaf-
modique des parties nerveufes.
XXIX. Les fymptômes fècondaires
ne viennent pas immédiatement de la
maladie, ou du mouvement maladif
originâire 5 mais de quelqu’autre caufè-
qui furvient.
Scholie.
On voit un exemple de cette efpece
de fymptômes dans les inflammations
du ventricule, des méninges, ou des
poumons, qui furviennent aux fièvres-
aigties & même aux exanthémati¬
ques , aux petites veroles, ou aux rou¬
geoles dans l’état de ces maladies. Car
la maladie originaire peut bien fubfïf-
ter indépendamment de ces aceidens*-
73^ ê La Medecihê
Mais il me lèmble qu’à le bien près--
dre , ces prétendus fymptômes font
de vraies maladies , ou des mouve-
mens maladifs, entièrement différent'
des premiers , & qui ont leur fiégé
dans des parties différentes ; mais on
les appelle fymptômes, parce que ce
font les effets, & les produétions de la
première maladie. Rien n’eft plus or¬
dinaire dans nos pais, que de voir fur-
v enir a la fin des fièvres aigues, des
petites veroles, & des rougeoles, lé
pourpre blanc ou rouge 5 - maladie
fouvent fonefte à ceux qui en font at¬
taqués. ^ La railbn de cet accident nie
paroît être , que les fucs excrémen-
teux qu’a produits la diflolution fébrile
du fang, que la longue fupprcfîîon
du ventre a amafles dans les replis des
inteftins , rentrent dans la maffe du
fang, & caufent ces éruptions de mau¬
vais caraélere , accompagnées d’une
nouvelle fièvre.
XXX. Il ne faut pas confondre les
lymptom'es qui furviennent dans les
maladies avec les affrétions qui vien¬
nent-après que les premières font ter-
.îïiinees.
B. A I S 0 N N e'e. IJ j
ScHOLIE.
îî eft aflez commun que i’hÿdropi?
■fie fuccede à la fièvre quarte, la pthy-
fie à l’hémoptyfie , l’affedion hypo-
diondriaque mélancholique, ou la co¬
lique convulfive à la tierce intermit-
tente , des abfcês à la petite verole,
bu à la rougeole, l’empyeme du pou?
mon à la pleurefie ; car telle eft la na¬
ture des mouvemens maladifs qu’ils ne
détruifent pas feulement, la tempéra¬
ture du fang, & des liqueurs, mais'
qu’ils bleflent, détruifent , ou affoi-
blilïènt la fubftance des parties : il eft
donc fort aifé à caufè de la foiblefle
des parties , & du dérangement des
excrétions qui jen eft la fuite , qu’il
s’amaffe une nouvelle matière qui pro¬
duit dejiouveîles maladies. Il n’eft pas
encore rare que le mauvais traitement
d’une maladie , qui nen détruit pas
radicalement la caufe, donne lieu à
la génération d’une nouvelle , & me?
me de plus mauvais caraélere que la
ppemiere.
XXXI. G’eft par les iymptômes ,
$€ furtout les fecondaires qui furvien-
pent pendant fon cours, qu’on peut
3 34 Mebe:CIN£
principalement juger de la force , $£
: de la violence d’une maladie.
SCHOLI ï.
C’eft par les effets qu’on juge de U
caufe, qui d’ordinaire eft cachée, &
les fymptômes , qui font les effets de
la caufe morbifique, fervent à la faire
connoitre. Donc plus il furvient de
-fymptômes violens., plus la maladie
eft dangereufe. Il eft par conféquent
du devoir d’un Médecin prudent, &
.habile, foit pour établir fon prognof-
tic, ou pour.diriger la cure, de donner
la plus parfaite attention à la nature,
au caradere, & aux effets des fymp-
tômes.
# A. îfè
CHAPITRE III.
pes loix des mmemens. qui fe font dans le
corps humain , & de la maniéré dont ils
'produifent les maladies , & les fympto^
mes .
’Est la proportion des mouvez
\^mems de notre machine , &
leur tendance à la produdion des ex¬
crétions , qui entretient la vie , & la
fanté -, & la maladie confifte dans le
changement, rembarras, & l’inéga¬
lité de çes mouvemens ; enfin telle eft
la nature des mouvemens maladifs ,
qu’ils vont à la deftrudion de la ma¬
chine , ou au recouvrement de la fan¬
té. Le Médecin qui veut être fur de fes
démarchés, foit qu’il ait pour but la
préfervation, ou le rétabliflèment, ne
peut donc fe difpenfer de connoître
exadement la nature , les loix , les
effets des mouvemens qui règlent la
vie, & la fanté.
II. Comme les mouvemens de l’uni¬
vers font fournis à de? loix certaines ,
Ï3<£ La M-edecine
& produifent des effets invariables ;
ceux qui fe font dans l’homme, ou pour
entretenir les fondions dans l’ordre na¬
turel , ou pour les troubler, & les dé¬
ranger , ou preferver la machine d’une
corruption préfente , & de la mort j
reflortiffent de loix immuables,.
SCHOLIE.
La fcience des loix de l’hydrauli¬
que , de la ftatique 3 de la méchani-
que ; & du mouvement des, corps
élaftiques, -répand un grand jour fur
l’explication des phenomenes que pré-
fente notre corps, & la connoiffance •
de fon méchanifme. Car il ne faut pas
douter que toutes fes opérations ne fe
Faffent méchaniquement, c’eft-à-dire,
que fes mouvemens ne foierit fournis â
qne certaine mefure, & proportion.
M eft bien vrai que la méchaniqne du
corps animé eft beaucoup plus parfaite
que celle que l’homme éclaire par les
expériences, eft en état de mettre eri
œuvre. Auffi le corps humain eft-H
l’ouvrage d’un être dont les connoiflàn-
ces font fans bornes. Cette maniéré
d’envifager le méchanifme du corps
•ne doit, pas cependant nous empêcher
raisonne^ 157
1 dè faire tous nos efforts pour recher¬
cher', &: même découvrir les loix de
cette divine méchanique qui régie les
corps animés, & des différens mouve-
f mens qui font caufes des changemens
aufquels notre corps eft fujet.
. III. On peut regarder comme la
première loi que fui vent les liqueurs
de notre corps, qüe la liberté de leur
liiouvement progreffif, & l'égalité de
ce mouvement tond empêchés par la
contradion fpafmodique des vaiffeaux
qui portent ces liqueurs.
SCHOÎIE.
' Cette inégalité dans la circulation du
laftg paroît confifter en ce qu’il fb por-
te en moindre quantité aux parties at¬
taquées de Ipafme, & par confequent
contradées, & qu’il le jette en plus
grande abondance fur les autres vail-
feaux où il a fon paffige libre , & fur-,
tout fur ceux du voifmage. Hippo¬
crate connoiffoit parfaitement cette
inégalité dans le mouvement pro¬
greffif du faog, comme il paroît par le
paffage fuivant y fi le fang trouve des em¬
barras dans fon cours , & quil s'arrête dans
quelque partie * '& pénétre plus lentemm
Tome IIL M ,
138 La Médecine
dans une autre , fon paffage devenant tnégd
dans certaines parties du corps , le devient
pareillement dans la totalité (a). Car no¬
tre corps eft une machine hydraulique'
compofée d’un feul tuiau, qui prend
différens noms s fuivant la différente
maniéré dont Tes diverfes parties font
tifluës ou arrangées, comme celui de
glande, d’artere, de veine, de vaiffeau
lymphatique 3 de vaiffeau excrétoire.
S’il arrive donc que le mouvement
progreflif des liqueurs fe trouve arrêté
dans un endroit, il faut de néceffité
qu’il devienne inégal dans un autre.
« IV. Plus les Ipafmes, qui relïèrrent,
les vaiffeaux font violens, plus ils s’é¬
tendent au loin, & plus encore les vaif
féaux qu’ils affeédent font grands, plus
lefang fe tranlporte avec impétuofité, ,
& s’amalfe en quantité dans les parties
voilînes, & éloignées.
Scholib.
La vérité de ce théorème eft établie
(a) Vrohïbetur fanguinis curfus , atque aile
quidem loco çojijïfiit, alio lentius pénétrât, qua
in&qualitdte fanguinis tranjitus per corpus
jaêia , omnigeng. in&qualitates per omne corpus
connngunt. Hipp. Lib. de Flatib. §. z i.
. R À ï S O N N £ É, . Ï0
fur cet axiome que les caufes produi-
fent toujours des effets proportionnés
à leurs forces. Ainfi un fpafme violent
pouffe violemment le fang aux autres
parties, en arrêtant puiffàmment la
circulation dans celle qu’il occupe.
Cette même vérité eft établie fur les
ïoix de l'hydraulique, fuivant lefquel-
le s les fluides pouffes par uneforce égale
dans différens tuiaux, fi l’on vient à
en boucher quelques-uns, augmen¬
tent de vélocité dans ceux qui réftent
ouverts à proportion du nombre de
ceux qui ont été bouchés.
Y. L’interception de la circulation
-dans quelque partie , & l’abord plus
confidérable du fang qu'elle caufe dans
une autre produifent différens fymptô-
mes j & lymptômes affez graves.
SCHOLIE.
Il fe fait des inflammations y quand
des fluides épais font pouffes dans des
canaux étroits, où ils s’arrêtent fixe¬
ment s des écouîemens de fang, ou hé¬
morrhagies , quand les vaiflèaux trop
gonflés viennent à fe crever 5 des tu¬
meurs quand le fang , & les humeurs
s’amaffènt en trop grande quantité
*4° La Mebecïne
dans la fubftance poreufe , & vafcu--
leufe des parties, & la violente diftrac-
tion des membranes nerveufes qu’y
caufe cet amas produit des douleurs
gravatives ; il arrive des catarrhes ,
fluxions, rhumatifmes, fi la ftagna-
tion du fang caufe la réparation de fes
parties aqueufes, ck féreufes ; enfin il
îe fait des abfcès, & des exulcérations,
li le fang extravafé dans la fubftance
des parties ne peut être reforbé ; car il
s’y change en pus, ou prend une na¬
ture fàlée, âcre, & corrofive.
VI. Suivant la différence des par¬
ties où le fang s amafle après avoir été
repoufîe de quelque endroit par le
fpafme, il naît des effets différaisou
differentes maladies.
S c h o L 11 .
La congeftion, & la ftagnation con-
fldérables du làng dans la tête , & fes
vaiffeaux caufe le faignement de nés j
la rupture des vaiffeaux du plexus cho¬
roïde , l’apoplexie de fang ; le trop
grand gonflement des vaiffeaux des
méninges, l’apoplexieconvulfive, ou
1 epilepiîe. La féparation de la férofité
du fang., fijivie de fon épanchement
RAISONNE^ 14 ï
for les nerfs de la moelle de l’épine,
produit les hémiplégies, ou les para-
lyfies 5 :dans la fubftance corticale du
cerveau , ou dans fes ventricules, les
affe&ions foporeufes ; dans les envie¬
rons des couches des nerfs optiques *
la goûte ferene f dans les environs de
la feptiéme paire des nerfs, la furdité 5 .
l’aphonie, ou la perte de la parole ;
dans le voifinage de la neuvréme paire.
Son arrêt fixe dans les méninges caufe
la phrenefie ; il furvient des fongès
pleins de terreur , & des paffions dé¬
moniaques , & mélancholiques, s’il a
de la peine à circuler dans les vaiffeau;x
du cerveau.
VII, Le trop grand amas du fang
dans les poumons en conséquence d’un
fpafme violent caufe i’hemoptyfie, la
pleurefie, la péripneumonie, l’afthme
ianguin, la dyfpnée, & l’orthopnée.
S’il aborde en trop grande quantité aux
ventricules du cœur , & qu’il s’y ar¬
rête trop long - tcms , il caufe très-
promptement d’extrêmes inquiétudes.»
&.des défailknces.,& devient une occa¬
sion prochaine de palpitations confi-
dérables, de production des polypes s
& par conféquent de mort fubite.
Medécïni
- VIII- L’engorgement & l’amas du
lang que les fpafmes caufent dans les
vaiffeaux du bas ventre produit quel-*
quefois des epanchemens de fang in-
folites, & dangereux.
SCHOLIE.
En effet fi la courbure gauche du co¬
lon vient à être trop refferrée , & fait
remonter le fàng avec impétuofité dans
les vaiffeaux courts du Ventricule, leur"
rupture ÿ qui fe fait aifément, caufe un;
vomiffement de fang. Si la rupture fe
fait dans les inteftins grêles, <5c furtoiit
dans fileum, il s’en enfuit des déjec¬
tions fetides r & noires, ce qui s’ap¬
pelle par Hippocrate la maladie noire.
Le trop grand refferrement des mem¬
branes des inteftins fêlant regorger le
fang en trop grande quantité dans les
vaiffeaux hemorrhoïdaux, & les obli¬
geant de s’ouvrir , il arrive une énor¬
me hémorrhagie hemorfhoïdaîe. L’ou¬
verture des arteres émulgentes , ou
rénales, caufe le piftement de fang 5 la
rupture des vaiffeaux de îuterus., -des
pertes de fàng énormes , ou des avor-
temens.
IX. Lorfque les organes 3 & vaif-
SÂÏSO'NNe'i!^ Ï 4 f
feauX excrétoires font reflerrés , &.
étranglés par le fpafme, les mouve-
inens qui caufent les excrétions deve¬
nant mverfes, & prenant leur direc¬
tion du dehors au-dedans, il Te fait un
tranfport des liqueurs liiperflues, ôc
impures vers d’autres parties, au nom¬
bre defqüelies font les intérieures ; ce
qui n’arrive qu’au préjudice de l’éco¬
nomie animale.
Scn o l i e.
Les vents de Nord qui fe lèvent
tout-à-coup venant à relferrer , &
étrangler les vaifféaux qui rampent
fous la peau, & les tuiatix excrétoires
par lefqueis il fort en forme de vapeur
une liqueur très-lubtile, & infenfible s .
elle reflué fur le champ ou , pour
mieux dire, elle eft repouffée, vers la.
poitrine, & les parties glanduleulès de
la tête , & du gofrer, & il fe produit
en même' tems des enchifrenemens, ôc
des toux accompagnées de friflonne-
mens des parties extérieures, & d’ar¬
deur des parties intérieures. Les fpaf-
mes des inteftins qui affligent conti¬
nuellement les hypochondriaques, re-
poufïènt 3 & font regorger vers le ven-
*44 **'A Médecin®
tricule la matière des excrétions de êé
canal, & furtout les vents ; mouve¬
ment inverfe, qui y caufe des gonfle-
mens confidérables 3 & très-incom¬
modes , des inquiétudes, & des diffi¬
cultés de refpirer, des inflammations,
& des renvois continuels. L étrangle¬
ment que caufe le fpafme aux canaux
qui portent la bile aux inteftins, re-
pouflè cette liqueur dans la lymphe,
& lamafïè du fang par les artères îym--
phatiques 3 & Te répandant fur le vifa-
ge , & la peau , elle en gâte la cou¬
leur , & produit une cachexie. Là fup-
prefîion opiniâtre de lurine 3 caufêe
par un fpafme violent« fait regorger
vers les vifeeres du dedans cette li¬
queur abondante, & faléequi 3 ^ar¬
rêtant dans la tête 3 caufe facilement
des affeétions foporeufes 3 la paralyfié,
les convulfions ÿdans les poumons, une
difficulté de refpirer 3 & même une
hydropifie de poitrine.
. X. Un fpafme violent à tant de
force qu’il repouflè quelquefois 3 non
fans préjudice du corps 3 vers les parties
intérieures 3 de confidérables tumeurs
edemateufes des parties inférieures.
ScHOÇIE»
raisonne'e. ï4I
SCHOLIE.
Cefl ce que nous avons vu fbuvent
-arriver à l’occafion d'une grande , èc
fubite fraïeur, ou de l'application im¬
prudente des fûfFumigations, ou des
aftringens ; & ce qui a été fubitement
fuivi d'une affection des poumons, fur
qui la férofité s’étoit jettée , affection
dénotée par une refpiration pénible ,
<k embarraffée, fou vent avec un dan-
ger preffànt de fuffocation 3 un abba-
tement notable des forces, & la pe-
titeffe, & la foibleffe du pouls.
Xi. Les fpafmes font auffi que lès
excrémçns qui avoient été dépofés à
l’extérieur de la peau , font repouffés
vers la maffe du fang , & les parties
nerveufes au grand préjudice des Ma¬
lades.
SCHOLIE.
Il n’y a rien de plus pernicieux, ni
de plus contraire à l'économie anima¬
le , & aux loix de fes mouvemens,
que le reflux dans le fang d’un excré¬
ment tenu , & malin, qui a déjà été
féparé de fa maffe, & dépofé dans la
peau 3 comme celui de la galle 3 de la.
Tome IIL ^
146 Là Medecine
grotte vérole, du feorbut, de la tigne,
de la petite verole , de la rougeoie,
du pourpre 5 ce qui toute fois a cou¬
tume d’arriver très-promptement, à
l’occafion du froid pris faute de ména¬
gement , de la fraïeur, des purgatifs,
ou des rafraîchiflàns trop forts ; par¬
ce que cette matière excrémenteu-
fe, devenuë encore de plus mauvais
caractère qu’elle n’étoit, s’attache aux
parties nerveufes, & caufe des inflam¬
mations , des convulfions , des dou-'
leurs, des inquiétudes, des agitations
involontaires * & des défaillances *
tous accidens mortels. Ce qui fait con-
noître évidemment combien il eft dan¬
gereux de traiter négligemment les
excrétions qui fe font par la peau, &
combien il eft téméraire d’appliquer à
l’extérieur des remedes. répulfifs.-
XII. Les contractions fpafmodiques
n’empêchent pas feulement la circula-’'
tion du fang' , mais celle de la lymphe*
qti elles rendent de plus inégale.
Scholie. V g:
Les veines le reflentent plus que les
autres vaifleaux de l’effet des fpafmes,
parce qu elles ont moins de conflftan-
ràisonne'e. 147
oc. Âuffi le fang a-t’il de la peine à y
pafîer dans ces circonftances , & les
obftacles qu’il trouve à fa circulation,
font-ils couler en plus grande quantité,
fes parties féreufes, & plus fluides, dé¬
gagées des plus épaifles, dans les vaif-
féaux lymphatiques, qui, venant à fe
rompre , à caufe de leur trop grand
gonflement ., répandent dans les cavi¬
tés une quantité confidérable de féro-
fité. On voit aifément par cette ob-
fervation , d’ou vient qu’on trouve
dans les perlbnnes mortes d’afthme
convulfif, une liydropifie de la poi¬
trine , ou même du péricarde, comme
l’ouverture de ces fujets en fait foi.
On trouve ordinairement une grande
quantité de férolités amaffees dans le
bas ventre de ceux qui font morts de
douleurs cruelles des inteftins, produis
tes par une caufe interne, ou par l’ulà-
ge du poilon. Les grandes douleurs,
& les convulfions violentes pendant
le travail de laccouchement , font
allez ordinairement fuivies de gonfle-
mens du bas ventre après les couches.
Nous avons vû plufieurs perlbnnes at¬
taquées d’enflures, & d’abfcès du mé-
fentere , à l’occafion d’un émétique
148 La Médecins
trop violent qu’elles àvoient pris. Les
reraedes mercuriels, furtout ceux qui
font armés de pointes falines, font ré¬
pandre beaucoup de férofités ■; ce qui
n’arrive prefque qu’à l’occafion des
étranglemens lpafmodiques des veines,
& des vailfeaux lymphatiques , qui,
caufant un trop grand relâchement des
vailfeaux excrétoires, procurent une
effufion abondante des férofités.
XIII. Lorfque le fpafme eft plus
univerfel, c’eft-à-dire , qu’il attaque
tout le fyftême des membranes, & des
nerfs , ôç furtout lorfçju’il reffèrre la
furface du corps, c’eft-à-dire, la peau
dont il eft couvert, & les petits vail¬
feaux dont elle eft parfemée, le fang ,
les autres liqueurs Ibnt repoulfés de
la circonférence au centre, ou des pe¬
tits vaifteaux de l’habitude du corps au
cœur , qui eft le principe du mouve¬
ment circulaire, aux poumons, & aux
grands vailfeaux ; ce qui eft accompa-
gnéde friflonnement, de friflon, d’un
affaiffèment de l’habitude du corps ,
éc du dégonflement des vaifîèaux de la
peau.
XIV. Le fàng repoulfé par le Ipaf-
me des parties extérieures vers le cœur.
R A I S O N N H. I49
&£ les grands vaiffèaux, augmente, &
rend plus vive leur contradion, & la
pullàtion desarteres ; par cette raifon le
fàng eft fouetté avec plus d’impétuofité,
& la célérité de fon mouvement pro-
greffif augmente partout le corps; ce qui
ne peut fe faire fans une grande chaleur, ,
& ce qui continue jufqu’à ce que la
rémiffion du fpafme des parties exté¬
rieures , &: membraneulès, laiflè ren¬
trer les mouvemens défordonaés dans
l’ordre naturel.
ScHOIIÎ,
Ces mouvemens ordinaires de la na¬
ture, qui ont tant de force pour gué¬
rir , & détruire le corps, fe nomment
fébriles. Ils font principalement l’effet
des fpafmes qui attaquent les parties
nerveufes, & extérieures, & repouf¬
fent en conféquence le fang, & les li¬
queurs vers les parties internes, & le
cœur, qui eft le principe de la vie, où
ils commencent d’abord par caufer des
inquiétudes accompagnées d’un pouls
petit, &: languifïànt ; mais la nature
prenant peu de tems après le deflus, le
mouvement du cœur augmente , ôc
devient plus fort, quelle que foit la
l $Or L'A Me D E 15 TN S '
eau fe de cette augmentation 5 f©3.
pouffe le fang avec force, & impétuo¬
sité vers les parties extérieures, où le
relâchement furvenu àjeurs vaifièaux,
rend la liberté à la circulation ; de
forte qu'il s'enfuit une tranfpiration
& une Sueur beaucoup plus abondan¬
tes. Ce mouvement réciproque de la
circonférence au centre, & enfliite du
centre à la circonférence, n’eff point
une découverte moderne. Nous de¬
vons a fantiquité la plus reculée la
jüftice de convenir quelle le connoif-
foit. En effet, c’eft ainfi que s'en ex¬
plique Hippocrate dans fon Traité des
Feras, §. 3. lcrfque le corps fe trouve rem¬
pli d'alimens, Pair y entre auffi en grande
■quantité, a caufe du long féjour qu'ils font
obligés d'y faire , leur grande quantité les
empêchant d'en fortir. Or les gros inteftins-
étant fermés, les vents fe répandent par tout
le corps., & fe coulant furtout dans les par¬
ties pleines de fang, ils les refroidirent. Or
les parties qui contiennent les four ces du fang
étant refroidies , le frifon attaque tout le
corps. C ejl pour cette raifort que les fièvres
font précédées de friffon, & plus les- vents fe .•
trouvent froids, & en quantité ,plus le frif
fon ef violent, & au contraire . Ces frijfons
hâïsonn/e. , lyi
font accompagnes de tremblement du corps ,
qui arrivent de la.maniere fuivantè. Le fang
craignant le frijfon actuel , fe glijfe partout
le corps , & fe rajjemble dans les parties
les plus chaudes ; car ce font - la les fauts
qu’il fait i & le fang fautant des extrémi¬
tés du corps vers les parties intérieures , les
vifeeres 3 & les chairs tremblent.. Car il y a
dans le corps des parties pleines de fang , &
d’autres qui en font dénuées. Ces dernieres
ne font point en repos a caufe du froid , mais
elles font fecouêes , parce que la chaleur les
abandonne ,, & celles qui font remplies de
fang j tremblent a caufe de fon abondan.se ,
& excitent des inflammations ; car Une fi
paspojjible que lamajfe du fang demeure en
repos , & plus bas il dit, c’efi de cette ma¬
niéré que les fièvres fe font, (a)
(a) Ouando igitur corpus cibis' expletum fue*
rit, tiinc fpiritus quoque magna copia accédât ,
âiu immorantibus cibis, qui quidem cum pr mùl~
ûtudine exire nequeant. diutius immorantur.
ObfiruBo autem inferiore ventre , in univerfmn
corpus flatus percurrunt, & ad fanguine refer tas
corporispartes illapfi, eas réfrigérant. Ht réfrigé¬
rât i s his locis y in quib us fontes rUdic es fangui -
nis continentur , per univerfum corpus horror oc¬
cupât, Hanc igitur ob caufam pnrnum horror es
ante febres oriuntur, & quo majore copia & fri-
giditate flatns irruperint, taüs quoque rigor con-
V - ' ' N'iüj "
iyi La Medecini
XV. On remarque un mouvement
de îa circonférence au centre s & du
centre à la circonférence, & par con«
féquent la fièvre , dans les grandes
douleurs, & les affedions fpafinodi-
ques, qui font ordinaires aux hypo-
chondriaques.
SCHOLIE.
En effet, il n’y a point de douleurs
violentes où il n’y ait refroidiffement
des extrémités, friffonnement, & ref-
-ferrement des pores de la peau, fuivis
fequitur, a pluribus quidem &frigidioribus, ve-
bementior, àpaucioribus vero minufque frigidis?
minus quoque vehemens. Cumhorroribus autem
corporis quoque tremores ad hune moâum contin-
gunt. S an gui s entrapr&fentem horrorem'metuens
jper totum corpus perreptat, & ad maxime calidat
partes concurrit. Atque hi faute]us faltus. Def-
liente autem ab extremis corporis partibus fanguu
rte , & 'vifeera & carnes contremifcunt. Ali A
enim eorporis partes copiofo fanguine referta , alia
exangues exifiunt. Atque exanguesquidem ob fri -
gus minime conquiefcunt,fed concutiuntur, quod
eas calor defiituerit ; qua -veto fanguine replentur,
cb fanguinis copiam contremifcunt, inflamma -
tionem excitant s nequit enim fieri ut fanguinis
multitudo conquiefcat Ad hune ergo modum ,
quem dixi , febres contingunt. Hipp. Lib. de Fia*
tib. §• 111,
rÂïso^ne'é. i$3
de -Taugmentation du mouvement du
cœur , & d une chaleur, qui , empor¬
tant la convulfion, met fin aux dou¬
leurs. Et comme la nature de la terreur
eft la même, c’eft-à dire, qu elle ref-
ferre Fhabitude du corps, & repouffe
le iàng vers le centre, auffi fe termine-
t’elle par la chaleur de tout le corps,
& enfin par la v lueur. .
- XVI. Les fpafmes, ou convulfions,
iie font point les feuls empêchemens
que le fang, ck les liqueurs trouvent à
l'égalité de leur circulation 5 l’atonie,
& le trop grand relâchement, ou la
trop grande foibleffe, à raifbn du re¬
tardement des fluides, qui en eft infé-
parable, produit différentes inégalités
dans la circulation, & différons déran¬
gement des fondions du corps animé.
S CH OLI E.
L'affoibliffement, & la diminution
de la force de contradion, & du ref-
fort des fibres, des membranes, & des
vaiffeaux, dont les parties fblides de
notre corps (ont tifîues , retardent né-
cefîàirement le mouvement des li-
V queurs, & produifent par conféquent
des ftagnations dans les vaiffeaux> qui
s54 Là Medeciné
deviennent des caufes d’une infinité
de maladies, de gonflement ? d'engor¬
gement j d’obftrudion , &: fonvent
même d’endurçifîement, defcirrhe , &
de putrefadion des vifceres.
XVII. La. fkgnation du fang dans
les vifceres , câufe la réparation de la
férofité, qüi , pafîant en plus grande
quantité par lçs vaiflèaüx lymphati¬
ques , les rompt à. la fin , & _donde
naifiànce aux tumeurs œdemateufes,
& afcites.
S C HO LIE»
Cette propofition eft fuftoüt Vraie
s’il s agit de l’engorgement, de l’obf-
frudion , ou de fendurciflèmeiit du
foie, & de la rate, deux vifceres fpon-
gieux, & compofés feulement de vaif-
féaux fanguins , quand ces vices ont
pour caufe la trop grande atonie de
ces vifceres. Car c’eft-là que rëfide
principalement la caufe de la cache¬
xie, & de rhydropifie. Or tel eft le
paflàge dû fang par ces parties , telle
eft la circulation de la lymphe dans les
vaiflèaüx du bas ventre.
XVIII. La ftagnation du fang dans
le foie, & la difficulté qu’il trouve à
RAI SÔNnVe. ' ï 5 5
circuler par ce vifcere, l’oblige de re-
gorger vers les vaifleaux, & les vifce-
. res voiftns de la veine-porte, &' caufe
' d’énormes inégalités dans la circula¬
tion du fang dans d’autres parties
d’abondantes congédions de cette li¬
queur , qui engendrent beaucoup de
maladies.
S ch o LIE.
ïl n’y a pas de vifcere où le laiig cir¬
cule plüs r difficilement que dans le
foie , parce que les principaux vaif-
feaux qui y apportent le iaiig s font
des veines , & par conféquent defti-
tués d’un reiTort fuffifant pour le faire
avancer. Car il eft certain par l’Ana¬
tomie , que tout le fang qui fe diftri-
bueà tout le canal inteftinal, au ven¬
tricule , à l’épiploon, à la rate, au pan¬
créas , eft porté aû foie par les rameaux
de la veine-porte ; &c comme nous
avons remarqué qu’il circule très-diffi¬
cilement par ce vifcere * il regorge ai-
fémcnt vers le tronc de cette veine, ôs
celles qui l’ont apporté , furtout dans
les perionnes qui mènent une vie fé-
dentaire.. Il n’eft donc point étonnant,
vû la difficulté , & l’embarras de la
25 s La Mibeciné
circulation du fang par le foie, que le
fang rétrograde vers les vifceres d où il
vient j qu’il les engorge, qu’il les gon¬
fle, & les dérange notablement dans
l’exercice de leurs fondions. Si le fang
s arrête en trop grande quantité dans
le méfentere , il s’y forme âifément
des abfces, & il arri ve des fièvres len¬
tes , & méfenteriques. 11 arrive auffi
très-fouvent des vomiffemens de fang,.
& des déjedions noires, & fétides , à
l’occafion de l’abftrudion du foie, &
de la. rate.' La même eaufe produit
auffi fréquemment des/éeoulemens im¬
modérés de fang par les veines hémor-
rhoïdales, accident très-commun aux
hydropiques, & aux cachediques. Et
fi le fang arrêté en trop grande quan¬
tité dans les interftices des membranes'
des inteflins, leur caufe trop de ten-
fion, les perfonnes finjettes aux hémof-
rhoïdes en reffentent quelquefois des
douleurs très-aigues.
XIX. La multitude, & les différons
replis des vaiflèaux de luterus , font
caufes que le fang a de la peine à en fbr-
tir. Il y arrive donc fouvent des eng'or-
gemens, qui canfent, ou la fuppreffion
du flux menflruel, ou bien une perte
R Al SONNE 7 E. * 57
immodérée de fang, ou d une férofité
vifqtieufe , &. blançfae. C’éft auffi h
-raifon pourquoi l’uteriis s’enfle fou-
vent , qu’il en fort en abondance une
férofité fétide, qu’il fe forme des hy-
dropifies de l’ovaire, & des abfcès, ou
ulcérés de luteras.
XX. La difficulté que le fang trou¬
ve à palier par les reins affe&és d’ato¬
nie, produit lepiffiement de làng, des
tumeurs, des inflammations, des exuL
cerations , & enfin des concrétions
calculeufbs de ces parties,
XXI. ' Le retardement de la circula¬
tion du fang dans les poumons, s’il eit
trop confidérabîc , y produit des tu¬
bercules , des abfcès, la difficulté de
refpirer, l’aftlime, la péripneumonie,
rhémoptyfie , & l’exulcération ; &
dans le cœur la ' palpitation , & de
grandes inquiétudes.
XXII. Un trop grand embarras de
la circulation du fang dans fes vaif-
feaux, contribue beaucoup à la géné¬
ration des polypes. Car la ftagnation
du fang eft caufe que fes parties fluides
fe féparent très-aifément ; ce qui fait
que les folides, & les plus épaiffes s’ac¬
crochent avec le tems, & forment des
concrétions tenaces.
v ï|S La Médecins
S CH O L I I.
Les polypes qui fe forment dans les.
grands vaiflèaux font beaucoup d’obfta-
cle à la liberté de la circulation du
fang , & d’ordinaire ceux qui s’engen¬
drent dans le cœur caufent de fréquen¬
tes fyncopes , des palpitations opiniâ¬
tres j & la mort fubite. S’ils font can¬
tonnés dans les grands vaiflèaux des
poumons, ils caufent lafthme convul-
fif, rhydropifie de poitrine, le catar¬
rhe fuffocant, ou des faémoptyiies énor¬
mes ; dans les linus de la dure mere,
ils caufent l’épilepfie s les affedions
apoplediques 3 & foporeufes, & les
douleurs de tête opiniâtres ; dans les
grands vaiflèaux du bas ventre des tu-'
meurs œdemateufes , & l’hydropifie ;
dans la matrice des pertes continuelles
de fang, ou de férofités, ou une fup-
preffion parfaite du flux menftruel.
Ceft par une méchanique femblable
que les jambes, & les cuiflès enflent
aux femmes à la fo.de leur groflèfîe.
Le gonflement de 1 utérus, caufant une
compreffion des vaiflèaux iliaques^
oblige le fang de s’y arrêter. Mais l’ac¬
couchement guérit cet accident.
RAISONS E^E'. I55
XXIII. Le trop grand relâchement»
& l’atonie des glandes^ y attirant la
férofité, caufent beaucoup d’excrétions
contre nature, 8 c même immodérées
de cette liqueur.
Scholie.
C eft en effet à cette caufe qu’il faut
rapporter les diarrhées , les écoule*
mens abondans de férofités par les na¬
rines , par la toux, les pertes immodé¬
rées d’urine , èc de falîve, d’une féro¬
fité yicieufe, & même de la liqueur
feminâle dans les fleurs blanches, & la
gonorrhée, tant bénigne que virulente.
C’eft auffi le trop grand relâchement
des glandes des narines, & du gofîer
qui eft caufe que les tumeurs qui s’y
forment dans la verole, y caufent des
érolions déplorables , & la plus Ms
putréfaction.
XXIV. L’obftruétion , & le gonfle¬
ment des glandes dont le reflort eft
deftiné à accélérer la circulation de la
lymphe dans les vaifleaux inftftués
pour la porter, caufe dans leur voifî-
nageunè ftagnation de cette liqueur,
dont le féjour lui fait contrader un
caractère âcre , 8 c corrolif, qui prc-
i<jo La Médecins
duit des érofions, & des exulcérations,
des parties folides , des défluxions. '
âcres, des rhumatifmes 3 & des catar¬
rhes.
ScHOLIE.
Une exade, & fcrupuleufe obfer-
vation nous a fait connoître que les
maladies de la, peau qui reconnoiffent
pour caufe une lymphe âcre, & cor- .
rofive, comme font la galle, la lèpre,
l’herpès', la tigne de la tête, les ulcé¬
rés çoulans de cette partie r les exulcé¬
rations dégoûtantes que produifent la
veroîe, & le fcorbut, enfin les déflu¬
xions falées qui fortent par les ïeux ,
viennent du gonflement des glandes
du col, de la peau, ou de differentes
parties, & que l’on voit fouvent des
tumeurs, ou des concrétions gîobuleu- _
fes, molles, mobiles , d un plus, ou
d’un moins grand diamètre, quelque¬
fois de la groflèur d’un oeuf de pigeon,
absolument indolentes , furtout dans
la verole, & la galle maligne ; & tarît
que ces tumeurs fubfiftent, on fe flatte
yainement d’avoir emporté la caufe de
ces maladies.
XXV- Plus les glandes obffruëes
font
raîsonne'e. 161
font confldérables, plus la circulation
de la lymphe trouve d’obftacles , 8c
plus les exulcérations , les abfcès, 8c
les écoulemens de cette liqueur font
confldérables.
SCHOLIE.
Une preuve palpable de cette vé¬
rité, eft le gonflement des glandes in¬
guinales , 8c axillaires, qui venant à.fe
gonfler dans la pefte, la fièvre éryfipe-
lateufe 5 ou la verole, caufent fouvent
des-abfcès , ou des ulcérés malins.
L’hydropifie afcite , 8c l’enflure confît
dérable du bas ventre, eft encore une
fuite de l’obftrudion, ou du trop grand
gonflement des glandes du méfentere.
XXVI. C’eft encore une loi fixe,
8c invariable de la nature, qu’un fpaf-
me'violent des membranes nerveufes
communique fouvent ce mouvement
déréglé a tout le fyftême des nerfs , 8c
des membranes.
ScHOLIE.
On voit une preuve manifefte de
cette vérité dans l’opération des poi-
fons, par exemple de l’arfenic blanc,
ou du mercure fublimé corrofif, qui
Tme IIL Q
tèt Là Médecins
font à peine entrés dans le corps 3 qulfs
caufent des douleurs cruelles du bas
ventre , une foif dévorante, produite
par le refîerrement conVulfif des glan¬
des de réfophage 3 & du gofier, le
froid des extrémités 3 des fueurs froi¬
des , des inquiétudes infupportables
des agitations involontaires , des dé¬
faillances , des vomiiTemens , des ref-
ferremens des parties voifines du cœur,
& des convuînons $ accidens produits
par la violente contra&ion, & le fpaf-
me des parties nef veufes 3 & la promp¬
te communication de ce mouvement
déréglé des fibres à tout le fyftême des
nerfs. Combien Tirritation feule 3 &
4 a picqure des nefs par les dents qui
veulent fortir, ne prodüifibnt-elles pas
d’accidens fâcheux; Ne font-cepoint
des caufes fubites de fièvres, de veilles,
de terreurs, d’épilepfiês 3 d’inquiétu¬
des , de reflerrement du ventre 3 de
tranchées 3 de déjeâions vertes , de
diarrhées 3 de vomiflemens, d’aftlimes ?
Eft-il rien de plus commun que de voir
les tranchées qui accompagnent la fup*
preffion du ventre, cauferaux enfans
des fievres, & des épileplies funeftes ;
Nous avons obfervé dans l’opération
RAIS O-N NE'S.
tliêmè du remede , que les purgatifs
pris fans précaution, ou trop rréquem-
ment, caufent des vents, des enflures
timpanitiques du ventre, la fuppref-
fion d’urine , la foif, la fièvre des
fueurs froides. Aucun Praticien n’igno¬
re que les douleurs violentes des in-
teftins fe terminent fbuvent en paraly-
fie, ou en relâchement des nerfs ; que
lé trop grand froid des pieds caufe la
colique; que la douleur de la pierre
des reiris caufe des naufées, & des Vo-
miffemens, qu’elle concentre le pouls
du côté attaqué, & le rend petit, &
quelle produit fouvent une fuppreffion .
totale d’urine , à caufe de la commu¬
nication de la convulfion de l’urethere
malade a l’autre. 11 n’efl pas rare que
îe fpafme foit fi grand, & fi fort dans
cette maladie, qu’il fafle remonter le
iefticule du côté malade , &: même
caufe un reflerrement à la cuifïe. On
voit fbuvent'en pratique la ftagnation
du lait dans les mammelîes après l’ac¬
couchement caufer des fièvres, & une
fuppreffion des vuidanges. Mais on ne
voit pas mieux l’effet des mouvemens
fpafmodiques , èc leur propagation
par le moïen des nerfs, que dans les
î <34 La Medecini
hyftériques , où pour l’ordinaire ces
ofcillations fpafmodiques commencent
dans les inteftins, comme le prouve le
reflerrement du ventre , & î’aquofité
de l’urine j d’où elles fe communi¬
quent au plexus méfenterique , ce
qu’indique la douleur qu’elles reflen-
tent à la première vertebre des lom¬
bes , & de-là s’étendent au ventricu¬
le , au diaphragme, aux poumons, au
gofier , & même à la tête , comme
on le connoît clairement aux extrêmes
inquiétudes des parties voifines du
cœur, aux reffèrremens du diaphragr
me , à l’étranglement du gofier, à la
fyncope, à la difficulté de refpirer augr
mentee jufqu’à la fuffocation , au ver-
tige, à i’éblouiflcment, à la migraine#
& enfin aux épilepfies, & aux fuffoca^
tions qui arrivent quelquefois. Ces
contrarions , & commotions violen¬
tes, fpafmodiques des parties ner-
veufes reviennent fouvent de la tête
aux parties inférieures par lefquelles
eiles.avoient commencé, par les mê¬
mes paires de nerfs qui les y avoient
portées , & ordinairement ces retours
font accompagnés de fymptômes plus
violens, & d’un grand épuifement des
raisonue'ë.' 16$
forces. Auffi avons-nous fouvent re¬
marqué qu’il venoit de la tête d’extrê¬
mes inquiétudes dans les parties voifi-
nes du cœur , accompagnées de vo¬
mi fle mens , & de tranchées.
XXVII. Le caradere, & le génie
des fpafmes eft d’affoiblir extrême¬
ment les parties où ils pouffent le fang,
& les liqueurs, en grande quantité éc
avec beaucoup d’impétuofité,
SCHOL I E.
La trop grande quantité des liqueurs
affoiblit extrêmement le reffort, & la
tenfion des fibres ; de forte qu’il leur
eft difficile de recouvrer leur vigueur
originaire ; c’eft par cette raifon qu el¬
les font toutes difpofées à reprendre ,
& retenir les liqueurs qu’y pouffent les
nouvelles convulfions qurpeuvent fur-
venir. La veffie en eft un exemple.
Quand elle a été trop tendue par l’uri¬
ne long-tems gardée, l’affoibliflement
de fon reftort eft caufe quelle a plus
de peine enfuite à la rendre. C’eft à
cette raifon qu’il faut auffi avoir re¬
cours pour expliquer comment dans
plu fleurs accès fou rechutes de mala¬
dies, les liqueurs que les convulfions re-
%6é LA'MeDECINÉ
pouffent fe rejettent fi promptement
fur les parties quelles ont une fois oc¬
cupées , & par les mêmes chemins, &
les mêmes paflàges,- -
XXVIII. C’eft encore une loi de
l’économie animale, que les convul-
fions impriment Une telle difpofitioiï
aux parties quelles ont attaquées une, •
ou deux fois, que la plus légère occa-
fion leur fait reprendre les mêmes
mouvemens , & contrarions convul-
fives, comme fi elles en avoient con-
'tracté une habitude»
ScHOIIEr .
Üefi par cette raifon que toutes lés-
maladies convulfives , & celles qui
font fiijettes a des retours, comme les
accès des lièvres, d’épilepfie, de con-
vulfions , où les douleurs vives , re¬
viennent pour le plus, léger fui et-, & a
la moindre occafiony comme on le re¬
marque fiirtput dans les hypochon-
driaques, &: les fcorbutiques.
XXIX. C’efi une loi confiante de la
naturey que l’attaque que les fpafmes
donnent à quelque partie 3 n’eft pas
continuelle 3 <k qu ordinairement-leur
ïiaisônné'e. 167
violence fouffre une rémiffiorï > & mê¬
me une intermiffion parfaite pendant
quelque tems, lequel paflê s ils revien¬
nent foiivent avec la même violence,
ce qui produit des accès réglés, & dé¬
terminés.
Scaoii %
Ceft la nature 5 êz le caradere de
toutes les maladies a tant aiguës que
chroniques, qui reviennent par accès,
retours* & redoüblemens, de ne point
conftamment attaquer le corps avec
le même degré de violence, mais de
fe repofer , & , pour ainfi dire , de
faire une treve de quelque tems. Cette
proportion eft même vraie des plus
cruelles tranchées des intéftins , des
inquiétudes les plus infupportables ,
des vomiilemens , ou des déjedions
les plus violentes que caufent les forts
purgatifs, les émetiques, ou les poi-
fous, qui 11e tourmentent pas continuel¬
lement , mais ont leurs réiîûffions 3 ôs
leurs redoüblemens.
XXX. Une des premières loix de h
nature 3 & des plus autorifées par les
obfervations, c’eft que les Ipafmes af-
foiblifîènt 3 êc jettent dans 1 atonie les
itô Là Médecins
parties , fur lefquels ils Te font long-
tems exercés.
$ C H O I I É.
Il paroît que la caufe de la foibîeffe
qui refte aux.partics que lesTpafmes
ont trop long-tems fatiguées, ne vient
«que de la forte agitation , du choc ré¬
ciproque , & de la contorfion des' fi¬
bres , qui diffipe, & fait exhaler les
molécules les plus fluides du fang , &:
du fuc nerveux, qui donnent aux par¬
ties la tendon , & le refîort qui les
rend propres à la vie. D’où il fuit,
qu elles relient dans un état d’affoi-
bliflèment, jufqu’à ce que peu à peu,
& avec le tems, elles fe foient remplies
de nouveaux fucs fpiritucux, & quel-
lès s’en foient nourries.
XXXI. La foiblcfiè , & l’atonie
que la violence des fpafmes -a lailfées
dansdes parties, fervent à rendre rai-
fon de différens phénomènes patholo¬
giques.
ScHOl ÏE.
Il eft étonnant avec quelle facilité
on explique beaucoup de phenomenés
des plus difficiles , en partant de ce
principe-
ràisonne'é. ï^5>
principe. C’eft une remarque trés-cu-
rieufe , que dans les accès des-fièvres
intermittentes le pouls foit très-vif, 8c
très-vite, 8z la chaleur confiderable ,
& que les jours d’intermiffion le pouls
foit foible, & lent, & les parties froi¬
des. Dans les affections fpafmodiquefc
qui attaquent les hypochondriaques,
les gouteux, les hyfteriques, le pouls
eft très-dur, très-vite , avec inquiétu¬
des , & chaleur interne ; dans les ré-
miffions de ces accès le pouls eft d’une
lenteur, & d'une foibleflfe étonnantes.
Dans les accès des fièvres, 8c dans les
vives douleurs , la peau eft feche 9
tendue , brûlante, ferrée , & deflè-
chée, de maniéré qu'elle ne faille écha-
per aucune humidité -, à la fin de l'accès
elle fe relâche , elle s’enfle , devient
mollette, 8c laiffe échapper une fueur
abondante , avec un léger fentiment
de froideur. Dans les convulfions, la
chaleur de la fièvre, 8c les douleurs ,
on rend une urine très-aqueüfe , 8c
lympide , qui ne dépofe aucun fëdi-
ment j dans le déclin , 8c après que
les fpafmes font finis , le trop grand
relâchement des canaux fait rendre
une urine épaifle , 8ç chargée , qui
Tome ///. P
v~o Là Mececinæ
lâche beaucoup de fédiment. Rien n’eft
plus commun que de voir fucceder à
une inflammation violente de quelque
partie , inflammation accompagnée
d’une douleur très-aigue,une fi grande
ibiblefle, une fi grande atonie, lorf-
-que la douleur eft totalement paflee ,
que le fang s’y arrêtant , faute d’y
avoir Ion mouvement accéléré , y con¬
çoit une putrefaéfionfphaceleufe. Dans
toutes les douleurs violentes, il y a
refierrement de la partie , & la mar¬
qué du rallentiflement de la douleur
eft le gonflement de cette même par¬
tie. Lés inteftins, & le ventricule fouf-
Frent les plus violentes contractions à
J’occafion des poifions cauftiqtics, &
•àprës leur operation, ou après la mort,
le gonflement des inteftins fait auffi
paroître le ventre fort gros. L’opera¬
tion trop violente des émetiques, ou
des purgatifs cauiè ordinairement des
vents, & l’atonie dans le ventricule,
les inteftins ; & enfiiite la fupprel-
ilon du ventre à cauiè de l’afFoiblifîè-
ment du mouvement périftaltique. Il
faut auffi revenir à notre théorème ,
pour expliquer la langueur, & l’abba-
jement qui iiiccedeîit à la fièvre , &
aux convulfions. On en voit encore
une preuve dans la toux, où la con-
tradion fpafmodique des glandes ne
laide paffer qu’une matière très-déliée,
au lieu que iùr le déclin de cette ma¬
ladie , le fpafme diminuant, on crache
beaucoup , & d’humeurs vifqueufes ,
& mucilagineufcs.
XXXII. Donc plus le fpafme eft
violent, & plus long-tems il travaille
une partie, plus grande eft l’atonie ,
& la foibldfè qui le fuit»
Scholie.
C’eft pour cela qu’une inflammation
profonde , & violente, eft fui vie du
iphacele. Et l’on voit que les mouve-
mens épileptiques, & l’allhme con-
vulfîf, affoibliflènt tellement le cer¬
ceau , & les nerfs, que la paralyfie ,
rhemiplegie , ou l’apoplexie , que la
mort fuît promptement , en font' le
dénouement.
XXXIII. Lés parties reftant extrê¬
mement affoiblic-s âpres les accès ,
attaques des fpafmes , la ftagnation,
ou l’arrêt des liqueurs qu’ils y ont ar¬
rêtées les rend la matière, & le foier
de nouveaux accès,
Pij
La Medecike
SCHOLIE.
11 arrive fouvent dans les fièvres in¬
termittentes , que quoique toute la
matière fébrile loit réformée , & dif-
fipée , les accès ne laiflfent pas de re^
venir dans le tems accoutumé. C’eft ce
que i explique ainfi, Je dis que chaque
accès forme lui-même une matière qui
devient la caufè de celui qui doit le
fuivre, en produifant dans le lang , à
raifon de 1’augmentation de chaleur
qu 3 il lui donne , & de l’accélération
de fa circulation, une quantité d’im¬
puretés excreinenteufes, falées, ôt bi-
lieufe$ ÿ fruits de fa violente tritura¬
tion j lçfquelles s’arrêtent aifément
dans les parties membraneufes , que
l’accès a fort affoiblies , & les exal¬
tent à recommencer leurs contra&ions
convulfives. Les accès fe reproduifent
bien plus aifément dans les parties af¬
foiblies j s’il y a encore de la matière
fébrile, ou qu’elle réfide tou jours dans
les vifeeres du bas y entre- C’eft de la
même maniéré que nous expliquons
les rechutes en fait de fièvres, o.u d au¬
tres maladies, & je ne vois rien de
plus naturel, fi I’qîî n’a pas eu foin.de
&'A-I-SdftNË*2< Î7|
fortifier les parties que la maladie à/
affaiblies, 8c énervées, fi Ion ne leur
a pas rendu leur tenfion , & que l’on
ait négligé d’évacuer la matière mor¬
bifique , que de voir la maladie re¬
commencer. On voit clairement par
ce que je viens de dire , pourquoi l’é¬
corce de quinquina, 8c les autres mé-
dicamens légèrement aftringens , 8c
Fortifians, font des remedes li efficaces
contre les accès des fièvres, & les au¬
tres affe&ions convulfives.
XXXIV. Dans la jeuneffe , & l’âgé
viril, & dans les corps vifs, 8c robuf-
tes, le làng, 8c les liqueurs font plus
d’efforts vers les parties fuperieures 3
8c dans les vieillards, les infirmes, 8c
les fuiets flalques , il fe jette fur les in¬
ferieures.
SCHOLI E.
Auffi remarque-don que les hémor¬
rhagies par les narines, èc par les pou¬
mons dans le crachement de fan g font
très-communes dans la jeunefîe , de
maniéré que le faignement du nez eft
très fou vent la crife des fièvres arden¬
tes. Et comme l’impetuofité avec la¬
quelle le fang eft lancé dans les pou-
s 74- La Médecins
mons, efl une caufe toute naturelle de
la pbthifie, on conçoit aifément qu’il
n y a point d’âge plus propre que la :
jçuneffe a la produire. Mais la rai Ion .
qui fait qu'à cet. âge les humeurs fè ;
portent avec tant d’impetuofité vers
les parties fuperieures, eft fans contre^
dit la force , la tcnfion , & le grand
reflbrt des fibres. Dans la. vieille®; au
contraire, & l’état d’infirmité 3 les par¬
ties folides étant fiafqués , & relâ¬
chées , & aiant moins de force , l’im-
peruofité du fang diminué du côté des
parties fuperieures, & les humeurs vi-
cieufes fe portent plutôt vers les infe¬
rieures , & s’arrêtant dans les vifceresà
produifent des affeôfcions chroniques v ,
la cachexie , Fhydropifie, le fcorbut, \
la néphrétique, la colique , les he-
morrhoïdes, & les maux qui font* les
fuites de ceux dont nous venons de
parler. Outre cela les jeunes gens ont
le ventre plus rdferré, & les vieillards
lont plus lâcher, parce que les pre-.
miers ont le fuc nerveux en état de
fe diftribuer librement de côté , &
d autre , &c de donner aux parties do
laJForce, oc de la tenfion , conforme¬
ment à l’mfiitution de la nature. Les
^âisonne'e. 175 '
paffîons de Famé font aufîi plus , ou
moins ennemies de certains âges, &:
l'agitation des liqueurs dans la jeuneflè
eft une çaufe toute naturelle du pré¬
judice que la colere lui caufe , en met¬
tant les jeunes gens très-aifément dans
des hémorrhagies, même par le nez /
des hemoptyfies , des phthi fies , des
pleurefles , des fièvres ardentes > des
douleurs de tête » ëz des délires. Et
comme dans un âge avancé les parties;
folides font naturellement relâchées ,
ôn conçoit fans peine que la triftefle,
& les inquiétudes , ainfi que la ter¬
reur j font très-nuiîibles aux vieillards.
Aufîi remarque-ton qu’elles leur cau-
fent de grandes affections chroniques,
Sé même quelquefois une mort très-
prompte. En effet , la- trifteffe a une
force prodigieulè pour affoihlir , oz
détruire le ton du ventricule , & der
inteftms 3 ce qui dérange en une infi¬
nité de maniérés la drgeftion des ali-
mens , les fecretions , les excré¬
tions. '
XXXV. La répétition desades, &
l’habitude , imprime aux folides,
aux fluides un caradere , & une dif-
pofition qui leur fait reprendre aife
P iiij
La Medecine
ment les mouvemens qu’ils ont une
(ois reçus.
SCHOLIE.
Ceft ici une loi univerfelle de la
Nature , & qu’il ne faut jamais perdre
de vue, parce quelle fert à l’explica¬
tion de beaucoup de phenomenesi II
y a beaucoup de maladies, ou plutôt
de mouvemens maladifs, dont l’effet
«ff de tranfporter impetueufement les
liqueurs d’une partie dans une autre »
qui reviennent dans des tems déter¬
minés recommencer leur tragédie. Par
exemple, a-t’on été une, ou deux fois,
attaqué de colique, on eft fujet à la
reprendre. Ceux à qui les hemorrhoï-
des lluent ordinairement vers le tems
des equinoxes, lorfque ce tems appro¬
che , commencent à fentir les Ipalmes
feemorrhcïdaux dans les lombes , le
dos , l’os facrum, ôc le bas ventre. Qn
u’a point pris l’habitude de fe faire
faigner, pu fcarifier dans certains tems
de l’année , qii’au retour du même
tems on relient une pelànteur, & une
tenlion dans les parties où le fang fé-
journoit lorfqu’on a été obligé de le
faire làigner > & même on tombe ma-
raisonne'®. 177
kde , fi Ton néglige ce fecours. Ceu£
qui fe font accoutumés à des exercices,
& des travaux pénibles, venant à fe
livrer imprudemment à un trop long
repos, tombent aifément malades, SC
furtout de maladies qui attaquent les
articulations -, & au contraire Hippo¬
crate remarque que ft l'on paffe fubite -
ment d'un grand repos a un grand travail ,
on fera beaucoup plus incommodé qu’on tic
feroit en paffant de la bonne chere a une vie
très frugale , ou d'un grand travail a une
rie oifive , & fainéanté. Hippocrate fait
Cependant cette réflexion ; il faut pour¬
tant fe repofer après le travail , & l'abfii-
nence ejlnéceffaire après la bonne chere ; au¬
trement tout le corps s'appefanîit , & devient
la proie des douleurs, (a) Le même Auteur
remarque encore cpaun lit trop mollet ,
quand on efi accoutumé à coucher durement ,
(a) Si qui s ex multa quïete ad ampliorem la -
borem de repente perveniat , multo magis Ude-
tur , quamfi ex multo cibo ad vaforum -vacuatio -
nem tranfmutetur ; &fi ex multo labore âere-
pente ad otium & fegnitiem exciderit. Oportet
tamen & his corpus quiefcere ; oportet item
illis ventrem a ciborum copia quiefcere ; fin mi¬
nus & dolorem in corpore inducet , & totius
cerporis gravitatem. Hipp .Lib. de vift.irt Acut.
J. 2 . 4 .
iy% La Medeciuî
caufe de la douleur , & que le changement
d'un lit mollet en un dur fait au fie même
effet, (a.) Ceux qui font accoutumés à
coucher l’Hiver dans une chambre peu:
échauffée fe trouvent fort mal de cou¬
cher dans un. poêle bien échauffé.
Quand on s’accoutume à manger , ou:
à s’éveiller.à une heure déterminée,
on fent de l’appetit, &: l’on s’éveille
au retour de la même heure. Quand
on eft dans l’habitude d’uriner à une
certaine heure de la nuit , on fe ré¬
veille pour le faire tous les jours à la
même heure. 'On peut voir beaucoup
de chofes très-utiles dans le même
goût dans le Traité .d’Hipp.octâte- ^
VAncienne Médecine , §. ig. & dans
celui dû Régime dans les maladies aiguës ,
§. 15. 16. -
XXXVI. Tous les œouvemeos qui
dérangent les fondions du corps ani¬
mé font nuifibles , & pernicieux en
eux-mêmes, &: de leur naturel ; ils ne
laiffcnt pas cependant de produire fou*
vent des effets fàlutaires, de de rendre
fa) Leclus prêter morem mollis dolontn inducit.
itemque prater cmfuetudinem duras. Hipp. iïii.
RAIS ON ne'E. Ïff-'
Îâ' fanté , en détruifant les eaufes des
maladies;
S C H O L I E.
Tout ordre, & ce qui fe induit en
conséquence étant bon de fa nature,
& Salutaire , Soit en morale, fait en
phyfique, il faut conduire néceffaire-
ftient que ce qui cft contraire à cet or- ;
dre, & ce qui le détruit, eft .mauvais
de fa nature. Et comme les mouve-
mens réglés, proportionnés, Ôz fou- :
mis à un jtifte équilibre, qui entre¬
tiennent la vie, &z la Santé, font ab¬
solument Salutaires y & avantageux ,
il s’enfuit neceffairement quetous cetm
qui s’éloignent de la proportion, & de
l’équilibre, qui par conféquent vi¬
cient , & dérangent: les fondions ,
font pernicieux par eux-mêmes, & de
leur nature. Pourroit-on en effet s’i¬
maginer que le retardement du mou¬
vement circulaire des liqueurs , fon
affoibliffement 3 la fuppreÔion des ex¬
crétions , les flagnations du lang , &
de la ferofité , les engorgemenS des
vifceres , les obftruétions, les putre-
fadions qui en font les fuites, ôz qui
font les principales eaufes des maladies
î8o La Me DE GIN E
chroniques , font falutaires ? On fie
peut pas non plus dire abfolument des
mouvemens accélérés , & fpafmodi-
ques, qu’ils font utiles au corps , èc
qu’ils les garantirent de la putréfac¬
tion , & de la mort'. Car il eft notoire
que le naturel , & le caraélere des
lpafmes eft d’arrêter les excrétions, de
refterrer la peau , organe de la plus
falutaire , puifqu’elle eft deftinée à
faire fortir fans cefle les parties ufées
du fang, Sc qu’ils repouflent les hu¬
meurs de la furracé du corps des
extrémités aux parties internes * & au
cœur -, au lieu que la confèrvation de
la fan té , & de la vie demande que les
mouvemens excrétoires foient libres y
& que les liqueurs fe portent du cen¬
tre à la circonférence du corps.. Une
autre preuve que les fpafmes font ef~
fentiellement contraires à la vie , c’eft ;
que les fymptômes qui caufent la :
mort, font produits par les fpafmes *
ôc pendant qu’ils durent.
XXXVII. Ce ne font pas les mou- .
vemens fpafmodiques, mais les mou-
vemens accélérés du fang à l’occafion
de l’augmentation de vîteffe , & de
force de la contraction du cœur ?
RAI SONNE 7 £. îSl
des arteres , mouvemens qui fuivent
fouvent les fpafmodiques, & dont la
diredion eft du centre à la circonfé¬
rence , mouvemens en un mot connus
fous le nom de fébriles, qui font fbu-
vent un efret falutaîre , en ce qu’ils
dcbarraflènt le corps des caufes mor¬
bifiques , & de leurs mauvais effets»
S C H O L I E.
On ne peut même dire de la fièvre ,
bien que Ion effet (bit fouvent falu-
taire, quelle eft de fa nature, & eflen-
tiellement falutaire, ou qu’elle eft un
effort de la nature pour parvenir à la
f uérifon , puifqu’en confommant les
3rces, comme il arrive fouvent, fur-
tout dans les maladies chroniques, elle
rend de plus mauvaife condition les
ftagnations des humeurs, les corrup¬
tions , & les putrefadions des vifceres»
Auffi la fièvre caufe-t’elle ordinaire¬
ment , $£ même prefque toujours la
mort aux phthifiques, aux hydropi¬
ques, aux cachediques, aux fcorbu-
tiques, aux vieillards, & aux tempe-
ramens foibles. Ses effets ne font fà-
iutaires que lorfque les mouvement
ïSl La MEDECINE
fpalmodîques qui la produifent font
de nature à détruire la caufe qui leur
a donné l’être , c’clt-à-dirc , à éva¬
cuer le fang vicié par fa. ftagnation,
à réfoudre promptement les ftafes ,
&: les ftagnations qui fcroient per-
nicieufes , & à diflbudre le làng qui
pèche par la quantité, & Ion èpaif-
leur.
XXXVIII. Il cft donc du devoir
d’un Médecin habile, & prudent d’é¬
tudier le caraélere des mouvemens
qui arrivent pendant les maladies ,
afin de les faire fervir à la guerilbn
du malade , en déterminant leurs ef-
forts d’une maniéré avantageulè,
S OH OL 1 1.
Tout le fînde l’Art connfle donc à
favoir djftinguer les mouvemens ma¬
ladifs pernicieux de ceux qui font
falutaires , & avantageux au corps ,
,adn de déraciner promptement les
caufes des premiers, & d’aider les au-
tres par les moiens connus des grands
.Maîtres de l’Art. Or c’eft à quoi l’on
ne peut réuffir fans favoir exaéle-
-ment les loix 3 & les eftW de .la Nà-
R AI SONNE'E. ig 3
ture, les differentes caufes qui entre¬
tiennent les mouvemeiis morbifiques,
enfin la nature , &: la conftitution
particulière des malades. Celui qui
fera parfaitement au fait de toutes
ces chofes, fera, à mon avis, un ex¬
cellent Médecin.
Fin du troijiême Tome»